Ready Player One


2045. Le monde est au bord du chaos. Les êtres humains se réfugient dans l'OASIS, univers virtuel mis au point par le brillant et excentrique James Halliday. Avant de disparaître, celui-ci a décidé de léguer son immense fortune à quiconque découvrira l'œuf de Pâques numérique qu'il a pris soin de dissimuler dans l'OASIS. L'appât du gain provoque une compétition planétaire. Mais lorsqu'un jeune garçon, Wade Watts, qui n'a pourtant pas le profil d'un héros, décide de participer à la chasse au trésor, il est plongé dans un monde parallèle à la fois mystérieux et inquiétant…



 

Ah oui ?

Steven Spielberg, année 2018, clap 2! Après le cérébral « The Post » et avant le popcorn movie « Jurassic World : Fallen Kingdom » pour lequel il officie en tant que producteur exécutif, le papa d’E.T. revient dans les salles obscures avec le séisme cinématographique de l’année « Ready Player One », adapté du roman éponyme d’Ernest Cline. Une œuvre-testament démente qui ambitionne, en somme, de synthétiser la pop culture. C’est parti pour une palanquée de références eigthies et de citations nineties dans un délire visuel SF qui tire parti de la réalité virtuelle. En substance, le récit raconte l’histoire de Wade, un ado plongé dans un monde parallèle à la fois mystérieux et inquiétant grâce à son casque VR. On est en 2045 et la planète est au bord du chaos. Surpopulation et pollution forment un cocktail malsain qui pousse les êtres humains à se réfugier dans l’Oasis, univers virtuel dans lequel une chasse au trésor permettra au gagnant de miser une fortune. Are you ready ?

Ouiiiii !

On le sait, la frontière entre le cinéma et le jeu vidéo est de plus en plus ténue. Notre septuagénaire préféré réduit encore davantage l’écart grâce à une technologie rutilante et particulièrement bluffante qui en met d’emblée plein les mirettes. Les qualités techniques de RP1 sont telles qu’on vous invite à vivre l’expérience en IMAX 3D - malgré le prix exorbitant du ticket de cinéma (comptez environ 17 boules) -, soit le format idoine, celui qui rend le plus justice au travail acharné des concepteurs et autres graphistes. Ainsi, sur grand écran, le ballet virtuose s’affiche dans toute sa splendeur aux yeux des trentenaires biberonnés à la pop culture. Ces derniers, les yeux écarquillés devant cette vague nostalgique qui les submerge, dégustent ce qui se révèle être une véritable madeleine de Proust. Ce spectacle résolument geek et familial réjouira les plus cinéphiles d’entre vous, lesquels s’émerveilleront devant la maestria de la mise en scène de Tonton Spielby. Chaque plan de cet imaginaire foisonnant déborde d’idées, de petites trouvailles qui rappellent aux autres réalisateurs qu’il est bel et bien le roi du divertissement hollywoodien.

Oui, mais…

Si plusieurs séquences de cette recherche de l’easter egg restent à jamais gravées dans les mémoires, celles de la course-poursuite et de la visite des décors du « Shining » de Stanley Kubrick sont certainement les plus réussies. La première pour la fluidité de la réalisation, la deuxième pour la malice avec laquelle le pape du blockbuster se joue des spectateurs. Deux éclairs de génie qui résument assez bien le talent du cinéaste. Cependant, nonobstant toutes ses qualités techniques, le métrage n’est pas exempt de tout défaut. Un brin longuet et parfois répétitif, on reprochera également au film quelques incohérences, mais aussi un final indigeste (exagérations et excès en tous genres en veux-tu en voilà !) ainsi que des personnages… désincarnés. L’émotion n’émerge pour ainsi dire jamais ce qui prouve bien quelques faiblesses au niveau de l’écriture et de la direction d’acteurs. Absorbé par la forme, Spielberg se soucie moins de son scénario, lequel avance de manière convenue en laissant très peu de moments de pause. Ainsi, ce que ce dernier gagne en rythme, il le perd en atmosphère et en émotion. Et le propos, plutôt maigre (Spielby met en garde les jeunes générations face à l’addiction aux écrans), de passer au second plan, comme étouffé par tant d’effets spéciaux.

Allez, oui !

A 71 ans, Steven Spielberg offre un rollercoaster jubilatoire à la fois ébouriffant et malin, puissant et efficace. Une œuvre somme tellement généreuse, démentielle et spectaculaire qu’on oublie finalement assez vite les quelques imperfections susmentionnées pour garder en mémoire le plaisir d’avoir vécu une expérience sensorielle magique. Bref, un pur moment de cinéma !


Note : 
Critique : Professeur Grant



Autre critique, autre point de vue :

Opening credits
Trente-troisième film de Spielberg, « Ready Player One » est aussi, d'après ses dires, le troisième plus compliqué qu’il ait tourné, après « Jaws » et « Saving Private Ryan ». Que faut-il attendre du dernier film de celui qui a fait de l’enchantement sa marque de fabrique et que les mauvaises langues cantonnent trop souvent au rôle de pure entertainer ?

Dans la filmo de Spielberg, il y a les films divertissants (« E.T », « Jurassic Park » ou encore « Indiana Jones »), la période SF (« AI », « Minority Report » et « War of the Worlds ») mais aussi le dark side of the ma(a)n. Qui ne se souvient pas de « Schindler’s List », « The Color Purple » ou encore « Munich » ?

