Midnight Special
Fuyant d'abord des fanatiques religieux et des forces de police, Roy, père de famille et son fils Alton, se retrouvent bientôt les proies d'une chasse à l'homme à travers tout le pays, mobilisant même les plus hautes instances du gouvernement fédéral. En fin de compte, le père risque tout pour sauver son fils et lui permettre d'accomplir son destin. Un destin qui pourrait bien changer le monde pour toujours.
L’annonce est tombée.
On connaît désormais les noms des cinéastes qui fouleront le tapis rouge sur la
Croisette, du 11 au 22 mai. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le
Festival de Cannes sera plus populaire qu’avant-gardiste.
Le premier à se
promener sous les feux des projecteurs aura la dégaine de ce bon vieux Woody
Allen avec son «Café Society» projeté en marge de la compétition. Toujours hors
compet’, Steven Spielberg, Shane Black et Jodie Foster dévoileront en avant-première
leur dernier-né.
Parmi les autres
grandes pointures attendues lors de cette soixante-neuvième édition, citons la
présence, en compétition cette fois-ci, des frères Dardenne, Pedro Aldmodovar,
Paul Verhoeven, Ken Loach, Park Chan-Wook, Nicolas Winding Refn, Olivier
Assayas, Bruno Dumont, Jim Jarmusch, Sean Penn, Nicole Garcia… et, surtout,
notre chouchou Jeff Nichols.
Ce dernier viendra
présenter «Loving», quatre ans après son chef-d’œuvre «Mud», reparti
injustement bredouille du festival, et seulement deux mois après son pénultième
film, celui qui nous intéresse pour cette critique: «Midnight Special».
Déjà sorti outre-Quiévrain,
où nous l’avons vu, cette aventure de science-fiction n’a toujours pas de date
dans nos contrées. Dommage car, comme à l’accoutumée avec ce jeune talent, la
qualité est au rendez-vous. Encore une fois, l’étrange côtoie l’inconnu dans
un récit sibyllin et nimbé de mystère à la lisière du merveilleux. Le
surnaturel le dispute au réalisme le plus vrai dans une histoire qui file
droit comme le genre auquel elle renvoie: le road-movie.
En cavale, fuyant des
fanatiques religieux et des forces de police, Roy (extraordinaire Michael
Shannon, comme d’habitude chez Nichols depuis l’excellent «Shotgun Stories»), paterfamilias,
et son fils Alton se retrouvent bientôt les proies d’une chasse à l’homme à
travers tout le pays. Le père risque tout pour sauver son rejeton et lui
permettre d’accomplir son destin. Une destinée qui pourrait bien changer la
face du monde.
Avec cette intrigue
centrée sur un enfant messianique, le réalisateur retrouve ses thèmes fétiches:
le noyau familial, la paternité, les croyances, l’étrangeté, la quête de paix
intérieure… Le Texan évoque d’abord l’Amérique des sectes et de l’occultisme
pour ensuite délaisser cette partie, pourtant intrigante, afin de poursuivre un
drame intimiste où le fantastique n’est jamais bien loin.
Avec ses thématiques et
sa volonté anti-spectaculaire, «Midnight Special» n’est pas sans rappeler
quelques œuvres clés de la SF des années 80 comme «Starman» signé John
Carpenter ou encore «Close Encounters of the Third Kind» et «E.T. the
Extra-Terrestrial», tous deux paraphés de la patte de Steven Spielberg, lequel abordait
déjà l’extraordinaire à travers le prisme de la famille. Des références
qui en disent long sur les ambitions du jeune cinéphile de 37 ans.
Malheureusement, cette
fois-ci, le metteur en scène ne tient pas la longueur. Paradoxe: ce qui fait la
force du métrage est également sa faiblesse. La façon de conduire son scénario
sans répondre aux questions légitimes du spectateur (quelle est cette
secte ?, pourquoi les parents sont-ils séparés ?, pourquoi le flic
joué par l’excellent Joel Edgerton les aide-t-il ? etc.) a quelque chose
d’envoûtant et de déroutant.
L’écriture, certes
austère, est fine et subtile car elle ne se sent pas obligée de surligner les
enjeux comme le font bon nombre de blockbusters. Toutefois, ce que ce
jusqu’auboutisme gagne en mystère, il le perd en émotions. A force d’entretenir
cette atmosphère étrange, le cinéaste ne parvient pas à nous ébranler comme il
l’avait fait lors de son précédent métrage.
Les sentiments peinent
à surgir. On reste alors en surface, quelque peu gêné par cette opacité, mû par
quelque chose qui nous dépasse. Evidemment, cette rétention d’information
n’enlève en rien les nonpareilles qualités de conteur de Jeff Nichols ni même
la puissance de sa mise en scène, toujours irréprochable lorsqu’il s’agit de
nous faire croire à l’incroyable.
Note: ★★★
Critique: Professeur Grant
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