The Imitation Game


Manchester, 1939. Alan Turing entend parler d’une mission top secrète consistant à décoder les messages radio militaires allemands. Mathématicien de génie et professeur d’université à la logique implacable, il se sent à la hauteur de ce défi. Mais c’était sans compter sur la complexité d’Enigma, cette invention quasi-démoniaque, qui change les codes chaque jour, empêchant qui que ce soit de traduire les manœuvres belliqueuses mises en place et menaçant la liberté de l’Europe entière. Entouré d’autres intellectuels de son époque, Alan Turing va mener son plus grand combat : déjouer Enigma !


«Based on a true story». Cette accroche on ne peut plus marketée, devenue quasiment un label de qualité, on la voit poindre un peu partout en ce moment dans les salles obscures. Ce slogan annonce la saison des Oscars. Car on le sait, l’Académie aime récompenser des longs métrages qui s’inspirent d’histoires vraies. Un petit regard dans le rétroviseur corrobore cette assertion. L’année passée, «12 Years A Slave» - le récit tragique de l’esclave Solomon Northup - raflait une palanquée de récompenses. Il y a deux ans, c’est l’opération de sauvetage en Iran camouflée en tournage de film de série B (Argo) qui était saluée par le petit monde du septième art. En 2011, Colin Firth recevait une statuette pour son rôle de George VI dans «The King’s Speech», film également vainqueur de la catégorie reine.

Du coup, les producteurs arrangent leur agenda pour sortir des «True stories» à la pelle durant le dernier quadrimestre de l’année. Objectif: s’assurer une belle promotion pré-Oscar. Sont sortis fin 2014 aux Etats-Unis pour espérer entrer en lice: l’histoire vraie d’Alan Turing (The Imitation Game), l’histoire vraie de Louis Zamperini (Unbroken), l’histoire vraie de Chris Kyle (American Sniper), l’histoire vraie de la marche pour les droits civiques de Selma dans l’Alabama en 1965 (Selma), l’histoire vraie de Stephen Hawkins (The Theory of Everything), l’histoire vraie de blablabla. Spectateurs lambda ou cinéphiles avertis, histoires vraies, en veux-tu en voilà!

Dans cet océan de biopics, grande mode cinématographique actuelle donc, émerge aujourd’hui «The Imitation Game». L’histoire fascinante d’Alan Turing, mathématicien anglais et cryptologue de génie. Il est connu pour avoir aidé son pays à percer le code de l’outil de communication des Allemands durant la Seconde guerre mondiale, soit la machine Enigma. Ce que l’on retiendra de ces deux heures de métrage? A coup sûr, la performance «donnez-moi un Oscar» de Benedict Cumberbatch, véritablement habité par son personnage. L’acteur anglais lui donne des nuances sans jamais tomber dans le surjeu. Les émotions, ici, ne sont pas feintes. L’incarnation est parfaite.

On se souviendra également de la foison de thèmes passionnants alimentant un scénario finement écrit et particulièrement bien ficelé. Entre nous, il peut l’être. Pour la petite histoire, sachez que c’est le récit le plus cher de l’histoire du cinéma - dégoté par le magnat Hervey Weinstein pour la coquette somme de sept millions de dollars… Si on connaît déjà la fin de l’intrigue, le récit parvient à maintenir le suspense et à susciter l’intérêt jusqu’au bout. En revisitant le passé du protagoniste au moyen d’un jeu habile sur les flashbacks - utilisés avec parcimonie soit dit en passant, le scénariste dévoile la partie intime de la petite histoire dans la grande Histoire. Ce dernier revient ainsi sur la place de l’homosexualité dans une société pas encore prête aux changements des mœurs. Car être gay à l’époque était puni par la loi. Alan Turing devra ainsi cacher ses inclinaisons inverties.

Pour mettre en scène «The Imitation Game», la production a donné sa chance au Norvégien Morten Tyldum. Inconnu au bataillon. Cette opportunité, véritable carte de visite pour s’illustrer outre-Atlantique, le jeune réalisateur ne l’a pas véritablement saisie. Sa réalisation, des plus académiques, n’a aucun souffle cinématographique. De facture somme toute classique, ce dernier nous emmène sur les chemins bien connus du mélodrame en oubliant tout point de vue artistique. Une mise en scène plate qui dénote avec l’esprit de résistance de l’histoire. Un comble que Tyldum soit nommé dans la catégorie «meilleur réalisateur». Le lobbying de «l’homme aux soixante statuettes», entendez ce bon vieux Harvey Weinstein, a encore frappé! Sans doute un peu trop surveillé par des producteurs omniprésents, le réalisateur éprouve quelques difficultés à sortir des sentiers battus et formate son métrage comme un biopic convenu au profil oscarisable beaucoup trop appuyé. 

Heureusement, on peut compter sur le stakhanoviste surdoué Alexandre Desplat - qu’on ne présente plus - pour assurer l’habillage musical du film et donner ainsi une sève épique à cette histoire édifiante.

Note:
Critique: Professeur Grant

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