Grave
Dans
la famille de Justine tout le monde est vétérinaire et végétarien.
À 16 ans, elle est une adolescente surdouée sur le point d'intégrer
l'école véto où sa sœur aînée est également élève. Mais, à
peine installés, le bizutage commence pour les premières années.
On force Justine à manger de la viande crue. C'est la première fois
de sa vie. Les conséquences ne se font pas attendre. Justine
découvre sa vraie nature.
Nous avons tous une connaissance (ou une connaissance d'une connaissance) qui a fait véto à Liège. Nous profitons de l'occasion pour saluer notre cousin Mathieu. Alors des histoires sordides de baptêmes (bizutages pour notre lectorat français), nous en avions forcément déjà entendu parler. Pourtant, rien (ni personne) ne pouvait nous préparer à la violence graphique présente à l'écran.
Pour
analyser « Grave », il convient d'examiner son ADN.
C'est le genre de film qui ne rentre dans aucune
case. En partie body horror, en partie drame, en partie teen
movie, en partie épouvante, « Grave » est une
cousine lointaine au cinéma de David Cronenberg pour son rapport à
la métamorphose des corps. Julia Ducournau s'était déjà illustrée avec « Junior », un premier court-métrage centré sur un garçon manqué qui se mue en élégante jeune fille. « Grave » a aussi droit à sa scène de
desquamation.
Dans
'Raw' (le titre à l’international), Justine (la talentueuse
Garance Marillier) – jeune étudiante surdouée fraîchement sortie
des secondaires – rejoint le campus où sa grande sœur (Ella
Rumpf) étudie. De prime abord saine, la relation entre les deux
frangines va très vite se dégrader à coup de défis bizarroïdes
et de jalousie excessive. Le triangle se referme avec le cokotteur
(comprenez le colloc) homo (Rabah Naït Oufella). Tous trois se
lieront très vite d'amitié.
Si
les baptêmes d'étudiants forment la toile de fond, un thème bien
plus dérangeant encore va tenter de vous prendre aux entrailles : le
cannibalisme. Bien que « Grave » ne soit pas le seul film
à aborder ce thème ('The Silence of the Lambs', 'The Texas Chain
Saw Massacre', etc), il est peut-être le premier qui en parle à la
première personne. C'est pourquoi – aussi barré et gore soit-il –
le film permet une certaine identification à l'héroïne.
Premier
baptême, premier morceau de viande pour une végétarienne, première
relation sexuelle, première séance en mode « Hannibal
Lecter » ; « Grave » a de quoi marquer les
esprits !
Le
film ne souffre d'aucune longueur. Ses 98 minutes filent à grande
vitesse avant de percuter le générique de fin. Une fin qui est
adroitement inattendue. Au terme de la projection, les lumières
blanches de la salle viennent assainir cette vision sanguinolente
mais aucunement regrettable. Avec « Grave », le cinéma
français avance dans le bon sens et n'a pas peur de s'affranchir des
étiquettes de genre qui desservent bien souvent l'industrie.
Viscéral,
brute mais diablement bien maîtrisé, « Grave » ne vous
fera pas voir rouge (pour le peu que vous aimiez l'hémoglobine) au
sortir de la salle. Le film, de par sa perspective novatrice, promet
un bel avenir à sa réalisatrice.
Note : ★★★★
Critique :
Goupil
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