No Time To Die
Bond a mis de côté ses activités d'agent et profite d'une vie tranquille en Jamaïque. Ce paisible repos est brusquement interrompu lorsque son vieil ami de la CIA, Felix Leiter, vient lui demander de l'aide. L'objectif est simple : secourir un scientifique kidnappé. Malheureusement, la mission s'avère être bien plus périlleuse qu'elle n'y paraît. James Bond est alors lancé sur la piste d'un mystérieux ennemi, armé de dangereuses nouvelles technologies.
Plus de dix-huit mois après sa date de sortie initiale, le Bond nouveau - plus fringant que jamais dans ses costumes sur mesure signés Tom Ford - déboule sur nos écrans. Au vu de l’attente fébrile, les fans se demandaient si ce petit jeu de reports en valait vraiment la chandelle.
La réponse est oui. « No Time to Die » n’aurait pas pu tirer son épingle du jeu sans une certaine part d’innovation. Entre les mains de la scénariste Phoebe Waller-Bridge, ces innovations apportent de la nuance. Les dialogues, bien ficelés, renforcent encore le cynisme de Bond. La psychologie du personnage est quant à elle davantage travaillée. Bond n’est plus seulement une grosse brute épaisse capable de traverser des murs.
Pour ce qui est de la forme, Linus Sandgren (« La La Land », « First Man ») s’en sort admirablement bien en complétant sans mal la vision de Cary Joji Fukunaga qui réalise ce « Bond 25 » avec beaucoup de panache. Le cinéaste s’amuse. Les hommages pleuvent et Fukunaga n’omet aucun détail. Comme pour mieux renforcer l’aspect globe-trotter de l’espion, le film nous balade dans des destinations de rêve. On se retrouve à bord de voitures de luxe et on se surprend à rêver des costumes bien taillés de l’espion, de ses gadgets, ainsi que des femmes fatales qu’il rencontre sur son chemin.
L’actrice Ana de Armas - en jeune agente secrète inexpérimentée et dont le trac fait sourire Bond - illumine les salles obscures. Il faut dire que Daniel Craig et l'actrice se connaissent depuis le tournage de l'excellent « Knives Out ». Lashana Lynch joue une 007 tenace et nous donne un petit avant-goût de ce à quoi la franchise devrait ressembler à l’avenir.
Rami Malek impressionne dans un rôle qui n’est pas sans rappeler Dr No. Qu’importe si l’Histoire ne le retiendra pas comme étant le plus infâme des rivaux de James Bond ! C’est sur Daniel Craig que sont braqués les projecteurs et c’est lui que l’on accompagne vers le terminus.
Véritable
baroud d’honneur pour Daniel Craig, « No Time to Die »
rend un ultime hommage à un acteur qui aura su incarner le renouveau en insufflant une sérieuse dose de réalisme et de vulnérabilité à
un personnage pour toujours iconique. Même si « Skyfall »
est souvent cité comme étant le point culminant de la franchise,
« No Time to Die » ne déçoit pas. Le long-métrage
n’est sans doute pas la meilleure étape de cette course éperdue
mais il y aura définitivement un avant et un après Daniel Craig.
Note : ★★★
Critique : Goupil
Autre
critique, autre point de vue – « No Time To Die » vu par le
Professeur Grant :
Une guerre de
matricules : 007 vs 19
On a failli
attendre ! D’abord programmé pour avril 2020, « Mourir peut
attendre », nouvelle aventure de l’espion de Sa Majesté « double-zéro
sept », a été repoussé maintes et maintes fois pour aboutir finalement
dans les salles obscures un an et demi plus tard. La cause ? La même que
pour tous les autres blockbusters de l’année : les lugubres méfaits de
l’agent spécial (et pathogène) Covid au tristement célèbre matricule 19. Du
coup, pour en faire malgré tout un événement d’ampleur, le distributeur a sorti
les gros moyens en réservant plusieurs salles d’un complexe cinématographique
bruxellois bien connu pour l’avant-première belge, laissant le privilège de
l’Imax pour la presse. Alors, est-ce que la longanimité des aficionados
chauffés à blanc, cinéphages gloutons, amateurs de bourre-pifs et autres
bâfreurs de pop-corn a été récompensée ? Verdict : oui, globalement
oui.
Le chant du cygne
Pour l’écrire très
clairement et se faire une idée rapide de l’œuvre en question, dans le cycle
Daniel Craig, « No Time To Die » se hisse en troisième position de
notre classement qui liste les fictions en fonction de leur qualité, soit du
meilleur au pire. Après les remarquables « Skyfall » et « Casino
Royal », mais avant les très décevants « Spectre » et « Quantum
of Solace ». Une place médiane pour un film relativement moyen qui contentera
les cinéphiles insensibles au charme et au flegme de James Bond, mais fâchera
quelque peu l’irréductible fanbase pour qui un pet de travers revient à
une trahison voire à un crime de lèse-majesté. Car oui, dans ce métrage de
conclusion, véritable épilogue (épitaphe ?) de l’ère Craig, les quatre
scénaristes prennent quelques libertés avec les codes issus de l’héritage
cinématographique du héros de Ian Fleming. Entre nous, tant mieux !
