The Good Dinosaur
Et si la catastrophe cataclysmique qui a bouleversé la Terre et provoqué l'extinction des dinosaures n'avait jamais eu lieu ? Et si les dinosaures ne s'étaient jamais éteints, et vivaient parmi nous de nos jours ?
Arlo, jeune apatosaure au grand cœur, maladroit et craintif, qui va faire la rencontre et prendre sous son aile un étonnant compagnon: un petit garçon sauvage, très dégourdi, prénommé Spot.
Le grand écart! Comme notre JCVD national dans la plupart de ses loufoqueries sorties au cinéma ou directement sur le marché vidéo. 2015 est finalement une année qui résume assez bien l’identité Pixar, capable du meilleur comme du pire. Oui, vous lisez bien. Du pire! Petite piqûre de rappel: on a d’abord eu droit au coup de génie improbable avec «Inside Out» en juin, puis, au coup de mou «The Good Dinosaur», grosse déconvenue du mois de novembre.
Revenons sur ce désappointement. En substance, quand le studio à la lampe bondissante pense avec le cœur, on reçoit des chefs-d’œuvre qui surpassent de loin la concurrence à l’instar de «Toy Story». Quand il réfléchit avec le portefeuille, on récolte des produits hyper formatés comme «Cars», conçu uniquement dans l’optique d’exploser la branche merchandising de Disney.
Si on comprend bien l’envie des Californiens de surfer sur la vague toujours très lucrative des dinos - merci «Jurassic Park/World» au passage pour consolider l’intérêt des jeunes pupilles pour ces monstres révolus -, on saisit moins le désir un brin fou furieux de la production de se priver de tout récit pour entamer ce projet.
Il ne faut pas être une lumière, bondissante ou non d’ailleurs, pour le comprendre: sans base scénaristique solide, le film est voué à l’échec. L’idée de départ était plutôt alléchante, soit réaliser une délirante uchronie qui prend comme postulat de suivre un jeune apatosaure et son petit «Cro-Mignon» d’ami sur une Terre qui n’aurait pas été percutée par un astéroïde. Seulement, on conçoit mal comment une équipe de cinq (!) scénaristes a pu pondre une trame aussi simpliste.
En clair, l’intrigue est faite pour alimenter un court-métrage de maximum dix minutes. La preuve que les scénaristes ne se sont pas foulés pour scribouiller cette quête initiatique du héros timoré et peureux qui va devoir affronter ses peurs pour se révéler à sa famille et à soi-même: on lui sert trois fois le même obstacle, soit des tempêtes. Pas une. Pas deux. Non, durant sa progression, notre imbécilosaure - pas une flèche le gaillard - va subir trois put… foutus déluges! On hallucine. Si ça ce n’est pas un manque de bol…
On salue souvent Pixar pour sa créativité. Cette fois-ci, on s’abstiendra! Le storytelling est tout bonnement désastreux, catastrophique. Pis, les cinq «forces vives» pompent allègrement sur des classiques intouchables comme «The Lion King». Là, ils ont franchi le point de non-retour. Le héros tourne en rond, l’histoire tourne en rond, les scénaristes tournent en rond, même cette phrase tourne en rond et, finalement, le spectateur, lui, est pris d’un sacré mal de crâne. La nausée, dirons-nous. La douleur aussi. Celle d’avoir déboursé pour un tour dans un désert scénaristique. Ça pique!
Et puis, comme il fallait bien allonger l’heure et demie de métrage, nos joyeux drilles de scribouillards ont placé çà et là des séquences superflues qui tombent comme un cheveu dans la soupe avec des personnages totalement inutiles à l’instar de ce styracosaure pris d’une vision biblique en voulant devenir une sorte d’arche de Noé ambulant… WTF!? Et que dire de son discours oiseux voire abscons prononcé en version française par… Eric Cantona… Seriously? Le massacre!
Notre migraine est amplifiée par l’horrible travail sur le doublage. Dans cette odyssée foutraque et toujours plus débile, tout le monde gueule, beugle, meugle, hurle, crie, braille, aboie… à qui mieux-mieux. Et si seulement c’était pour dire quelque chose d’intelligent… Nenni! Les dialogues sont d’une niaiserie et d’une bêtise abyssale. Tellement qu’on se dit très tôt dans le métrage que l’expérience cinématographique doit être nettement plus supportable en enclenchant le bouton «mute». On en vient presque à regretter le temps du cinéma muet.
Et, écrivons-le tout de go, l’excuse du «film pour enfants» n’est pas tenable. Récemment les studios Laika ont encore prouvé avec «The Boxtrolls» qu’on pouvait écrire des lignes de conversations subtiles et intelligentes sans pour autant tomber dans la nigauderie la plus totale. Il y a décidément un monde de différence entre la richesse de vocabulaire d’un «Robin des Bois», version Disney datant de 1973, par exemple, et la pauvreté de langage de ce «Voyage d’Arlo». Encore une preuve que nos chères têtes blondes subissent de plein fouet un nivellement par le bas. Ce sera bientôt l’ère de l’idiocracie…
Reste une qualité graphique irréprochable avec un rendu photoréaliste des plus saisissants. Le travail sur l'animation de l’eau, exercice complexe s’il en est, est à ce titre remarquable. Cependant, même du côté de la technique, quelque chose cloche. L’association de l’ultra-réalisme des décors avec la fantaisie très cartoonesque des personnages aux couleurs criardes donne un résultat hybride, incohérent et inabouti. Et puis, carrément moche, osons le mot!
Un contraste tape-à-l’œil et brutal qui dérange tellement qu’on a dû mal à croire à cette historiette. En outre, cela empêche toute identification aux personnages. On a davantage l’impression que les protagonistes se sont trompés de film d’animation. Ou quand Pixar marche sur les plates-bandes de DreamWorks… Ou alors la société d’Emeryville souhaitait-elle se démarquer du «Dinosaur» de Disney, sorti en 2000? Dans tous les cas, c’est loupé!
Au final, tout sonne faux. On a davantage l’impression d’avoir visionné un brouillon d’un projet plutôt qu’une œuvre terminée. Le récit se résume simplement à une succession de petites saynètes bancales au travers desquelles l’idée de départ (l’uchronie) est totalement sous-exploitée. Une sorte de work in progress bâclé et insipide qui a tout au plus la carrure pour devenir un direct-to-dvd.
Un constat à mettre en parallèle avec la production houleuse du projet; le réalisateur Bob Peterson (co-metteur en scène de Up), à l’origine du projet, ayant été éjecté en cours de route comme le fut Brenda Chapman pour «Rebel», autre ratage signé Pixar. Ce qui a engendré du retard et, de facto, l’année sabbatique de 2014 pour, finalement, voir débarquer deux fictions cette année. Ceci explique donc cela.
Aucune finesse, aucune imagination, aucune fantaisie, aucune surprise… «The Good Dinosaur» s’affiche comme la pire œuvre dans la filmographie du studio. Un plantage quasiment intégral qui ne présage rien de bon pour la suite quand on sait que la prochaine production à débouler sur nos écrans est la «sequel» du «Monde de Nemo» intitulée, Ô folie!, «Le Monde de Dory». Qu’est-ce qu’on vient d’écrire? Aucune finesse, aucune imagination, aucune… Bis repetita ne placent pas toujours! Un conseil: revoyez plutôt «Petit-Pied et la Vallée des Merveilles»!
Note: ★
Critique: Professeur Grant
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