Pawn Sacrifice


L’histoire de Bobby Fischer, le prodige américain des échecs, qui à l’apogée de la guerre froide se retrouve pris entre le feu des deux superpuissances en défiant l’Empire Soviétique lors du match du siècle contre Boris Spassky. Son obsession de vaincre les Russes va peu à peu se transformer en une terrifiante lutte entre le génie et la folie de cet homme complexe qui n’a jamais cessé de fasciner le monde.




«Pawn Sacrifice», c’est le come-back un peu inespéré de deux artistes, l’un placé devant la caméra, l’autre derrière. En face de l’objectif: Tobey Maguire. Etrange qu’est son parcours. Valeur montante du cinéma indé avec des rôles chez Ang Lee, Woody Allen ou Gary Ross, le comédien s’est peu à peu oublié dans des superproductions écrasantes à l’instar de la trilogie «Spiderman». 

Face à lui, le réalisateur Edward Zwick, metteur en scène d’œuvres respectables telles que «Glory», «Legends of the Fall» «The Last Samurai» ou encore «Blood Diamond». Mais après ce dernier métrage, le cinéaste s’est englué dans l’oubli avec l’inconnu mais honnête «Defiance» et le fort dispensable «Love and Other Drugs».

Notre paire ainsi trouvée se lance dès 2012 dans un projet biographique sur l’âme tourmentée qu’est Bobby Fisher, le prodige américain des échecs qui, à l’apogée de la guerre froide, se retrouve pris entre le feu des deux superpuissances en défiant l’Empire soviétique lors du match du siècle contre Boris Spassky. 

Ne tournons pas autour du pot, Tobey Maguire est phénoménal dans ce rôle de composition. En s’octroyant ce personnage complexe et arrogant, le comédien - et producteur - arrive à le rendre détestable tout en nous captivant à le suivre dans ses délires de persécution. Carrément antipathique, on se met à adorer… le détester. Sa performance digne d’une nomination aux Oscar nous permet d’entrevoir le gouffre de la paranoïa.

A ses côtés, Liev Schreiber (Scream), dans le costume délicat du grand maître russe mutique, évite l’écueil de la caricature et offre une prestation louable. Peter Sarsgaard (Jarhead), fidèle à lui-même, c’est-à-dire excellent, et Michael Stuhlbarg (A Serious Man), impeccable en avocat patriotique, ne déméritent pas et apportent de la solidité à cette distribution aux petits oignons.

Très documenté et fort détaillé, le film n’en reste pas moins de facture académique et prouve à nouveau qu’Edward Zwick est définitivement un faiseur formidable plutôt qu’un véritable esthète de l’image. Si on ne peut nier son savoir-faire, le metteur en scène se saisit rarement du matériau de base pour le transcender réellement, se reposant un peu trop sur le jeu et l’expérience de ses acteurs.

Ainsi, le réalisateur ménage les schémas attendus de tout bon biopic qui se respecte sans s’écarter du tracé ultra conventionnel dicté par le scénario de Steven Knight, auteur et réalisateur du remarqué «Locke» avec Tom Hardy. Si les codes de la biographie filmée sont mis en œuvre sans créativité, la puissance du sujet capte d’emblée et retient l'attention jusqu’au générique.

Reconnaissons toutefois au cinéaste sa capacité à nous faire vivre et à rendre palpitant une partie d’échec, autrement dit une discipline on ne peut moins cinématographique. Zwick parvient à injecter énormément de tensions dans chaque mouvement de pion en bois et à faire d’un déplacement d’une tour ou d’un cavalier un enjeu d’une incroyable intensité dramatique.

Et c’est peut-être là que se niche la plus belle qualité de ce drame psychologique: faire de ce bras-de-fer mental et sportif un thriller captivant même pour les non-initiés aux échiquiers. Vibrant!

Note: 
Critique: Professeur Grant

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