The Matrix Resurrections

 


MATRIX RESURRECTIONS nous replonge dans deux réalités parallèles – celle de notre quotidien et celle du monde qui s’y dissimule. Pour savoir avec certitude si sa réalité propre est une construction physique ou mentale, et pour véritablement se connaître lui-même, M. Anderson devra de nouveau suivre le lapin blanc. Et si Thomas... Neo... a bien appris quelque chose, c’est qu’une telle décision, quoique illusoire, est la seule manière de s’extraire de la Matrice – ou d’y entrer... Bien entendu, Neo sait déjà ce qui lui reste à faire. Ce qu’il ignore en revanche, c’est que la Matrice est plus puissante, plus sécurisée et plus redoutable que jamais. Comme un air de déjà vu...

Baroud (et doigt) d’honneur

Dur, dur de tenir la distance dans une licence à succès. Essayer de faire du neuf, tenter de se surpasser et surtout de combler tant les fans que le grand public avec des résultats au box-office à la hauteur des espérances… et du budget alloué. Après la thèse « Spider-Man : No Way Home », voici venu l’antithèse « The Matrix Resurrections ». Si le premier jouait à fond la carte du fan service stérile, le second renverse la vapeur et se joue de vos désirs pour mieux vous surprendre. Mieux, pour vous interpeller, vous titiller, vous secouer, vous remettre en question, mais aussi, vous frustrer. Si le tisseur vous caressait dans le sens du poil, la matrice, elle, vous la fait à l’envers, à rebrousse-poil. Cet anti-Marvel ne s’embarrasse pas des flatteries, se fout du qu’en-dira-t-on, rejette les récupérations des précédents volets et se moque de la réception critique et publique. Ce dernier vous présente son poing fermé, surmonté de son majeur en érection. Seul compte le propos. Autrement dit, ce quatrième opus est une anomalie dans le paysage des superproductions hollywoodiennes. Antidote au recyclage facile des franchises, il représente l’inverse de tout ce que l’industrie cinématographique californienne nous balance à la truelle depuis des décennies. A l’heure du tout à la nostalgie pour supplier les spectateurs de revenir dans les salles obscures, ce manifeste filmique est perçu par le cinéphile comme l’arrivée du Messie. Enfin un blockbuster - suite qui plus est - qui déjoue ses attentes, le chatouille et chamboule ses certitudes. D’ailleurs, la première moitié du film, la plus passionnante, vous perd pour mieux vous stupéfier. D’aucuns crieront au génie. D’autres au crime de lèse-majesté. Alors, pilule rouge ou pilule bleue ?

L’effet miroir

Orpheline de sa sœur, passée à autre chose, Lana Wachowski revient seule derrière la caméra. Et la cadette s’est complètement lâchée en se réappropriant son œuvre. Labyrinthe méta conscient de ce qu’il est, ce numéro quatre ne doit pas se voir comme le nouveau chapitre d’une franchise linéaire, mais plutôt comme un addendum à la trilogie. En sus d’inclure sa propre mythologie, il parle également de lui, de sa nature de « sequel », et porte un regard distancié et ironique sur ce que la saga a produit il y a une vingtaine d’années. Le métrage joue tellement la carte de la mise en abyme qu’il en vient à évoquer directement sa propre genèse en tant que nouvelle pierre d’un édifice terminé qui se suffisait à lui-même. Parallèlement, il critique ouvertement et de manière acerbe le manque de créativité, d’originalité, de singularité et finalement de liberté de l’industrie hollywoodienne. Warner Bros, en tant que maison de production attachée à la licence, est même directement citée dans le récit de façon peu flatteuse. A croire que les executives du studio assument ouvertement le cynisme mercantile lié à la création artistique. La tonalité est donnée. « Resurrections » s’affiche donc comme un miroir pour les personnages, mais aussi pour le public, poursuivant ainsi les références à « Alice au Pays des Merveilles » déjà présentes dans le triptyque. Un miroir déformant car il reprend vos envies pour mieux vous jouer un tour. Par exemple, l’attendu effet « bullet time » iconique du premier épisode est ici caricaturé. On touche quasiment à la farce avec le retour du Mérovingien (l’exquis Lambert Wilson) dans une scène surréaliste d’outrance, d’absurde et de grotesque. Rupture de ton, de rythme, la réalisatrice vous sort de votre zone de confort en vous livrant le blockbuster retors que vous n’attendiez pas.

