Donne-moi des ailes


Christian, scientifique visionnaire, étudie les oies sauvages. Pour son fils, adolescent obnubilé par les jeux vidéos, l’idée de passer des vacances avec son père en pleine nature est un cauchemar. Pourtant, père et fils vont se rapprocher autour d’un projet fou : sauver une espèce en voie de disparition, grâce à l’ULM de Christian ! Commence alors un incroyable et périlleux voyage...





I. Gnangnan

De mirifiques paysages et une soupe de bons sentiments ne suffisent pas à produire un bon film. Soit Nicolas Vanier semble l’ignorer, soit il n’en a cure. Ainsi, avec « Donne-moi des ailes », le réalisateur persiste et signe dans sa quête de fictions à visée éducative, mais aux ambitions scénaristiques proches du néant. Traitement scolaire, écriture grossière, interprétations fadasses, dialogues mièvres et doucereux, ce nouveau métrage s’inscrit parfaitement dans la litanie de productions familiales gnangnan que le cinéphile voit débarquer chaque année dès les premières chutes de feuilles et autres gelées nocturnes. En ligne de mire : la trilogie Belle et Sébastien, L’école Buissonnière, Rémi Sans Famille, Mia et Le Lion Blanc… Ces produits ultra formatés se reposent uniquement sur un pitch et, pour la plupart, n’essayent même pas de développer ne serait-ce qu’un synopsis. Alors, pour la construction d’un scénario, vous pouvez carrément aller vous brosser !

II. L’envolée sauvage

L’histoire est plus ou moins une resucée de « Fly Away Home » (ou L’envolée sauvage dans nos contrées), avec Jeff Daniels et Anna Paquin. Souvenez-vous de ce divertissement portant le sceau des nineties qui a marqué une poignée de jeunes pupilles. Il est toujours question d’un père et d’un enfant qui s’échinent à préparer des oisons à la migration. On fait donc la connaissance de Christian (Jean-Paul Rouve parvient, ô miracle, à rendre crédible un personnage complètement inconscient voire profondément idiot), scientifique visionnaire attaché à l’étude des oies sauvages. Pour son fils (pauvre Louis Vazquez, aussi charismatique qu’un anatidé, fait ce qu’il peut mais n’a pas le talent d’une Anna Paquin), ado abruti par les seuls plaisirs vidéoludiques, l’idée de passer des vacances avec son ornithologue de papa en pleine nature camarguaise est un cauchemar. Pourtant, les deux vont se rapprocher autour d’un projet fou : sauver une espèce en voie de disparition. Commence alors un incroyable et périlleux voyage en ULM...

III. Antinomie

Nonobstant ses bonnes intentions, « Donne-moi des ailes » ne tient pas la route. Invraisemblances à la pelle, mépris de toute raison voire de toute logique, naïveté confondante, le récit n’est pas une sinécure pour le spectateur, loin s’en faut. Adapté de son propre roman, Nicolas Vanier s’est adjoint les services de Lilou Fogli qui n’a rien trouvé de mieux que de s’attribuer un rôle superfétatoire. Mais que vient faire cette journaliste dans cette histoire ? C’est sûr, on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même… S’il n’y a pas grand-chose à sauver dans ce film, on notera tout de même la noble cause qui est celle de sensibiliser les enfants à la sauvegarde d’espèces protégées. Un dessein exemplaire, certes, mais annihilé durant la pré-production. On rappellera qu’en juin 2018, le survol à basse altitude d’une colonie de flamants roses en Camargue par un ULM du tournage avait provoqué l’abandon de 500 œufs par des oiseaux effrayés. Bravo Monsieur Vanier ! Prêt à tout pour une belle image. Ce n’est pas l’éthique qui vous étouffe…

IV. « Une bouffonnerie contreproductive »

Ainsi, ce dernier est aussi crédible dans la lutte pour la sauvegarde environnementale que l’autre fantoche moralisateur de Yann Arthus-Bertrand, jamais à court d’une ineptie bienvenue, et surtout fervent défenseur des aberrations écologiques liées à la candidature du Qatar pour la prochaine Coupe du Monde. Ou comment sacrifier la planète sur l’autel du fric. Et l’empreinte écologique de ses moyens aériens, on en parle ? Envolés les discours alarmants de l’autoproclamé « journaliste » et « activiste vert ». Oui, vous avez tout à fait le droit de trouver cette écologie à deux vitesses totalement écœurante. Comme l’affirmait Bruno Rebelle, ancien directeur de Greenpeace, à Libération : « Nul ne critique le travail du photographe et la puissance des images qui forcent l’engagement. Mais les mots qui accompagnent ces images doivent faire sens et le militantisme dont se revendique Arthus-Bertrand ne peut s’accommoder d’aucune complaisance. Sinon, la promotion du développement durable ne sera qu’une bouffonnerie contreproductive ».

Une bouffonnerie contreproductive, voilà bien ce qui résume ce film.

Note : 

Critique : Professeur Grant

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