De la belle ouvrage
D’emblée, ce
vingt-cinquième Bond sort du lot avec deux séquences pré-générique dont un
flash-back amené à éclairer le passé tortueux d’un personnage-clef. L’une est
empreinte de noirceur et de gravité dont l’atmosphère rappelle furieusement
certains thrillers hitchcockiens voire des classiques d’épouvante, l’autre
d’action et d’aventure agrémentée d’un zeste de romance et d’une pincée d’exotisme.
Deux moments spectaculaires à couper le souffle qui installent une intrigue qui
cavale à bride abattue. Et l’excitation du spectateur de monter crescendo dans
le premier tiers du métrage, lequel se révèle particulièrement haletant. Et
c’est là toute la maestria de la mise en scène de Cary Joji Fukunaga qui
s’exprime. Une réalisation chiadée, nette et précise, fidèle à ce que le
talentueux cinéaste a déjà pu nous montrer par le passé, que ce soit au cinéma
avec son adaptation de « Jane Eyre » ou à la télévision avec le
sous-estimé « Beasts of No Nation » sur Netflix ou l’immanquable
première saison de la série HBO « True Detective ».
Rien de nouveau sous le
soleil
Le panache stylistique de
la mise en scène ne vient toutefois pas combler les trous d’air, errements et
autres maladresses d’un récit qui lambine, s’étiole et s’effiloche au fur et à
mesure que l’intrigue avance. C’est que le scénario, bien que riche en
péripéties, escapades et rebondissements, n’a pas grand-chose d’original à nous
mettre sous la dent. A l’image du némésis de l’agent secret. En faisant le
choix d’un fascinant comédien au faîte de son art, à savoir l’oscarisé Rami
« Freddy Mercury » Malek, la production s’est pourtant donnée toutes
les chances de fournir au public un bad guy qui soit aussi monumental et
mémorable que l’incarnation parfaite de Javier Bardem en Silva dans
« Skyfall ». Mais là encore, les auteurs ont péché par manque
d’ambition. Le « vilain pas beau » Lyutsifer Safin s’affiche comme une
caricature de tous les antagonistes précédemment vus dans la franchise
américano-britannique. Il est purement fonctionnel au récit. Un vrai
désappointement.
Ana de Armas :
« Mais t’es où ? Pas là ! »
L’acteur aux racines
familiales égyptiennes a beau être irréprochable dans sa composition, les
scénaristes ne l’ont guère aidé en lui donnant finalement que très peu de
matière à jouer. Difficile de briller quand les motivations de votre personnage
sont aussi faiblardes et que votre temps de jeu à l’écran se résume à quelques
brèves apparitions à peine dialoguées. Une « hénaurme » déconvenue
qui met en lumière une véritable carence dans la narration : l’utilisation
maladroite et la psychologie peu développée de plusieurs seconds rôles.
Certains, particulièrement bien cernés comme l’espionne fatale et lumineuse
jouée par la belle et rebelle Ana de Armas, sont sous-exploités et se limitent
à faire de la figuration dans l’histoire, d’autres, à peine esquissés, prennent
trop de place et s’avèrent superfétatoires, à l’image de Nomi jouée par une
Lashana Lynch insipide. Quant à Léa Seydoux, la comédienne prouve derechef que,
sortie de son Hexagone natale, elle éprouve les plus grandes difficultés à se
montrer crédible dans la langue de Shakespeare. A contrario, le traitement
réservé à Bond, lui, est plutôt réussi en présentant un James menant une vie de
bâton de chaise, fatigué, de guerre lasse, dépassé par la nouvelle génération
et en proie au doute. Une manière intéressante de clôturer son arc narratif.
Bien touffu et bien
foutu !
Pour le reste, « No
Time To Die » ne démérite pas. Quoiqu’un peu longuet avec un rythme
décousu (2h43, ça vous place le séant dans d’affreuses postures), le
divertissement est malgré tout assuré et de qualité. Les cascades, les
courses-poursuites, les décors, les costumes, les effets spéciaux, la
photographie, la musique… Techniquement irréprochable, cette superproduction est
usinée avec un savoir-faire artisanal qui s’apprécie à chaque plan, scène,
séquence. Outre la direction artistique, mettons également en exergue un
formidable travail effectué sur le son en post-production qui facilite
l’immersion dans ce récit d’espionnage trépidant. Rarement un film estampillé
007 n’aura été aussi bien foutu. Ce qui mérite d’autant plus le déplacement chez
votre exploitant de salles préféré. Ajoutons à cela également quelques jolies
trouvailles (le fameux « gun barrel » judicieusement placé dans le
climax) et références aux autres métrages du cycle Craig mais aussi à la saga
de manière générale. Enfin, et c’est plutôt une bonne nouvelle, ce dernier tour
de piste pour l’acteur de 53 ans, toujours aussi à l’aise dans le smoking, fait
mouche à plusieurs moments grâce à un esprit goguenard inespéré et bienvenu.
Entre nous, un chouïa de second degré dans toute cette fantaisie abracadabrantesque,
c’est toujours bon à prendre !
Note : ★★★
Critique : Professeur Grant
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