BILAN 2024 - LE TOP 5 DU PROFESSEUR GRANT
Au gui l’an neuf !
Toute l’équipe de Cinephages.com vous souhaite une belle année, une bonne santé,
mais surtout d’excellents films histoire d’échapper à la morosité quotidienne.
Qui dit janvier dit bilan. Du coup, il est temps pour nous de sacrifier à la
tradition. Faites place à la rétrospective du Professeur Grant ! Découvrez
ci-dessous les œuvres mises en lumière l’année dernière. Une liste best of the best pour vos soirées cinéma.
Showtime !
1. The
Zone of Interest
Au centre du nouveau
long-métrage signé Jonathan Glazer, le quotidien de la famille du commandant SS
d’Auschwitz-Birkenau, Rudolf Höss. L’obersturmbannführer
et sa femme Hedwig s’efforcent de construire une vie bucolique de rêve pour
leurs enfants dans une coquette villa, avec un mirifique jardin d’Eden, située
à proximité immédiate du camp. Le pitch est aussi imparable que l’affiche du
film, laquelle illumine le petit havre de paix verdoyant jouxtant la demeure domestique,
l’ensemble étant entouré d’un aplat noir écrasant et anxiogène.
Ainsi, le synopsis et le
poster traduisent parfaitement la note d’intention du cinéaste. Accompagné de
son chef opérateur Łukasz Żal (le très beau Ida),
il met en lumière ce qui se joue intra-muros et laisse le soin aux spectateurs
d’imaginer ce qui se réalise extra-muros. Pour rendre compte de l’effroyable «
banalité du mal » décrite par la philosophe juive Hannah Arendt, le Britannique
met en place un dispositif filmique expérimental, à la fois radical, épuré et
ingénieux, qui privilégie les longs plans fixes et prouve la puissance du
hors-champ.
Evitant l’écueil du
voyeurisme au moyen d’une mise en scène intelligente qui suggère plus qu’elle
ne montre, Glazer capte l’innommable avec une justesse et une pertinence qui
forcent le respect. Notons-le, la simplicité suggestive des images suscite le
malaise, voire dérange profondément : la fumée s’échappant d’une locomotive qui
arrive au camp, la vision d’une cheminée d’un four crématoire en action, un
nuage gris se formant dans le ciel azure, le changement de couleur d’une
rivière souillée de cendres…
L’horreur est invisible,
mais assourdissante. L’ambiance sonore du film, portée par la partition
musicale dissonante de Mica Levi et convoquant notre mémoire collective à
propos de la solution finale, s’avère d’une glaçante force évocatrice. Au moyen
d’un travail remarquable réalisé en post-production sur le montage et le mixage
son, le réalisateur propose de vivre une expérience sensorielle éprouvante. Les
bruits sourds associés à la mécanique industrielle de déshumanisation ne
cessant jamais, le spectateur, claquemuré dans la salle obscure, est amené à
ressentir ne serait-ce qu’une infime partie de l’insoutenable réalité
concentrationnaire.
Puis, embarqués par ce
qui nous est conté, à savoir la normalité insensée du train-train quotidien de
la famille Höss, nous nous habituons à ce bruit de fond permanent, au point de
ne plus l’entendre, nous mettant alors dans la peau des protagonistes qui se
sont parfaitement accommodés à ce vacarme incessant. Ainsi, sans avoir recours
à l’empathie, le metteur en scène nous connecte à ces tortionnaires et démontre
la folle capacité d’adaptation à son environnement de l’être humain, même au
cœur de l’ignominie. Seul un hurlement ou un coup de feu viendra nous sortir de
notre torpeur de spectateur apathique.
2. Dune :
Part Two
Les férus de
science-fiction l’attestent, s’attaquer à l’œuvre de Frank Herbert, réputée
inadaptable, relève de l’insurmontable gageure. D’aucuns ont peiné à l’ouvrage
à l’image de David Lynch, d’autres s’y sont cassés les dents à l’instar
d’Alejandro Jodorowsky. Denis Villeneuve, lui, mène sa barque non sans une
insolente facilité, prouvant derechef sa capacité à pouvoir monter des projets
colossaux sans dévier de sa trajectoire d’auteur, trouvant le meilleur
compromis entre sa vision singulière et le respect du matériau de base. Comme
un poisson dans l’eau, le cinéaste fait parler sa virtuosité mêlant geste
artistique et prouesse technique dans un space opera sensoriel, à la hauteur de
ses ambitions épiques.
