Beetlejuice Beetlejuice
Après une terrible tragédie, la famille Deetz revient à Winter River. Toujours hantée par le souvenir de Beetlejuice, Lydia voit sa vie bouleversée lorsque sa fille Astrid, adolescente rebelle, ouvre accidentellement un portail vers l’Au-delà. Alors que le chaos plane sur les deux mondes, ce n’est qu’une question de temps avant que quelqu’un ne prononce le nom de Beetlejuice trois fois et que ce démon farceur ne revienne semer la pagaille…
Le retour en grande pompe de Beetlejuice (et de Tim Burton)
Après avoir ouvert, il y a
quelques jours, sur le Lido, le plus vieux festival dédié au septième art, la
prestigieuse Mostra de Venise, Beetlejuice
Beetlejuice a eu droit à son avant-première noir-jaune-rouge ce jeudi 5
septembre. Un événement d’ampleur pour lequel le distributeur a mis les petits
plats dans les grands, en convoquant l’aide de partenaires plutôt généreux
: apéro, cocktails en tous genres, sceaux de pop-corn, bouteilles de soda à l’effigie
du antihéros de l’œuvre culte, goodies, le tout en accueillant les spectateurs
dans un cinéma redécoré, pour l’occasion, selon la palette graphique du film.
Histoire d’inviter un maximum de spectateurs, toutes les salles ont été
réquisitionnées pour diffuser le métrage en question. Pourquoi tout ce
tintouin ? Parce que Warner croit dur comme fer en sa nouvelle production,
une comédie horrifique comme on n’en avait plus vu depuis belle lurette. Ne tergiversons
pas, l’accueil critique des plus enjoués du côté de la Cité des Doges
nous avait mis la puce à l’oreille et, en effet, le come-back de Tim Burton sur
le terrain de la poésie macabre s’avère une bénédiction pour tous ses
aficionados.
Arlésienne
Après une litanie de fictions peu
mémorables (Dumbo, Miss Peregrine's Home for Peculiar Children, Big Eyes, Dark
Shadows…), on pensait le génie de l’artiste hirsute définitivement éteint. Et notre
esthète le confirme dans la presse, il s’est fait manger tout cru par l’ogre hollywoodien,
broyé par un système de production qui laisse très peu de place aux auteurs et
de liberté aux rêveurs. Sa créativité bridée et sa marge de manœuvre réduite ont
tôt fait de le ranger dans le moule du béni-oui-oui à la solde de producteurs
omnipotents. Si on retrouve quelques rares sursauts de son indéniable
virtuosité dans ses dernières livraisons, il s’agit davantage de compromis
lâchés selon le bon-vouloir des studios. Mais la Maison de Bugs Bunny peut se montrer
conciliante, surtout lorsqu’on évoque un projet qu’elle souhaite mettre en
boîte depuis le crépuscule des années 80. Arlésienne parmi les Arlésiennes, la
suite de Beetlejuice (1988) a mis du
temps à se concrétiser. Les scénaristes se sont succédé et la sequel s’est in fine embourbée dans le developpment hell, enchaînant les galères
de production.
Burton retrouve son coffre à jouets et son âme d’enfant facétieux
Et puis, l’éclaircie a transpercé
le ciel orageux et les planètes se sont enfin alignées, après trente-six ans
de faux-départs. Les raisons : la mode des majors voulant capitaliser sur des propriétés intellectuelles à
succès, Tim Burton souhaitant redonner un second souffle à sa carrière, Michael
Keaton revenant sur le devant de la scène, sans oublier Winona Ryder qui est
redevenue fréquentable (persona non grata
à l’orée des années 2000 suite à une sombre histoire de kleptomanie) grâce au triomphe
de la série Stranger Things. Après
une campagne marketing plutôt prometteuse, le film débarque enfin dans nos
salles obscures. Et le résultat est plus qu’enthousiasmant pour tous ceux qui
ont été biberonnés par l’univers déjanté du bio-exorciste lubrique. D’une générosité
folle, le métrage ne ménage pas ses efforts pour vous divertir, convoquant tour
à tour l’humour noir, le burlesque, la satire, l’horreur et même une dose de
gore bienvenue. Le tout saupoudré d’un ton léger et bon enfant accompagnant les
délires déjantés et cartoonesques d’un
réalisateur nostalgique qui semble avoir retrouvé ses jouets et, par la même
occasion, son âme d’enfant espiègle.
Une suite assumée
Beetlejuice Beetlejuice enquille les bonnes idées. D’abord, il s’agit
bien d’une véritable suite qui s’assume pleinement, et non d’un reboot, remake, prequel, legacyquel,
spin-off et autres stratagèmes narratifs inventés par des créatifs en panne
d’inspiration. Le film exploite à fond les éléments présentés dans l’oeuvre de 1988 et multiplie intelligemment les easter
eggs et les allusions pour le plus grand bonheur des fans. Dès le début,
vous serez en terrain connu : Tim Burton reprend le plan-séquence aérien
de l’original au rythme de l’entêtant thème du compositeur Danny Elfman, qui
opère derechef un boulot dément sur cette partition musicale. Et s’il agit, par
moments, en miroir du premier épisode, ce second volet parvient à s’en éloigner
pour développer sa propre histoire. On retrouve ainsi Lydia (Ryder) qui voit sa
vie bouleversée lorsque sa fille Astrid (Jenna Ortega), ado rebelle, ouvre par accident
un portail vers l’au-delà. S’en suit un joyeux chaos qui aura pour conséquence
le retour d’un certain démon farceur et libidineux répondant (par trois fois !) au doux nom
de Beetlejuice (Keaton).
Généreux et foutraque
Ce retour six pieds sous terre
permet au cinéaste de s’en donner à cœur joie et de ne pas se prendre au
sérieux. Le roi du freak poussant les potards jusqu’à leurs limites à une
cadence échevelée. Mise en scène inventive, production design dingo mêlant le
kitsch et le creepy, humour de
situation, gags outranciers, créatures démoniaques… Visuellement, l’Américain s’éclate
et cela se voit à l’écran. Le sexagénaire ne succombe pas à la surenchère
numérique (le criard Alice in Wonderland) et habille son histoire d’une
esthétique artisanale et vintage qui lui sied à merveille, avec quelques effets
pratiques d’une réelle pertinence. Après une amorce compliquée en termes de
rythme, le film ne démarrant qu’au deux-tiers, la suite lâche les chevaux et
part dans tous les sens, multipliant les bonnes idées, mais aussi les
sous-intrigues superfétatoires. C’est là où le bât blesse, le métrage a les
défauts de ses qualités. Généreux, il en devient trop gourmand : trop de
personnages, trop d’enjeux, trop d’idées. Certains rôles passent à la
trappe (Monica Bellucci et Willem Dafoe en subissent les frais). On pourrait également
reprocher au récit son dénouement bazardé à la va comme je te pousse. Mais tout
est pardonné, car le film est fun, drôle, bougrement divertissant et à la
hauteur de l’original.
Note : ★★★
Critique : Professeur Grant
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