ADN
Neige, divorcée et mère de trois enfants, rend régulièrement visite à Émir, son grand-père algérien qui vit désormais en maison de retraite. Elle adore et admire ce pilier de la famille, qui l’a élevée et surtout protégée de la toxicité de ses parents. Les rapports entre les nombreux membres de la famille sont compliqués et les rancœurs nombreuses... Heureusement Neige peut compter sur le soutien et l’humour de François, son ex. La mort du grand-père va déclencher une tempête familiale et une profonde crise identitaire chez Neige. Dès lors elle va vouloir comprendre et connaître son ADN.
Acide
Désoxyribo-Nucléique
Après
« Pardonnez-Moi », « Le Bal des Actrices »,
« Polisse » et « Mon Roi », Maïwenn signe son retour dans
les salles obscures avec « ADN ». Et comme à l’accoutumée, le film va
diviser. Qu’elle le veuille ou non, elle est perçue par les cinéphiles comme
une artiste clivante, ceci étant dû à son style narcissique et cathartique. Ici,
l’actrice-scénariste-réalisatrice se raconte derechef à travers ses
personnages. Singulier, ultra-sensible, bourré d’ego, excessif, ce nouveau long-métrage
en partie autobiographique est du pain béni pour les contempteurs qui
n’hésiteront pas à la tacler sur son aisance impudique à déballer sans filtre, et
sur grand écran, les affres de son existence, ses émois personnels, ses
tourments, questionnements, obsessions, doutes, peurs etc. Les thuriféraires de
la cinéaste, quant à eux, s’y retrouveront car ils percevront cette connexion authentique,
presque intime, que la metteuse en scène a tissée avec les spectateurs depuis
ses débuts derrière la caméra.
Tourbillon
émotionnel
Comme l’annonce le titre,
il y sera question de quête identitaire. A la mort de son grand-père,
patriarche et pilier d’une famille dysfonctionnelle au bord de la crise, Neige
(Maïwenn herself, fidèle à elle-même)
perd tous ses repères. En froid avec des parents furieusement toxiques, elle va
questionner les liens du sang et vouloir connaître son identité dans la pluralité
de ses racines. Entre rires et larmes, entre l’ire et la rage, le récit aborde une
palanquée de thématiques : le poids du deuil, la migration et l’intégration,
l’héritage culturel, la responsabilité des parents… Autant d’éléments traités
avec plus ou moins de subtilité dans un scénario qui multiplie les tourbillons
émotionnels. Si l’on peut regretter une certaine complaisance dans le pathos
avec des effets tire-larmes superfétatoires, les scènes sont heureusement
sauvées par une distribution de qualité d’où domine une impériale et
jubilatoire Fanny Ardant dans le rôle de la mère. Ça fleure bon la nomination
au César du meilleur second rôle !
Effet
miroir
Par ailleurs, l’ensemble
aurait pu être indigeste si Maïwenn n’avait pas ce don pour désamorcer les
situations dramatiques avec des touches d’humour salvatrices arrivant toujours à
point nommé. Chez elle, le rire n’est jamais vulgaire, gratuit ou déplacé, mais
apparaît avec justesse pile-poil au bon moment. A ce propos, le personnage
secondaire incarné par Louis Garrel est une bénédiction avec plusieurs punchlines désopilantes à son actif. Truculent,
l’acteur parvient à insuffler un petit vent de légèreté dans un récit riche en
confrontations électriques. On retiendra aussi quelques séquences tordantes comme
celle du choix du cercueil (carton, pin ou chêne ?). A la fois drôle et
bouleversant, sincère et décomplexé, personnel et universel, intime et
extravagant, « ADN » s’affiche comme le parfait reflet de son auteure,
une cinéaste qui sonde sa propre histoire et fait de ses aventures intérieures un sujet
romanesque. Les laudateurs de son cinéma se plongeront avec délectation dans
cette quête identitaire. Ses détracteurs passeront leur chemin.
Note : ★★★
Critique : Professeur Grant
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