Ni Juge, Ni Soumise


Ni Juge ni soumise est le premier long-métrage StripTease, émission culte de la télévision belge. Pendant 3 ans les réalisateurs ont suivi à Bruxelles la juge Anne Gruwez au cours d'enquêtes criminelles, d’auditions, de visites de scènes de crime. Ce n'est pas du cinéma, c'est pire.








I. Ce n’est pas du cinéma, c’est pire !

Anus complaisant, pipe de velours, d’emblée le documentaire vous plonge dans le bain. Comptez sur la juge d’instruction Anne Gruwez, sans filtre et jamais avare en punchlines de derrière les fagots, pour vous prendre par la main dans le monde sordide des affaires judiciaires. Aussi trash que cash, la Bruxelloise est en quelque sorte l’héroïne de « Ni juge, ni soumise », grand frère au format long de la cultissime série « Strip-Tease ». Aux commandes, Jean Libon et Yves Hinant, deux auteurs historiques de l’émission qui s’est entichée durant vingt-cinq ans à mettre à nu la société belge et française sur la petite lucarne. Comme ils le disent de concert et sans broncher, « Ce n’est pas du cinéma, c’est pire ». Pas faux. On ira même plus loin en affirmant que c’est bel et bien la réalité. Une réalité qui n’a rien à envier à la fiction… Moteur !

II. Dogme

Si le projet s’invite désormais sur le grand écran, les cinéastes n’entendent pas pour autant changer le « Dogme » qui a fait tout le sel du programme documentaire de la RTBF, lequel, à l’origine, entrait en résistance face à la télévision - très formatée - de papa. Ainsi, les règles immuables sont respectées : pas de commentaire, pas d’interview et toujours cette bonne vieille ritournelle entêtante pour habiller musicalement le générique, la musique « Batumambe » de la formation Combo Belge. Le fan absolu, en terrain connu, sera conquis. Mais pour passer dans les salles obscures, le tandem, fin connaisseur des arcanes judiciaires, a dû nourrir un scénario qui tienne sur la longueur. Le thème choisi : le polar. Pourquoi ? « Parce que c’est souvent dans l’histoire d’un crime qu’on peut voir à la loupe la société dans laquelle on patauge ».

III. Madame La Juge

Effectivement, le récit sert de prétexte pour ausculter les turpitudes de l’âme humaine. Quant au fil rouge, les documentaristes dissèquent un « cold case », soit une affaire non résolue, vieille de plus de vingt ans, sur l’assassinat de deux prostituées dans les beaux quartiers du centre de Bruxelles. Pour mener l’enquête, le duo choisit l’atypique et excentrique juge Anne Gruwez (il faut la voir déambuler en 2CV bleu céleste dans la capitale ou se rendre à une exhumation, ombrelle rose pétant en main), déjà déshabillée dans l’épisode « Madame La Juge » de Strip-Tease. Un personnage surréaliste, haut en couleur, au franc-parler déroutant qui tranche d’emblée avec le monde austère de la justice. Elle peut vous tailler la bavette sur les pratiques BDSM tout comme discuter le bout de gras sur la fraîcheur d’un cadavre exhumé, le tout avec un naturel jovial et expansif. Pour le reste, l’inconnue, le temps et du coup la patience ont rythmé un tournage qui s’est étiré sur trois ans.

IV. « C’est beau le client satisfait qui revient »

La vulgarité se mêle à la poésie, l’humour noir à l’ironie (« C’est  beau le client satisfait qui revient, qui se sent à l’aise », dixit la juge), avec une pincée d’absurde par-ci (« Ah non, je ne serre jamais la main des malfrats ! ») et quelques touches d’amertume voire de désespoir par-là. Le duo réussit son pari : décrypter la société mais aussi scandaliser et faire rire en mettant la caméra là où ça fait mal. Ainsi, il montre des situations tragi-comiques contemporaines qui se jouent au quotidien dans notre société, à l’image de la misère sociale et intellectuelle d’une famille qui ignore tout de la consanguinité. Une séquence effarante ! Les réalités sont crues (départ en Syrie, travail des péripatéticiennes, violence conjugale, vol à l’étalage…) à l’image des dialogues, pour le coup, non-écrits (« La colère d’Allah, ce n’est rien à côté de moi », tonne la juge). En résulte, in fine, un docu à la fois drôle, cruel et grinçant. Sans concession, mais aussi sans artifice, si ce n’est la scénarisation, le métrage prête à rire autant qu’il suscite l’effroi. A ce titre, le final glace le sang.

Édifiant. Imparable. Incontournable !

Note : 

Critique : Professeur Grant

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