Anna



Les Matriochka sont des poupées russes qui s’emboîtent les unes dans les autres. Chaque poupée en cache une autre. Anna est une jolie femme de 24 ans, mais qui est-elle vraiment et combien de femmes se cachent en elle ? Est-ce une simple vendeuse de poupées sur le marché de Moscou ? Un top model qui défile à Paris ? Une tueuse qui ensanglante Milan ? Un flic corrompu ? Un agent double ? Ou tout simplement une redoutable joueuse d’échecs ? Il faudra attendre la fin de la partie pour savoir qui est vraiment ANNA et qui est “échec et mat”.





Nikita, Lucy, Anna

Clichés à foison, caricatures à profusion, poncifs à discrétion, écrivons-le sans ambages, Luc Besson empile les maladresses et ne nous épargne aucune faute de goût dans son nouveau long-métrage particulièrement foutraque : « Anna ». Ce dernier a l’ambition de l’inscrire dans le sillage de ses deux autres thrillers aux noms féminins : Nikita et Lucy. Si le modèle est bel et bien le premier, la qualité nous renvoie davantage au deuxième. Et, de fait, il est une réalité à laquelle il faut désormais se résoudre : le cinéphile doit faire le deuil du metteur en scène visionnaire et pétri de talent des années 80 et 90. Depuis le passage à l’an 2000, celui-ci s’est fourvoyé dans des daubes intersidérales.

Dans de beaux draps

Placé dans de beaux draps depuis le four commercial de son délire kitch et luxuriant « Valérian et la Cité des Mille Planètes », le patron du studio hexagonal EuropaCorp est, en sus, mouillé dans une sombre affaire d’accusation de violence sexuelle. Ce qui soulève pas mal de questions, tant au niveau éthique que sur le plan artistique, à propos de cette nouvelle pellicule. Le réalisateur a, semble-t-il, recyclé une vieille idée pour tourner un film à la va-vite dont le seul but est de renflouer les caisses. Le tout en poursuivant sa démarche fétichiste, soit celle de filmer des femmes sexy flinguer à tout-va. Pas étonnant donc de se retrouver avec une aventure au premier degré dénuée d’humour qui confine au mono-neurone.

Matriochka

Anna rejoint donc le panthéon des héroïnes bessoniennes au sommet duquel Nikita, Mathilda, Leeloo et Laureline se crêpent le chignon. La trame ? Celle d’une Matriochka, une poupée russe cachant un nombre incalculable d’identités. Top model le jour, espion de la KGB la nuit. A moins qu’elle soit un agent double, à la solde de la CIA ? A vous de voir ! Bref, le scénario manipule les différents éléments de son histoire personnelle en jouant ridiculement sur la chronologie des événements. Ambitieux dans sa mécanique, ce récit d’espionnage non linéaire ne parvient pas à occulter ses coutures bien trop apparentes que pour bluffer le tout-regardant. Grossièrement écrit, mal ficelé voire même décousu, le script est surtout trop artificiel pour qu’on y croie ne serait-ce qu’une seule seconde.

Quel gâchis !

Du coup, ce que l’histoire gagne en rythme, elle le perd en cohérence. Alors, effectivement, l’intrigue est menée tambour battant mais, vous n’aurez que faire de ce qu’il se passe à l’écran car le scénar’ vous empêche de vous émouvoir sur le sort réservé à l’héroïne. D’autant plus que l’interprétation de Sasha Luss, bien que solide nonobstant les faiblesses de l’écriture, est loin d’être mémorable. Idem pour les seconds rôles joués par Luke Evans et Cillian Murphy, lesquels sont sans doute venus cachetonner pour s’offrir une résidence secondaire en France. Quant à Helen Mirren, on peine à comprendre ce qu’une actrice de son calibre vient patauger dans cette galère. Et le cinéphile de s’exclamer : « Quel gâchis ! ».

Perles et navets

Mais ce qui finit par enfoncer le clou, c’est sans conteste la pauvreté de la mise en scène. En mode automatique. Terne et tellement peu créative, sa réalisation est impersonnelle, fade et montre une véritable carence d’idées. Les courses-poursuites sont datées, les rares scènes d’action ringardes, surtout au regard de ce que réalise un Chad Stahelski avec le récent « John Wick 3 » et même les échanges dialogués (très pauvres eux aussi) s’avèrent d’un ennui abyssal. Où est donc passée la vitalité de Luc Besson ? Comment un réalisateur qui a pu enchaîner des perles comme Subway, Nikita, Le Grand Bleu, Léon, Le Cinquième Element… peut se retrouver à planter des navets comme Angel-A, la trilogie Arthur et les Minimoys ou Malavita ?

Echec et mat !

Constamment dans le rouge, spectaculairement grotesque par moments, « Anna » est proche de la daube, d’autant plus qu’on ne parvient pas à s’émouvoir pour notre protagoniste. Reste tout de même l’efficacité d’un cinéaste devenu producteur boulimique de séries b, capable de nous sortir des divertissements calibrés à la pelle selon un cahier des charges stricte prônant la standardisation. Des films de commande pensés comme des produits marketing qui parviennent malgré tout à capter l’attention. C’est tellement peu mais c’est déjà ça. Luc Besson n’est définitivement plus un artisan de la caméra qui a faim de cinéma. Juste un financier dans une mauvaise passe qui tente un dernier coup pour se refaire. Sauf que pour nous, c’est échec et mat ! On ne nous y reprendra plus.

Note : 

Critique : Professeur Grant

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