Legend
Londres, les années 60. Les jumeaux Reggie et Ronnie Kray, célèbres gangsters du Royaume-Uni, règnent en maîtres sur la capitale anglaise. À la tête d’une mafia impitoyable, leur influence paraît sans limites. Pourtant, lorsque la femme de Reggie incite son mari à s’éloigner du business, la chute des frères Kray semble inévitable…
A ma gauche: Tom Hardy,
dans le rôle de Reggie Kray. A ma droite: Tom Hardy, dans le costume
de Ronnie Kray. La «Legend» du titre, c’est lui:
Tom Hardy. Pour être certain que vous ayez bien imprimé et au risque d’être
plus redondant que la redondance elle-même, l’extraordinaire comédien qui
booste ce long métrage à mi-chemin entre le «gangster movie» à la Martin
Scorsese et la série B décomplexée labellisée «basé sur une histoire
vraie» se nomme Tom Hardy. A l’aube de ses quarante printemps, le Britannique remet
les pendules à l’heure chez certains et enfonce le clou chez d’autres: oui, il
est bel et bien l’un des meilleurs acteurs de sa génération, qu’on le veuille
ou non d’ailleurs. Un constat frappant: son génie n’a décidément plus de
limite.
Dans ce polar âpre et
brutal, ce dernier renoue avec ses compositions les plus mémorables ; «Bronson»,
«Warrior», «Lawless» pour n’en citer que trois. Celui-ci livre une performance
ahurissante dans le double-rôle des frères Kray, caïds autoproclamés rois de la
pègre dans le Swinging London des sixties. L’acteur se dédouble pour incarner
ce Janus à deux visages: le criminel droit dans ses bottes et son pendant
psychopathe libéré de l’asile grâce à la complicité de son frangin. Si l’un est
plutôt matois et presque affable (n’accueille-t-il pas les flics commis à sa
filature avec du thé ?), l’autre se confond dans des sentences sibyllines
à mourir de rire. Qu’on se le dise, l’ogre Tom Hardy fait coup-double, crève
(et dévore) l’écran à chaque scène et nous offre finalement un véritable tour
de force.
Bien inspiré il était
le Brian Helgeland, le jour où il a proposé à l’Anglais de jouer cette paire
mafieuse. Un peu trop avisé peut-être vu la manière dont il se repose sur la
seule performance de «Tom le hardi». Si l’auteur-réalisateur signe un scénario
plutôt bien troussé qui se concentre sur la gémellité toxique qui unit la paire
fraternelle à l’heure où l’un souhaite s’émanciper tant dans le business que
dans la vie de famille et l’autre correspondre davantage à la figure du parfait
truand, son script ne parvient jamais à s’extraire de la romance incompatible
de Reggie avec sa copine Frances Shea (formidable Emily Browning, par
ailleurs narratrice de l’histoire), laquelle n’aspire qu’à un avenir teinté de
rose bonbon et, du coup, sans une once de violence.
Le récit peine également
à rendre compte les différents coups d’éclat qui ont construit la légende du
tandem. Classique voire même prévisible, l’intrigue se déroule sans accroc dans
un film qui manque de panache, d’aspérités, d’originalité et de nouveautés
comme l’était son voisin américain «Black Mass», sorti l’année passée, avec
Johnny Depp en James Bulger. Bien que trop appliqué, le
métrage n’est cependant pas dénué d’efficacité car Helgeland n’est pas né de la
dernière pluie. Ne lui doit-on pas, en tant que scénariste, des chefs-d’œuvre
cultissimes comme «L.A. Confidential» ou «Mystic River» ? Et le
cinéaste s’est même déjà illustré dans l’art de la mise en scène avec un
«Payback» pas piqué des hannetons. Souvenez-vous de Mel Gibson qui lance sa
clop sur une flaque d’essence. Inoubliable.
Note: ★★★
Critique: Professeur Grant
Commentaires
Enregistrer un commentaire