The Master

Freddie, un vétéran, revient en Californie après s’être battu dans le Pacifique. Alcoolique, il distille sa propre gnôle et contient difficilement la violence qu’il a en lui… Quand Freddie rencontre Lancaster Dodd – « le Maître », charismatique meneur d’un mouvement nommé la Cause, il tombe rapidement sous sa coupe...





Tout le monde apprécie un bon film. Une lapalissade. Pourtant, d’aucuns resteront à quai. Car «The Master» n’est pas le chef d’œuvre subodoré. Voilà, c’est dit. Mais, cela n’en fait pas moins une très bonne fiction. Les qualités du sixième long-métrage de Paul Thomas Anderson, auteur-réalisateur de There Will Be Blood et Magnolia, sont pléthoriques: l’excellence de l’interprétation, le génie de la mise en scène, la superbe partition du compositeur Jonny Greenwood, membre du groupe rock Radiohead, la beauté de la photographie, la précision du montage… C’est du grand art, il ne fait aucun doute. L’élégance formelle de l’œuvre est, à ce titre, éblouissante. Mais la plus frappante des qualités reste encore la cohérence du casting où émerge cet étourdissant tandem formé par Joaquin Phœnix et Philip Seymour Hoffman - tous deux nominés aux Oscars -, le cœur battant du métrage.
Pour son retour sur grand écran après ses invraisemblables errances loupées en tant que rappeur barbu (!) – rodomontade ratée avec son complice Casey Affleck, Joaquin Phœnix s’offre un rôle mémorable, celui d’un vétéran de la Guerre du Pacifique qui ne réussit pas à se réinsérer dans le tissu social et noie son mal-être dans des substances éthyliques hasardeuses. Bossu, bouche semi paralysée, regard perdu, violence contenue, instable et imprévisible, Phœnix est un acteur magistral et il nous le prouve une fois de plus.
Face à lui, un prédicateur charismatique inspiré de L. Ron Hubbard, pape de la Scientologie et philosophe autoproclamé. Sa verve, sa malhonnêteté, ses expérimentations malsaines, son prosélytisme… Avec les harangues fumeuses et autres salmigondis de son personnage, Philip Seymour Hoffman fait montre d’une virtuosité implacable dans l’art de l’acting. C’est un génie, fallait-il encore le préciser?
Ces deux-là jouent dans la cour des grands. Leurs personnages, c’est «je t’aime, moi non plus». Leur relation est un rapport de force constant qui se résume par des dualités: domination/soumission, attraction/répulsion, guérisseur/malade…
En clair, c’est à une histoire passionnelle que nous convoque Paul Thomas Anderson. Ni plus, ni moins. Et c’est là où le bât blesse. S’appuyant uniquement sur cette confrontation, le scénario patine et oublie de faire aboutir les enjeux. Il n’y a pas d’évolution dans cette relation versatile entre le gourou et le chien fou. Le récit ne progresse pas.
Du coup, le réalisateur nous offre une myriade de séquences qui ne fait que préciser les contours psychologiques des personnages. Séquences prolixes et stériles, scènes superfétatoires, l’intensité s’amenuise et la lassitude guette par instants. Le spectateur, dubitatif, attend le point d’orgue du métrage sans que jamais celui-ci ne pointe le bout de son nez. 
The Master n'est pas un film perclus d'ennui, loin s'en faut, mais son récit manque d'ambition pour ses protagonistes, pourtant le ciment du scénario. PTA ne sait pas trop où emmener ses personnages et les perd lors d'un épilogue décevant d'une rare trivialité. «Tout ça pour ça», se dit alors le cinéphile désappointé. La fin ne tient définitivement pas les promesses faites tout au long du métrage.

Note: ★★★
Critique: Professeur Grant

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