Des absences remarquées

Cet effet miroir, amplifié à l’écran par de brèves insertions de flashback, nous montre que tout est identique et, en même temps, que tout a changé. De l’écriture des personnages (la vulnérabilité de Neo) à la direction artistique (plus flashy, moins organique), en passant par la mise en scène (Lana Wachowski a réduit la voilure sur les effets tape-à-l’œil), la cinéaste redéfinit les codes, qu’ils soient esthétiques ou narratifs, et revoie tout en profondeur quitte à déconcerter. Et vous vous sentirez trompés. Car vous n’obtiendrez pas ce que vous êtes venus chercher, à savoir des scènes d’anthologie (les gunfight du premier volet) ou des séquences à couper le souffle (la course-poursuite dans « Reloaded »). D’ailleurs, la gestion de l’action déçoit : peu de moments marquants, redondance de certains plans, réalisation parfois illisible. C’est là où le bât blesse. Sauvons toutefois le spectaculaire climax et ses visions dantesques. Alors que le métrage de 1999 révolutionnait la cinématographie avec une forme innovante, celui-ci semble être à la traîne vis-à-vis de la production contemporaine. Certaines absences se font sentir : la sœur Lilly Wachowski derrière la caméra, Bill Pope à la photographie, Don Davis à la composition musicale et surtout le maître Yuen Woo-ping dans la chorégraphie des combats. Côté casting, les nouveaux Morpheus et agent Smith ne possèdent pas le quart du charisme de Laurence Fishburne et Hugo Weaving. Mais ce que l’on perd en action, on le gagne en émotion, plaçant la passion entre Neo et Trinity (Keanu Reeves et Carrie-Anne Moss, tous deux parfaits) au cœur des enjeux. C’est d’ailleurs avec « L’amour est la genèse de tout » que la quinquagénaire conclut son film, rendant ainsi hommage à ses parents décédés. Un grand spectacle intime, sincère et, ne l’oublions pas, sacrément burné !

Note : 
Critique : Professeur Grant

  

Autre critique remplie de spoilers :

Dix-huit ans après le dernier volet en date, une ultime mise à jour est désormais disponible pour « The Matrix » . Après les échecs de « Jupiter Ascending » ou encore de « Speed Racer », il convient de savoir si cette tendance se confirme. Les sœurs Wachowski auraient-elles perdu le feu sacré ?

Yin et yang

Keanu « Neo » Reeves et Carie-Anne « Trinity » Moss se retrouvent à l’écran. Premier constat : ils assurent à nouveau tous les deux ! Leur capacité à se glisser à nouveau dans leur rôle respectif est purement déconcertante. Pour le rôle, Keanu Reeves accepte de se débarrasser de ses cheveux longs ce qui n’était plus arrivé depuis… depuis… on cherche encore !

Jessica Henwick fait une entrée très remarquée au pays des merveilles. Elle joue Bugs (bah tiens !) ; une fan de la première heure de Néo faisant partie de la résistance. Elle est pour ainsi dire les yeux et les oreilles de l’audience.

Big shoes to fill

Yahya Abdul-Mateen II convainc sans mal et parvient à se glisser avec prestance dans les vêtements pimpants et bariolés de Morpheus. Ceci dit, le magnétisme de Laurence Fishburne à l’écran était autrement plus fort.

Hugo Weaving étant occupé sur les planches au moment du tournage, Jonathan Groff fut choisi pour le remplacer. Groff est un bon acteur capable de faire passer beaucoup d’émotions, cela va sans dire, mais de là à espérer qu’il parvienne à nous faire oublier Weaving, c’est une hérésie ! Le rôle de l’agent Smith est à jamais associé à Hugo Weaving. Dès lors, pourquoi ne pas avoir donné à Groff le rôle d’un nouvel agent ?

Neil Patrick Harris joue le successeur de l’Architecte. Il est l’Analyste. Même s’il joue bien nous avons du mal à ne pas voir Barney Stinson sur chacun des plans.