Steven Spielberg réinvente sans cesse le cinéma. Summer blockbuster, effets spéciaux de pointe, divertissement grand public, marketing intelligent, etc. : que serait le cinéma contemporain si Spielberg avait embrassé une autre carrière ? Tantôt conteur d’histoires, tantôt chasseur d’images, ce pionnier de la narration visuelle regarde quatre à cinq films par semaine. Il est aussi un grand lecteur. Pas étonnant donc que le livre d’Ernest Cline soit tombé entre ses mains.

La clé de ce nouveau succès, pour Spielberg - à l’instar de Parzival - tient en trois points :

  • Primo
Les droits des licences et autres propriétés intellectuelles devaient être débloqués. À la manière de « Who Framed Roger Rabbit? » où Mickey Mouse et Donald Duck partageaient un même plan, la productrice Kristie Macosko s’est démenée pour permettre à l’équipe de puiser dans le catalogue des grandes Majors. Quelques refus furent cependant essuyés (« Game of Thrones » d’HBO ou encore « Ultraman » de TBS). Peu importe, la Warner, Disney, Paramount, Universal et Fox acceptèrent de travailler main dans la main. Seul Spielberg pouvait accomplir un tel exploit !

  • Secundo
Saturé en références eighties, « RP1 » n’adresse que quelques clins d’œil au cinéma de Spielberg, ce-dernier préférant ne pas s’auto-référencer outre mesure. Certes, quelques hochements de tête sont visibles (« The Goonies », « Jurassic Park », « Indiana Jones » ou encore « Close Encounters of the Third Kind ») mais ils sont imputables à Zak Penn (le co-scénariste). « RP1 » est certainement le film le plus chargé en intertextualité. Les easter eggs à gogo raviront les aficionados de pop culture (imaginez le tableau : une course où la DeLorean de « Back to the Future », la moto de Kaneda dans « Akira » ou encore la Plymouth de « Christine » - pilotée par une certaine Lara Croft - concourent sur fond de Duran Duran, Depeche Mode ou encore Rush).  

  • Tertio
Retranscrire l’OASIS (une sorte de « Second Life ») constituait également une gageure. Pour ce faire, Spielberg - fort de son expérience en performance-capture sur l’adaptation de « Tintin » ou plus récemment encore avec « The BFG » - a utilisé de monstrueux plateaux de tournage plus vrais que nature ainsi que des espaces blancs dédiés à la digital capture. Dans ces espaces, les membres du casting disposaient de casques de réalité virtuelle (Oculus Rift) sur lesquels tournait une version brute de l’OASIS pour leur permettre une meilleure immersion. Le réalisateur avait quant à lui la version “développeur” avec laquelle il pouvait poser sa caméra n’importe où. Certaines scènes furent également tournées à Birmingham. Près de 600 personnes travaillèrent sur les effets spéciaux afin de donner vie à cette simulation de vie où tout est possible.

The usual blockbuster?
Labelliser « RP1 » de grosse machine à fric serait réducteur. Entre les lignes du livre et par extension, entre deux plans, se trouve une critique acerbe d’une société dystopique qui ne semble pas si lointaine à l’heure où la VR s’est déjà imposée dans beaucoup de foyers. Le film brasse large et parle également de crise énergétique due à la raréfaction des énergies fossiles et dresse une critique cinglante de la société de surconsommation. Même en temps de récession économique, les américains s’adonnent toujours autant au shopping. Il est aussi question de changement climatique, de chômage (la machine a remplacé l’homme dans bien des secteurs), de famine, de guerres, de sans-abris et de surendettement (Innovative Online Industries et ses fameux camps de travail appelés « centres de fidélité »).

Derrière les avatars de réalité virtuelle se cachent des personnes de tous les horizons et de toute couleur de peau. Pourtant, tous se tiennent sous un même étendard lorsqu’il s’agit de lutter contre la tyrannie (IOI). C’est en ce sens un bel exemple de tolérance qui n’est envisageable qu’après appréciation et application du « connais-toi toi-même » socratique.

BO
La bande originale d’Alan Silvestri (« Back to the Future ») ne se contente pas que de faire uniquement référence à la pop culture des années 80. La musique, enivrante, évoque l’optimisme, l’innocence, le sens de l’émerveillement et de l’aventure propre aux productions cinématographiques spielbergiennes; gentil ou méchant, chaque personnage a son thème musical. Cette BO magnifie incontestablement le film.

Spielberg 1 - No Name 0
Avec « Ready Player One », Steven Spielberg parvient à trouver l’équilibre entre la découverte de l’OASIS et l’attachement aux personnages principaux. À aucun moment il ne se perd dans l’une ni oublie de travailler l’autre. Notre affection pour les personnages centraux est égale à la sympathie que nous ressentons pour leur avatar (Parzival, Art3mis et Aech). Seul Spielberg pouvait réaliser un tel tour de force. « RP1 » est une pharamineuse aventure humaine doublée d’un décoiffant tour en montagne russe digital au terme de laquelle nous vient l’irrésistible envie de presser le bouton [CONTINUE?].

Note :
Critique : Goupil



Post-scriptum : Voyez-le en 3D sur le plus grand écran possible !

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