The King's Man
De
Kingsman à King’s Man
« Kingsman »,
après le « sequel », place au « prequel ». Souvenez-vous.
Le premier volet proposait un divertissement pop ultra fun et purement jouissif.
Résultat : un triomphe au box-office mondial. Le deuxième opus, totalement
dispensable, s’était vautré dans la surenchère et le ridicule. Verdict :
une réussite commerciale (!) Mais cette séquelle a tout de même laissé des…
séquelles ! Surtout dans l’esprit du cinéphile. Du coup, c’est peu dire
que nous redoutions ce que Matthew Vaughn allait nous pondre pour la suite de
cette franchise en demi-teinte. Toutefois, l’espoir était permis car le
réalisateur britannique avait d’emblée annoncé vouloir explorer l’univers de la
saga en revenant aux sources, en expliquant la genèse de l’agence d’espionnage
privée. L’occasion de changer de costume, de décor, de point de vue, mais aussi
de ton et d’enjeux narratifs. Ah oui, et de graphie également : « The
King’s Man ».
Quand
la fiction raconte l’Histoire
Flashback au début du
siècle passé, à l’aube de la Grande Guerre. Alors que l’instabilité dans le
monde grandit, un Anglais au service de la couronne (d’où le changement du
titre) se lance dans une course contre la montre pour contrecarrer les plans
machiavéliques d’une organisation secrète qui s’emploie à semer le chaos entre
les différentes puissances. Petit avertissement au passage : le cinéaste
se contrefout de la vérité historique. Pour ce dernier, la grande Histoire est une matière malléable ne servant qu’à alimenter des destinés bigger than life et des trajectoires
improbables. L’attentat de Sarajevo est ainsi totalement revu et corrigé. Mieux
vaut ne pas être allergique à l’emprise de la fiction sur la fidélité des
événements. Le parti-pris aurait pu être intéressant si le récit se montrait
plus sagace et ingénieux. Ici, c’est juste gratuit. Pis, l’intrigue principale
est cousue de fil blanc. Sauvons toutefois le twist du milieu de métrage,
plutôt audacieux.
Sur
un autre ton !
Le plus
dérangeant dans ce nouvel épisode, c’est la tonalité foutraque de l’ensemble.
Sombre, moins drôle et plus sérieux que les deux premiers numéros, ce grand
spectacle usiné à la manière d’un grand huit ne parvient jamais à trouver le
ton juste, alternant les joyeusetés burlesques et autres bouffonneries avec des
élans solennels et une gravité sortie de nulle part. Ce manque d’homogénéité
pénalise lourdement le métrage qui peine à passer la seconde avec son rythme en
dents de scie. La forme cartoonesque
allège constamment les moments où le récit entreprend d'injecter des émotions. Dommage.
Vidé de toute substance, le scénario se déroule alors sans aspérité et le
spectateur, totalement détaché, de n’y voir aucun réel intérêt. Si cela ne gêne
pas les pupilles et n’empêche en rien la compréhension des péripéties loufoques
racontées, on peine à s’émouvoir et à prendre tout cela très au sérieux.
Un
roller coaster décérébré
Si vous survivez à
l’amorce plutôt laborieuse, vous risquez toutefois de prendre un certain
plaisir à suivre cette épopée aventureuse et explosive peu avare en moments de
bravoure. Car s’il y a bien un langage que le cinéaste maîtrise, c’est bien
celui de la caméra, n’hésitant pas à redéfinir la grammaire cinématographique
dans des séquences d’action virevoltantes. Une qualité qu’il s’est efforcé à
déployer tout au long de cette licence. Inventive et ludique, sa mise en scène
multiplie les mouvements de caméra improbables et les plans vertigineux, le
tout cuisiné dans un montage frénétique haletant à vous mettre la tête à
l’envers. Il faut voir la scène de cet olibrius de Raspoutine (époustouflant Rhys
Ifans) se battant à la manière d’un danseur du Bolchoï. Un must ! Le reste
du casting est au diapason : Ralph Fiennes, jamais pris en défaut
dans sa carrière, est parfait, tout comme Gemma Arterton, Djimon Hounsou et Harris
Dickinson.
En substance, dans sa
dimension de divertissement décérébré, cette superproduction fait le job sans
trop forcer. Mais c’est justement parce qu’elle n’ambitionne rien d’autre que
cela en fait une pellicule inégale et peu mémorable.
Note : ★★
Critique : Professeur Grant
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