On regrette aussi la présence d’une Jada Pinkett Smith trop grimée pour son rôle. C’est vraiment à la limite du grotesque ! Thomas F. Wilson était moins épargné quand il jouait le vieux Biff Tannen dans « Back to the Future II ». C’est dire !

Down (with) the Rabbit Hole!

Passée cette présentation des « vieux de la vieille » et des nouveaux venus, on constate que l’alchimie qui existait entre certains membres du casting de 1999 (notamment Reeves/Fishburne et Reeves/Weaving) est amoindrie par le recasting partiel. C’est surprenant de réaliser que trois scénaristes n’ont pas pu contourner ce problème.

Screen junkies

Tout n’est fort heureusement pas à jeter ! La réalisatrice parvient à transposer sa mythologie de simulation (et de simulacres) dans les années 2020. Les critiques fusent cette fois sur la société contemporaine. On pense à la scène de l’ascenseur où Thomas Andersen regarde des personnes visées sur leur smartphone et surtout à la longue diatribe du Mérovingien.

Thématique… problématique !

En outre, on ressent cette volonté de faire de la notion d’héritage un des thèmes centraux. Après tout, si ce nouvel opus ne peut être aussi révolutionnaire que l’original sur le plan technique, autant avoir recours à bon nombre d’images du matériau source comme pour mieux nous rappeler son statut de film culte. Attention à l’overdose car « Resurrections » nous bombarde littéralement la rétine de scènes cultes du premier film.

All hail the Queen!

L’identité de la franchise se précise autour de la romance et c’est plutôt positif. La citation de Virgile « L’amour triomphe de tout » prend à nouveau tout son sens. Beaucoup crieront au scandale quand viendra l’heure de la « passation de pouvoirs » mais il s’agira d’une réaction à chaud qui devrait en principe se dissiper au vu de l’explication tangible sous-entendue.

Effet cathartique garanti

Le principal problème de « Resurrections » tient dans une nouvelle citation de Morpheus : « Nothing comforts anxiety like a little nostalgia » (Traduction : rien de tel que la nostalgie pour calmer l’anxiété). Tout est là. En écoutant cette réplique, on comprend les motivations de Lana Wachowski qui a récemment dû faire face à la disparition de ses parents. Après la perte de ces-derniers, elle a voulu ressusciter deux personnages iconiques. La cinéaste semble également être alimentée par une certaine rancœur envers une société qui en demande toujours plus. Comme dirait l’autre, il faut maximiser le « wow effect ». La Warner comptait-elle vraiment faire « Matrix 4 » avec ou sans les Wachowski ? Ce ne serait pas surprenant !

Lapin blanc, lapin blanc !

La musique de Johnny Klimek et Tom Tykwer ne nous fait pas oublier celle de Don Davis. Elle parvient tout de même à nous remémorer notre première rencontre avec le Lapin Blanc. En parlant du loup, ou plutôt du lapin, la musique White Rabbit du groupe Jefferson Airplane n’est pas seulement utilisée dans la première bande-annonce puisqu’elle a été retenue dans le final cut. Bon point !

La photographie de John Toll et Daniele Massaccesi, honnête, est plus colorée pour cette nouvelle itération de la matrice. Le tout est filmé en digital et plus en Super 35 comme c’était le cas auparavant. Ceci dit, n’est pas Bill Pope qui veut !

Pilule bleue

Gloubi-boulga de bonnes intentions et de maladresses, « The Matrix Resurrections » souffre d’une vraie crise identitaire. Les multiples changements opérés nuisent à la cohérence de l’ensemble (le recasting, l’utilisation outrancière de gerbes de sang, les nouveaux pouvoirs de Néo, l’humour omniprésent, etc). S’il n’avait pas cherché à autant s’auto-référencer, ce quatrième film aurait pu être vu comme un solide stand-alone movie. Seulement voilà, la nostalgie peu subtile employée est une pilule difficilement avalable !

Tout ce qui a un début a une fin

Nonobstant les qualités de cette troisième séquelle, nous sommes une fois de plus en présence d’un énième patch à un programme déjà parfait. 

 

Note :

Critique : Goupil

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