The Drop


Lorsqu'un propriétaire de bar recueille un pitbull entre la vie et la mort, dans des poubelles, il n'imagine pas qu'il va s'attirer les foudres de son ancien maître.






«The Drop» est un métrage cosmopolite qui réunit le savoir-faire américain du storytelling avec la virtuosité de la mise en scène à l’européenne. Voyez plutôt: un Belge devant et derrière la caméra, un Américain au scénario, un acteur principal anglais et une comédienne suédoise pour lui donner la réplique. Découvrez notre critique écrite à la hâte afin de vous convaincre de faire le déplacement fissa jusque chez votre exploitant de salle préféré pour visionner ce bon petit film de genre, noir et intense à souhait.



Michaël R. Roskam. Retenez bien son nom. Avec Erik Van Looy (The Loft), il est l’autre réalisateur flamand à avoir séduit Hollywood. Souvenez-vous, en 2011, ce dernier lâchait dans les salles obscures le très réussi «Rundskop», traduit par «Bullhead» aux States. Une œuvre où celui-ci faisait déjà du gringue au cinéma américain, lui qui maîtrise tous les codes du thriller policier.


En substance: le polar cartonne chez nous, révèle une star en devenir alias Matthias Schoenaerts, fait une razzia de récompenses dans les festivals et reçoit des critiques dithyrambiques partout sur la planète. Nominé à l’Oscar (et au César) du meilleur film étranger, il n’en faut pas plus pour que les majors s’intéressent au metteur en scène trudonnaire.

Les demandes affluent de toutes parts. Parmi elles, un scénario signé de la main de Dennis Lehane, auteur acclamé de petites pépites comme «Mystic River», «Gone Baby Gone» ou encore «Shutter Island». Entendez: que des récits qui ont tous accouché de petits bijoux du septième art. Clint Eastwood, Ben Affleck et Martin Scorsese remercient encore le romancier-nouvelliste aujourd’hui. Les augures sont bons. Bref, l’offre ne se refuse pas.

Et tant pis si son projet de série noire avec pour toile de fond le pont de Buda (oui, oui, celui qui sépare Vilvorde de Bruxelles!) - logiquement intitulé «Buda Bridge» - est retardé. La chaîne de télévision payante quatre étoiles HBO (Six Feet Under, Game of Thrones) et le producteur-réalisateur chevronné Michael Mann (Heat, Collateral), excusez du peu, patienteront pour cette commande. Quel luxe!

L'histoire en deux mots: Dans un futur proche, à Bruxelles, la mort mystérieuse d'une femme sur un pont et un afflux de crimes violents et scandaleux plongeront la capitale de l'Europe dans un chaos moral et politique. Un pitch qui donne déjà l’eau à la bouche! Mais revenons-en à ce qui nous intéresse pour l'instant: «The Drop» (traduction: bar-dépôt pour le blanchiment d'argent).

Au petit jeu des comparaisons, Roskam réussit bien mieux son baptême du feu hollywoodien que celui entamé un an auparavant par son collègue d’outre-Quiévrain Guillaume Canet. Pour rappel, le Français a, lui aussi, voulu réaliser son polar mafieux avec les Américains. Résultat, une carte de visite qui tache dans sa filmographie.

Son «Blood Ties», sorti il y a pile-poil un an donc, est une coquille gonflée de fioritures tape-à-l’œil (gros casting avec entre autres Clive Owen, Marion Cotillard, James Caan, Billy Crudup et, tiens, tiens, Matthias Schoenaerts, beau travail sur les décors et costumes aux ambiances seventies, cela dit) mais totalement creuse au niveau du récit. La vacuité du scénario n’a d’égal que la prétention de la mise en scène. Un coup d’épée dans l’eau!

Aux antipodes de ce simulacre vintage des plus anecdotiques, «The Drop», quant à lui, ne mise sur rien d’autre que son récit, lequel fait la part belle aux échanges entre les personnages. L'objectif de Roskam consiste à garantir, autant que faire se peut, l’épaisseur humaine. Le Belge ne s’obstine pas à rouler les mécaniques et faire le paon en exécutant des scènes d’action artificielles pour faire de l’épate dans une future bande-annonce. Il a compris que tout l’enjeu de son histoire reposait sur une analyse fine de la psychologie des personnages. Ici, les protagonistes y dominent l’action. Et c’est tant mieux!

Aidé dans sa tâche par des comédiens hors pair comme feu James «Soprano» Gandolfini, dont c’est sa dernière apparition, Noomi Rapace et Matthias Schoenaerts, Michaël R. Roskam livre un polar palpitant malgré l’absence de scènes de bravoure. Il prouve par a + b qu’on peut réaliser un thriller policier sous haute tension sans course-poursuites invraisemblables et pétarades de circonstance.

Mais l’atout numéro un de «The Drop» reste Tom Hardy. La réussite du film doit beaucoup à ce comédien. Impérial comme souvent (remémorez-vous son rôle dans «Bronson» capté sur pellicules en 2009 par Nicolas Winding Refn), l’Anglais livre une performance ahurissante. On ose d’ailleurs espérer une nomination à la prochaine cérémonie des Oscar tant son interprétation de barman taciturne est bluffante et mérite tous les honneurs.

L’autre point fort du métrage concerne le soin apporté à la photographie. Avec une esthétique sobre, retenue mais efficace, le cinéaste film Brooklyn comme un personnage à part entière et installe une atmosphère qui rappelle les longs métrages de James Gray qui, pour l’anecdote, est également co-scénariste de l’imbuvable ersatz susmentionné réalisé par Guillaume Canet… «It’s a small, small world», comme disait l’autre.

Nonobstant une intrigue maintes fois vue et revue ainsi qu'un déroulement peu original, on peut tout de même asserter, comme annoncé en début de critique, qu’on tient là un bon petit film de genre, noir et intense à souhait.

Note:
Critique: Professeur Grant

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