Mandibules
Jean-Gab et Manu, deux amis simples d’esprit, trouvent une mouche géante coincée dans le coffre d’une voiture et se mettent en tête de la dresser pour gagner de l’argent avec.
Quentin
Dupieux : un drôle d’Oizo au style de malade
Cela fait près d’une vingtaine
d’années que Quentin Dupieux, alias Mr. Oizo pour les plus mélomanes, trimballe
son style singulier, radical, punk et décalé dans le cinéma hexagonal. Des
fictions arty, libres et déjantées made
in Absurdistan où la dimension nonsensique se paye une place de choix. Ses
métrages se caractérisent pour la plupart par un pitch imparable. Lisez plutôt :
un pneu serial-killer qui sème la terreur (le génial Rubber), un réalisateur de
films d’horreur à la recherche du meilleur gémissement (l’excellent Réalité),
un quadra sociopathe obnubilé par son « style de malade » et son
blouson en daim (Le Daim)…
Manu,
Jean-Gab et Dominique sont dans une voiture…
Dans le sillage laissé
par sa première réalisation, « Steak » avec le duo d’humoristes Eric
& Ramzy, le cinéaste hirsute renoue avec une veine plus accessible voire
populaire sans toutefois renier son ADN surréaliste. Au programme de « Mandibules » :
un tandem de doux dingues un peu débile sur les bords (Manu et Jean-Gab) qui
s’est mis en tête de dresser une mouche géante (Dominique, c’est son nom) trouvée
par hasard dans le coffre d’une voiture volée. Objectif de nos deux pieds
nickelés : l’apprivoiser « comme un singe » (dixit) pour braquer
des banques et se faire de l’oseille facilement. Tout un programme !
Ça
se gondole depuis Venise
Après avoir fait se
gondoler les festivaliers de la dernière Mostra de Venise, cette pantalonnade
désopilante débarquera enfin dans nos salles obscures le 3 février (lisez le 9
juin, cette critique a été écrite il y a… six mois !). Une sortie
bienvenue pour des spectateurs confinés à la recherche d’une grosse farce pour
se dérider. Et à ce titre, ils ne seront pas désappointés. Notre esthète
iconoclaste balaie la comédie française et ses recettes boulevardières éculées
pour imposer son style inimitable cuisiné à partir de dialogues absurdes, de
comique de situation improbable, de gags truculents et d’un chouïa de tendresse
pour les hurluberlus bouchés à l’émeri qui peuplent son étrange cinéma.
Du
PalmaShow à la sauce Dumb & Dumber
Et pour mettre vos
zygomatiques à rudes épreuves, le metteur en scène fait appel à une
distribution hors pair. En haut de l’affiche, Grégoire Ludig retrouve l’univers
du réalisateur après le sympathique « Au Poste ! ». Cette fois-ci
accompagné de son acolyte du PalmaShow David Marsais, le duo recomposé incarne les
rejetons franchouillards de l’union sacrée « Lloyd & Harry » du
cultissime « Dumb & Dumber ». Et écrivons-le sans ambages, Manu
et Jean-Gab sont à mourir de rire. Formidablement croqués, on se délecte à suivre
leurs péripéties plus rocambolesques les unes que les autres. Du grand
n’importe quoi !
La
vis (comica) d’Adèle
A leurs côtés, on épingle
également India Hair ainsi que le rappeur bruxellois Roméo Elvis en Gonzague
échappé d’Uccle. Mais l’interprétation qui marquera les esprits et fera date
jusqu’à rester dans les Annales du septième art hexagonal, c’est celle d’Adèle
Exarchopoulos qui va à fond la caisse dans un second rôle casse-gueule. Elle
incarne de manière touchante et hilarante une jeune femme s’exprimant avec un
problème d’élocution suite à un accident. Totalement investie, cette dernière
s’abandonne corps et âme dans son personnage et parvient à trouver la justesse
dans l’extrême. Une composition habitée, tenue et maîtrisée.
Comique
Con
Avec ses allures d’OFNI
(objet filmique non identifié) sorti de nulle part, « Mandibules »
s’affiche in fine comme une gaudriole réjouissante qui dynamite la comédie
française de papa. Consciente d’elle-même et de ses ambitions de franches
rigolades, cette pochade fonce à plein-pot dans son intrigue, certes menue,
mais on ne peut plus passionnante. Le Français s’illustrant derechef dans le
travail du rythme et du montage. C’est frais, léger, ensoleillé, ça ne pète pas
plus haut que son luc et ça fait du
bien par où ça passe. Les amateurs de joyeusetés saugrenues et autres
aficionados des pitreries conçues par les frangins Farrelly seront aux anges. Comme
le dit Jean-Louis, « c’est con mais bon ».
Note : ★★★★
Critique : Professeur Grant
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