Samba


Samba, sénégalais en France depuis 10 ans, collectionne les petits boulots ; Alice est une cadre supérieure épuisée par un burn out. Lui essaye par tous les moyens d'obtenir ses papiers, alors qu'elle tente de se reconstruire par le bénévolat dans une association. Chacun cherche à sortir de son impasse jusqu'au jour où leurs destins se croisent... Entre humour et émotion, leur histoire se fraye un autre chemin vers le bonheur. Et si la vie avait plus d'imagination qu'eux ?





Trois ans après le triomphe d’«Intouchables» au box-office, le duo Eric Toledano - Olivier Nakache revient dans les salles obscures avec «Samba». Résultat: comme pour leurs trois derniers métrages, on a encore kiffé! Décryptage en cinq points:

1. La noble comédie populaire

C’est sans conteste le point fort de leur cinéma. Pouvoir susciter le rire sur des thèmes pas rigolos pour un sou. Que ce soit le handicap ou le quotidien des sans-papiers, les deux Français abordent de front des sujets difficiles sans toutefois sombrer dans le pathos ou le misérabilisme. Car dans leur cinéma, il y a toujours un bon mot ou une vanne pour désamorcer une situation qui abuserait de la corde sensible. Sans le vouloir, notre tandem redonne à la comédie populaire française ses lettres de noblesse, genre on ne peut plus galvaudé à cause d’une pléiade de pseudo-auteurs-réalisateurs qui se croient drôles. Vous les reconnaîtrez assez facilement: ce sont (presque – ne soyons pas trop médisants) tous les films où apparaît ce bon vieux histrion de Franck Dubosc!

2. Le sens du dialogue qui claque

De manière générale, outre un grand manque d’inspiration, le grand mal qui ressort de la kyrielle de comédies-poubelles «made in France» qui déboulent chaque année dans les salles obscures, c’est leur pauvreté en matière de dialogues. Pour un «Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu» ou un «Le Prénom», combien de pantalonnades à la noix doit-on subir? Trop is te veel! On a arrêté de compter. N’est pas dialoguiste qui veut. Nakache et Toledano, eux, ont le sens de la répartie. Le sens des dialogues qui claquent dans les esgourdes. Le sens de la boutade, de la vanne, de la phrase instantanément culte. Mitraillés dans la bouche de bons acteurs, ces dialogues participent en grande partie à la réussite d’une comédie tout comme des scènes de combats ou de course-poursuites font le sel d’un film d’action de qualité.

3. Sy bon ce Omar

Omar Sy est intouchable depuis son sacre aux Césars. On rembobine. Flashback début 2012. En compétition avec Jean Dujardin (The Artist) pour le trophée du meilleur acteur, Omar Sy est déjà ravi. Alors que les comédies sont d’ordinaire boudées par l’aréopage cinéphilique français, «Intouchables» est nominé dans plusieurs catégories dont meilleur film, réalisateur, scénario original, second rôle féminin etc. Et le kid venu de la banlieue n’en croit pas ses yeux. Il est reconnu comme acteur, lui qui a toujours eu l’impression d’usurper la place de quelqu’un d’autre. Ce soir-là, il remporte la statuette au nez et à la barbe de son pote muet - lequel pourra se consoler avec le non moins prestigieux Oscar du meilleur acteur. Ainsi, tout le monde il est content. Avec le succès, son aura franchit les frontières. Aux States, on l’aime déjà. Le comparse de Fred Testot dans le «SAV» s’installe en Californie et réussit ses castings. Il incarne le mutant Bishop dans «X-Men: Days of Futur Past», il joue face à James Franco dans «Good People», il se frotte aux dinosaures dans «Jurassic World». Au risque de se répéter: Omar Sy est intouchable. Et ce dernier n’a rien volé. D’humoriste sympa, il est devenu un véritable comédien. Touchant, juste, drôle, il faudra désormais compter avec lui que ce soit dans l’hexagone ou outre-Atlantique. Dans «Samba», celui-ci convainc directement dès les premiers plans. Mais cette chrysalide, on la doit aussi et surtout à…

4. Des seconds rôles de tout premier choix

… à la paire Nakache-Toledano pardi! En sus d’être d’excellents conteurs d’histoire, les réalisateurs sont d’indéniables directeurs d’acteurs. Une qualité qui agit naturellement sur la prestation des comédiens. Cet atout naît d’un amour et d’une tendresse incommensurable pour leurs personnages, qu’ils soient à l’avant-plan ou pas. Chez eux, il n’y a pas vraiment de premier rôle. Car même les personnages dits «secondaires» sont de véritables protagonistes qui ont un poids dans le récit. Les rôles de Tahar Rahim et Izia Higelin, tous les deux impeccables, sont aussi bien écrits que ceux d’Omar Sy et Charlotte Gainsbourg. Généreux avec tous leurs personnages et ce depuis leurs débuts dans le septième art, les cinéastes parviennent à nous intéresser sur le sort de chacun alors que de nombreux metteurs en scène oublient bien souvent de faire exister les seconds couteaux ou les utilisent uniquement en tant que faire-valoir du héros.

5. Petits bémols quand même

La vie dans les centres fermés, le quotidien des sans-papiers, le travail et le marché noir, le burn-out, une histoire d’amour, des amitiés qui se lient etc., Toledano et Nakache étaient particulièrement inspirés (gourmands?) lorsqu’ils se sont mis à écrire le scénario. Un peu trop même. En voulant aborder autant de thèmes, les deux hommes se sont un brin perdus. Cette variété de sujets a quelque peu déforcé l’intrigue principale. Quelques longueurs sont ainsi à déplorer au deux-tiers du métrage. Autre bémol, la mise en scène un peu trop léchée des cinéastes. Si on reconnait bien là tout leur savoir-faire, on se montre davantage perplexe quant aux choix esthétiques pour peindre la réalité. C’est un peu trop propret à notre goût. Le duo semble avoir oublié qu’on relatait bien l’univers des sans-papiers et que cela n’a rien de très glamour. Nonobstant le choix d’en faire une fable, la forme épouse mal le fond. Le Belge Olivier Masset-Depasse s’était nettement mieux illustré dans son formidable (et malheureusement méconnu) «Illégal» sur un sujet voisin. Idem pour Philippe Lioret et son très beau «Welcome». Des incartades qui enquiquineront un tantinet les plus cinéphiles d’entre vous, le spectateur lambda, quant à lui, passera outre. Dans tous les cas, les deux cinéphages vivront un agréable moment de cinéma.

Note:
Critique: Professeur Grant

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