Jurassic World Rebirth

 


Cinq ans après Jurassic World : Dominion, l’environnement de la planète s’est révélé hostile pour la plupart des dinosaures. Ceux qui subsistent vivent dans des zones équatoriales isolées, aux conditions proches de celles de leur ère d’origine. Parmi ces créatures terrifiantes, trois spécimens renferment peut-être la clé d’un remède capable de changer le destin de l’humanité.



Jurassic World : la renaissance qu’on n’osait plus espérer

À croire qu’il fallait que la franchise s’écrase pour mieux renaître. Jurassic World: Rebirth, sixième itération post-Jurassic Park, a tout du phénix cinématographique : la saga renaît non pas de ses cendres, mais d’un magma de blockbusters numériques insipides où l’âme de Steven Spielberg s’était lentement diluée. Gareth Edwards, à qui l’on doit déjà les visions vertigineuses de Monsters ou Rogue One : A Star Wars Story, endosse ici la tunique du réalisateur, non, du restaurateur, mieux, du ressusciteur ! Le résultat ? Une superproduction maousse costaud au charme nineties, qui redonne à la dinomania ses lettres de noblesse visuelle et narrative.

Au sortir de la projection, une évidence s’impose : Rebirth n’est pas un simple divertissement, c’est un monde tangible. Finie l’apesanteur désincarnée des monstres 3D de la trilogie précédente. Ici, chaque pas d’un sauropode fait vibrer la terre. Le cinéaste parvient à l’alchimie rare entre CGI de pointe et effets pratiques d’école, ce qui confère aux créatures une matérialité que l’on croyait perdue depuis les heures bénies de la trilogie Jurassic Park. En cela, Rebirth tranche radicalement avec les errances numériques du triptyque Jurassic World initié par Colin Trevorrow, réalisateur-producteur-scénariste bien intentionné, mais clairement dépassé.

Epiphanie visuelle

Ce qui fascine, c’est la capacité d’Edwards à orchestrer l’immensité. Son sens du gigantisme, déjà remarqué dans Godzilla, trouve ici un terrain de jeu idéal. La scène des titanosaures, baignée dans une lumière d’opale, frôle l’épiphanie visuelle : entre fascination sacrée et émerveillement enfantin, elle synthétise l’ADN du film de 1993. Le Britannique maîtrise les échelles, compose chaque plan avec rigueur, et surtout, il ne cède jamais au chaos visuel, ce mal endémique du tentpole movie contemporain.

À cette mise en scène soignée s’ajoute une photographie tout simplement somptueuse. Jeux d’ombres et de contre-jours, texture palpable des feuillages ou des peaux écailleuses… Voilà un long-métrage qui se soucie de son grain, de sa matière, et qui offre à l’œil un vrai travail pictural, aux antipodes des palettes numériques interchangeables (Marvel dans le viseur) d’une époque qui a trop souvent oublié que le cinéma, c’est d’abord un art visuel.

Un récit d’aventure un chouïa paresseux, mais efficace

Le scénariste David Koepp, qui avait écrit l’original avec Michael Crichton, revient à la maison, et cela se sent. Bien que basique avec ses grosses ficelles narratives et corseté par quelques obligations mercantiles (ne perdons pas de vue qu’il y a des tonnes de merchandising à écouler), le scénario retrouve une dynamique organique, aventureuse, faite de montée en tension progressive et de rebondissements haletants. Le montage, fluide et sans fioritures, ménage les respirations sans jamais laisser retomber la tension. Autrement dit : un roller coaster jamais long, parfaitement rythmé, palpitant, mais jamais hystérique.

Que les amateurs de sueurs froides se rassurent : Jurassic World : Rebirth ne lésine pas sur les séquences dantesques. La course-poursuite maritime avec le mosasaure (qui a enfin droit à une scène digne de ce nom) est une claque ! Un Mad Max : Fury Road marin à écailles. On exagère à peine. Le rafting avec le tyrannosaure, bien que trop bref, ravive les sensations physiques des meilleurs moments de la saga. Quant au quetzalcoatlus, il livre une scène aérienne vertigineuse. Même les affrontements avec les dinosaures mutants – concept toujours un peu risqué – tiennent la route, grâce à une mise en scène intelligente et des designs marquants à défaut d’être inspirés (le D-Rex mal dégrossi, fruit d’une expérience génétique ratée).

Du beau monde… perdu

Au niveau de la distribution, toute la planète cinéphile attendait Scarlett Johansson et Mahershala Ali, qui sont comme à l’accoutumée irréprochables, mais c’est bien Jonathan Bailey qui attire finalement tous les regards. Paléontologue formé par l’illustre Alan Grant, héros du premier film, il devient l’ambassadeur émotionnel des dinosaures pour le spectateur. Une performance nuancée, habitée, qui apporte une profondeur humaine salutaire à ce bestiaire rugissant.

Notons encore la présence du compositeur français Alexandre Desplat au générique, qui livre ici une partition élégante, oscillant entre hommage discret aux thèmes de John Williams et digressions orchestrales personnelles. Les motifs qu’il tisse autour des nouvelles créatures ou des moments de contemplation confèrent à l’ensemble une résonance sensible. Une musique qui élève sans jamais vampiriser l’image.

Quelques scories, vestiges d’un cahier des charges contraignant

Il serait malhonnête de passer sous silence quelques concessions regrettables. Le petit aquilops, recueilli par une fillette, semble tout droit sorti d’une réunion de brainstorming marketing. Une peluche en devenir, superfétatoire dans le récit. De même, le fan-service appuyé (le caméo du dilophosaure, la fusée éclairante ou encore la relecture un peu paresseuse de la scène culte de la cuisine) alourdit inutilement un scénario qui n’en avait pas besoin.

On regrette également l’absurdité de certaines réactions de personnages qui confinent à la bêtise ou encore quelques lignes de dialogue qui sonnent faux. Et malgré son ton résolument plus graphique que ses prédécesseurs, Rebirth reste un poil trop sage, divertissement familial oblige (classement PG-13) : on rêvait secrètement d’une œuvre plus viscérale, plus âpre, à l’image – on y revient toujours – du premier Jurassic Park.

Nonobstant ces faiblesses, Jurassic World: Rebirth opère ce que de nombreux aficionados croyaient impossible : faire renaître la fascination. Gareth Edwards, en roi des monstres accompli, réussit le tour de force de redonner un souffle cinématographique à une licence que l’on pensait exsangue. Ce n’est pas seulement un bon Jurassic World, c’est un vrai bon moment de cinoche décomplexé, pétri d’amour pour la matière, pour la mise en scène, et pour l’enfance émerveillée qui sommeille encore en nous.

Note : 
Critique : Professeur Grant

Commentaires

Articles les plus consultés