Bombshell
Inspiré de faits réels, "Sclandale" nous plonge dans les coulisses d’une chaîne de télévision aussi puissante que controversée. Des premières étincelles à l’explosion médiatique, découvrez comment des femmes journalistes ont réussi à briser la loi du silence pour dénoncer l’inacceptable.
I. What
The Fox ?
Coup de projecteur sur l’affaire
Roger Ailes, brûlot médiatique qui a secoué Fox News durant la dernière
campagne présidentielle des Etats-Unis. Avec un titre comme « Bombshell »,
ou « Scandale » en version française, et au regard de son sujet
sulfureux, on s’attend évidemment à un film avec des cojones. Soit une œuvre un brin fouille-merde qui va au bout de ses
intentions, ne craignant pas de gratter là où ça fait mal. Verdict ? Le long-métrage
le fait de façon exemplaire, armé de détails dignes d’une investigation
journalistique et d’une férocité acrimonieuse, en n’hésitant pas à pointer du
doigt les personnes impliquées. Managers, producteurs, présentateurs et jusqu’à
l’actuel président Donald Trump, tous y passent sous la plume acérée et
incisive du scénariste Charles Randolph, lauréat d’un Oscar pour l’excellent
« The Big Short ».
II. #MeToo
Inspiré de faits réels
donc, « Bombshell » nous plonge dans les coulisses de la petite
lucarne. Des premières étincelles à l’explosion médiatique, on découvre comment
des femmes journalistes ont réussi à briser la loi du silence pour dénoncer
l’inacceptable et faire tomber « l’homme le plus puissant des
médias », dixit Barack Obama. Dans le viseur : le magnat Roger Ailes,
PDG de Fox News Channel, le réseau d’information câblé le plus regardé par les
Américains. De multiples accusations de harcèlement sexuel ont eu raison du
nabab. On suit trois femmes, trois points de vue éclairant cette sordide
affaire : Gretchen Carlson, présentatrice arrivée à sa « date de
péremption » comme le fait comprendre son patron, Megyn Kelly, actuelle vedette
qui fait grimper l’audimat, et Kayla Pospisil, junior ambitieuse aspirant à
briller devant la caméra (seul personnage fictif du trio). Trois femmes ayant subi
les assauts déplacés d’un homme en position de pouvoir. Une affaire qui n’est
pas sans rappeler un certain mouvement : #MeToo. Ainsi, et à bien des
égards, on ne peut s’empêcher de penser au scandale lié à Harvey Weinstein,
mogul derrière le studio Miramax.
III. D’un
genre à l’autre
Derrière la caméra ?
Un cinéaste made in Hollywood issu de
la comédie populaire. Plus précisément le réalisateur à qui l’on doit la
trilogie loufoque « Austin Powers » et le diptyque désopilant « Meet The Parents ». Son
petit nom : Jay Roach. Ce dernier fait partie de cette nouvelle mouvance
de metteurs en scène venus de la pantalonnade qui souhaitent se donner une
contenance en s’acoquinant avec des sujets politico-socioéconomiques, à
l’instar de ses comparses Adam McKay (Vice), Peter Farrelly (Green Book) ou
Todd Phillips (War Dogs). Et comme ses collègues, il passe d’un genre à l’autre
avec brio (le téléfilm HBO « Game Change » sur Sarah Palin). On
aurait pu craindre un traitement lisse, sans aspérité, mais non, ce dernier n’hésite
pas à embrasser le ton satirique et propose une radiographie corrosive du
stratagème avilissant mis en place par Ailes, avec la complicité écœurante de
sa secrétaire. Roach et Randolph décortiquent les machinations sexistes et
critiquent au scalpel une certaine idéologie misogyne (les femmes réduites au
rôle d’objet télévisuel) qui se cache derrière l’information spectacle d’une chaîne
toujours plus outrancière.
IV. The
Loudest Voice
Toutefois, à trop s’efforcer
d’être un film à charge, « Bombshell » en oublie parfois d’être un
objet cinématographique. Bien que clinique dans son récit et chirurgicale dans
sa mise en scène, le long-métrage se repose un peu trop sur sa forme de
reportage in situ (quoique bien vu pour parler de ce scandale) et n’essaye pas
d’entreprendre des gestes de cinéma comme a pu le faire un « The Big
Short » sur le travail du montage par exemple. Bref, des peccadilles au regard
de tout le reste. Devant la caméra, Charlize Theron, Nicole Kidman et Margot
Robbie livrent des interprétations convaincantes. Quant à Roger Ailes, il est magnifiquement
incarné par John Lithgow, excellent Winston Churchill dans la série « The
Crown ». Par ailleurs, pour ceux qui désirent en savoir plus sur Ailes,
sachez qu’il fut déjà campé par Russell Crowe dans la récente minisérie
Showtime « The Loudest Voice » qui, outre les faits de harcèlement
sexuel, s’intéresse également à la naissance des « fake news », à
l’intrication entre médias et politique ainsi qu’à la vision glaçante du
journalisme proposé par Roger Ailes : « Les gens ne veulent pas être
informés, ils veulent se sentir informés ».
Note : ★★★★
Critique : Professeur Grant
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