La fille inconnue
Jenny,
jeune médecin généraliste, se sent coupable de ne pas avoir ouvert
la porte de son cabinet à une jeune fille retrouvée morte peu de
temps après. Apprenant par la police que rien ne permet de
l’identifier, Jenny n’a plus qu’un seul but : trouver le nom de
la jeune fille pour qu’elle ne soit pas enterrée anonymement,
qu’elle ne disparaisse pas comme si elle n’avait jamais existé.
Les frères Dardenne reviennent avec leur dixième film. Faut-il à tout prix aller à la rencontre de cette 'fille inconnue' ?
Trente-deux modifications
apportées et un film écourté de sept minutes. 'La
fille inconnue' est passée sur le billard depuis
Cannes 2016. Ayant bénéficié d’une double portion de
montage, l’ensemble apparaît illico comme fluide et maîtrisé.
Derrière
les traits de Jenny Davin devait à l'origine évoluer
Marion Cotillard. Un rendez-vous manqué plus tard, l'héroïne
de 'Taxi' tournera 'Deux jours, une nuit' sous la
direction des frères belges. Adèle Haenel ('Les Combattants',
'Naissance des pieuvres') peut se montrer reconnaissante
puisqu'elle tient avec ce rôle un personnage fort attachant. Jérémie
« Cloclo » Renier, Olivier Gourmet, Fabrizio Rongione,
Christelle Cornil, Thomas Doret, etc. Vous l'aurez compris,
(presque) tous les habitués du cinéma
Dardennien répondent présents. Ils savent tous où sont leur
place et – à l'étrange exception de Renier – ne peinent pas à
trouver leurs marques.
L'ADN
du cinéma des frères Dardenne est maintenant connu. Il se
présente le plus souvent sous la forme d'une histoire mêlant des
réflexions morales à un dilemme. Décortiquons
davantage leur cinéma et nous trouvons très souvent la
question de la précarité en filigrane. 'La fille inconnue' ne
déroge pas non plus à cette règle. De par la photographie
choisie, la ville de Seraing (là où le duo fraternel tourne depuis
1996) s'habille d'une certaine grisaille. Inutile de s'attendre
à voir un film lumineux et enjoué.
Dans
'La fille inconnue', la doctoresse se fait enquêtrice. On passe
ainsi du drame social au film policier... ou presque. Le secret
médical qui lie Jenny à sa profession la pousse à vouloir
découvrir la vérité en prenant soin de ne pas émettre de
jugements. Il est ainsi question d'une quête de vérité et non de
vengeance.
Le
film fait la part belle aux plans rapprochés. L'enquête se
fait ainsi au fil des visites ; via l’écoute des
corps des patients de Jenny. Le rapport aux patients a donc ici
toute son importance puisque ces derniers feront avancer le
« schmilblick ».
Si 'Le
gamin au vélo' et 'Deux jours, une nuit' marquèrent
une « nouvelle ère » pour les Dardennes, on peut dire
sans prendre trop de risques que 'La fille inconnue'
arpente le même chemin avec un récit ou simplicité et profondeur
se conjuguent remarquablement.
Les
frères réalisateurs ne s’encombrent pas d’ornements tels que
la musique. Tout passe par les regards, les paroles et les gestes. La
puissance visuelle de leur art convainc totalement.
S'inscrivant
dans un cinéma réaliste, le petit dernier des frères Dardenne
s'apparente à un portrait de femme. On ne peut que saluer ce
choix engagé à l'heure où les groupes féministes appellent à
plus de projets centrés sur les femmes. Par ailleurs, le lien
avec la crise des migrants saute aux yeux.
Humaniste, social,
le Dardenne nouveau est arrivé. Même si ‘La fille inconnue’
n’est pas le meilleur film du duo Liégeois, il
serait toutefois dommage de ne pas faire sa
connaissance.
Note : ★★★
Critique :
Goupil
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