Aussi excitant dans la
forme qu’exigeant dans le fond, Dune,
c’est du cinéma pop-corn haute couture. Direction artistique, composition
musicale, effets visuels, sound design,
rien n’est laissé au hasard. Même le casting est dément. Artisan de l’image, le
Québécois n’en demeure pas moins un formidable conteur. Ainsi, la puissance
visuelle vient servir les divers enjeux disséminés au cœur d’un récit complexe,
mais limpide, conduit avec une fluidité qui force le respect, entremêlant quête
initiatique, manigances stratégiques ourdies dans l’ombre, mysticisme et
messianisme, sans oublier une touche épicée d’écologie. Une densité narrative
et une richesse thématique qui ne plombe jamais le rythme. Du grand art !
Mené tambour battant, The Wild Robot, signé des mains du
talentueux Chris Sanders, surprend à bien des égards. Fond et forme se
conjuguent de manière formidable dans ce qui s’apparente à une œuvre d’art,
donnant tout son sens à ce dernier mot galvaudé, et rappelant par la même
occasion que le cinéma en est un ; le septième d’ailleurs. Sur le plan
esthétique, le film est une merveille de tous les instants, combinant
ingénieusement le réalisme avec un style proche de l’aquarelle, et rappelant
autant les traits de crayon que les coups de pinceau des illustrations des
ouvrages pour enfants. Un imaginaire flamboyant et une poésie visuelle infinie
qui laisseront une trace indélébile sur les rétines de nos chères petites têtes
blondes.
A mi-chemin entre l’extraordinaire et incompréhensiblement sous-estimé The Iron Giant de Brad Bird et les plus belles œuvres usinées au sein du studio Ghibli, The Wild Robot est sans conteste l’une des plus charmantes et passionnantes propositions de DreamWorks, l’un des meilleurs films d’animation de l’année et sans doute un futur lauréat de la cérémonie des Oscars, au regard de la concurrence en 2024. Intime et spectaculaire, sensible et hilarant, rythmé et hypnotisant, le long-métrage coche toutes les bonnes cases pour émerveiller petits et grands.
4. Le Comte de Monte-Cristo
Au-delà du casting,
excellent, c’est le souffle romanesque et la dimension épique qui restent en
mémoire, au sortir de la projection du Comte
de Monte-Cristo. Il faut louer ici la qualité d’écriture de la paire
Matthieu Delaporte/Alexandre de la Patellière, qui est parvenue à condenser le
feuilleton foisonnant de Dumas en trois heures, tout en déjouant l’écueil du métrage
trop long et lourdingue. La fluidité du scénario et la maîtrise du montage,
associées à une mise en scène enlevée, apportent du dynamisme à l’ensemble et
ont pour conséquence que les cent-quatre-vingts minutes ne se font jamais
ressentir. Menée tambour battant, cette fresque mélodramatique ne s’essouffle
jamais.
Le plaisir est également
visuel. La direction artistique ambitieuse et élégante, les costumes soignés,
les décors naturels majestueux, toute la reconstitution tirée au cordeau, etc.
donnent une sensation d’épopée et procurent un vrai sentiment de spectacle
ample, populaire et généreux, chose rarement vue ces dernières années dans le
cinéma français. Avec Le Comte de
Monte-Cristo, le duo de réalisateurs a signé une superproduction
d’envergure haut de gamme qui n’a rien à envier aux grosses machines
hollywoodiennes. Un blockbuster made in
France qui nous rappelle au bon souvenir des grandes heures du film de cape
et d’épées.
5. Furiosa
: A Mad Max Saga
Plus ambitieux et moins
expérimental que Fury Road, Furiosa : A Mad Max Saga change de
cap tout en gardant les fondamentaux qui ont fait le succès de la licence. Au
rayon des nouveautés, le scénario est structuré en chapitre donnant une densité
narrative à une franchise dont chaque épisode pouvait s’écrire sur un post-it.
Une ampleur dramaturgique qui faisait défaut au précédent épisode pensé comme
une gigantesque séquence d’action et qui prenait la forme d’un aller-retour au
bout de l’enfer désertique.
Si les lignes de dialogue
restent rares, au contraire des grognements, simagrées et autres hurlements,
les personnages s’échangent davantage de mots faisant progresser le récit
autrement que par les images, toujours aussi léchées chez Miller qui,
nonobstant ses 79 printemps, n’a rien perdu de sa fougue ni de sa faculté à
raconter une histoire par sa science visuelle : réalisation immersive, scènes
d’action lisibles, courses-poursuites infernales. Certaines cavalcades
motorisées vous offrent une véritable décharge d’adrénaline à l’image de cette
séquence centrale d’anthologie au cours de laquelle le septuagénaire montre
toute sa virtuosité et son inventivité. A vous décrocher la mâchoire
d'ébahissement ! Qu’attendez-vous pour vous (re)mater cette fresque épique
palpitante et audacieuse qui met à l’amende tous les actionners contemporains
usinés à Hollywood ?
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