Inherent Vice
En
1970, à Los Angeles, le détective privé toxicomane Larry "Doc"
Sportello enquête sur la disparition de son ex-petite amie.
Scénario
étoffé, matière dense, 'Inherent Vice' est un délire qui ne peut
sortir de l'esprit d'un réalisateur. Derrière cette enquête
baignant dans une brume aux effluves de marijuana se cache en effet
un homme de lettres.
Pour
son septième film, Paul Thomas Anderson (ci-après « PTA »)
– réalisateur de 'Magnolia', 'There Will Be Blood' et 'The Master'
pour n'en citer que trois – a choisi d'adapter le septième roman
de Thomas Pynchon, auteur postmoderne souvent taxé de
« mathématicien de la prose ».
Pynchon,
c'est la clarté dans la confusion. Plus le lecteur est perdu, plus
le pari est réussi. L'un des enjeux de PTA est donc de transcrire ce
sentiment à l'écran. Une gageure, dites-vous ? Et si Anderson avait
réussi son pari osé ?
L'affiche
du film révèle
une référence au premier roman de Thomas Pynchon s'intitulant
'V'. Une paire de jambes galbées formant un... « V ».
Plus qu'une simple adaptation, 'Inherent Vice' est avant tout une
déclaration d'amour envers l’œuvre du romancier américain,
qui se voit
ici adapté pour la première fois au grand écran. Les derniers mots
projetés ne sont de
fait pas l’œuvre
d'Anderson mais bien celle
de Pynchon.
Avec
'There Will Be Blood', PTA marquait déjà son intérêt pour la
littérature. Il livrait à l'époque une adaptation peu fidèle du
bouquin 'Oil' de Upton Sinclair. La volonté d'adapter au mieux
'Inherent Vice' se fait ici ressentir. Outre le titre, le film se
montre assez conforme au roman puisqu'il reprend certains
dialogues. Une voix off permet de dépeindre la narration du roman.
Détective
toxico, bonhomme un tantinet soûlard et pas mal
paumé, le « Doc » fait
étrangement penser à Jeff « The Dude » Bridges. Le
« little hippie » ne
mène pas
l'enquête mais
se fait mener en
bateau de A à Z.
Passant
habilement des
éclats de rire
aux
éclats de violence, le
film tangue entre comédie
et film noir.
Cravates
pornographiques, rouflaquettes (Joaquin Phoenix!), couleurs flashy,
néons, plans serrés intimes, bande son rétro signée Johnny
Greenwood (Radiohead) : tout est fait pour nous submerger dans
les seventies.
Preuve en est la version vintage de la bande-annonce:
Côté
casting, Joaquin Phoenix est royal. Il passe du rire aux larmes
en moins de temps qu'il ne faut pour dire "hippie".
Avec son ton grave, Josh Brolin ('Sin City : A Dame to Kill
For', 'No Country For Old Men', etc.) se montre menaçant et
drolatique à la fois dans le rôle du lieutenant-détective
« Bigfoot ». Viennent s'ajouter Benicio « Che »
Del Toro, et un Owen Wilson semblant tout droit sorti du monde de
l'inénarrable Wes Anderson. Également à bord, une certaine Reese
Witherspoon qui partage à nouveau l'affiche avec J. « Cash »
Phoenix, dix ans après l'excellentissime 'Walk the Line'. Poudre au
nez, Martin Short ('Mars Attacks', 'Inner Space', etc.) éblouit dans
son rôle. Katherine Waterston ('Michael Clayton', 'Robot&
Frank') semble quant à elle promise à un bel avenir.
Avec
'Inherent Vice', le but avoué de PTA n'est pas tant de faire rire
que de faire découvrir l'univers de Thomas Pynchon – écrivain à
la nature recluse. Hormis une représentation dans le dessin animé
'The Simpsons' en 2004, le dernier portrait valable dudit écrivain
remonterait aux années 60 ! À côté, Terrence Malick est un
petit joueur...
The Simpsons
Quant
à la présence de Pynchon himself dans le « final cut »,
Paul Thomas Anderson préfère laisser planer le doute. Et
Josh Brolin de
vendre la mèche en confirmant le cameo de l'écrivain, selon
lui bien présent pendant le tournage...
Avec
seulement deux nominations aux Oscars (scénario et costumes),
'Inherent Vice' ne prétendait pas rafler la mise. Bien réalisé,
porté par un équipage aguerri, 'Inherent Vice' fait mouche !
En multipliant
les références, le film de PTA s'assure une fort
probable
longévité dans le cœur des cinéphiles. Du 'Big Lebowski' des
frères Coen, à
'The Long Goodbye' de Robert Altman, en
passant par 'La
dernière Cène' de De
Vinci, les références fleurissent. Sans oublier le « What's
up, Doc ?», un
clin d’œil à la mascotte des studios Warner.
Inherent Vice
'Inherent
Vice' se résume à un trip psychédélique de 148 minutes
auquel il serait dommage de ne pas prendre part. Les plus
perspicaces se laisseront embarquer dans une deuxième séance afin
de profiter de tous les détails.
Note: ★★★★
Critique:
Goupil
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