Godzilla



Godzilla tente de rétablir la paix sur Terre, tandis que les forces de la nature se déchaînent et que l'humanité semble impuissante...





 
Flash-back. Été 1998. Roland Emmerich, intronisé pape du blockbuster grâce à «Independance Day» (la suite sous la forme d'un diptyque prévue pour 2016), lâche la bête dans les salles obscures après une campagne marketing savamment orchestrée depuis près d’un an. Mais sa version américanisée de «Godzilla» déçoit. Une déconfiture. La critique crache dessus et le public le boude. Si l'onéreuse superproduction rentre toutefois dans ses frais, Sony ne veut plus en entendre parler. Point.


Nonobstant la porte ouverte à une suite en fin de métrage, les dirigeants du studio, désappointés, rechignent à produire un second opus, faisant ainsi face aux faibles résultats du box-office. Au revoir donc la trilogie précédemment imaginée. S’il est vrai que cette adaptation souffrait de nombreux défauts, on était bien loin du nanar souvent évoqué dans les conversations. Mauvais, certes, mais regardable. Pourquoi tant de haine? L’Allemand offrait de l’action à gogo, des scènes avec un côté fun assumé, de l’humour, le tout emballé avec un papier cadeau d’effets spéciaux acceptables, du moins il y a 16 ans.



Toujours est-il qu’un projet de reboot a longtemps dormi dans les tiroirs. Jusqu’à ce que l’idée d’offrir un redémarrage au célèbre Kaijū pour célébrer les soixante ans de sa création ne fasse surface. Tout auréolé de son superbe «Monsters», petit film SF indépendant au budget riquiqui sur des créatures extraterrestres, Gareth Edwards, la trentaine bien entamée, fut engagé par la Warner. Un coup de génie! Car il est l’homme de la situation, l’un des seuls à pouvoir dépoussiérer le mythe tout en lui donnant du sang neuf et en n'oubliant pas de rendre un petit hommage à la franchise nippone au passage.



Le trentenaire fait montre d’un formidable doigté dans l’art de la mise en scène. Aux antipodes des geeks animés par des purs plaisirs régressifs tel que Guillermo Del Toro et ses batailles homériques de «Pacific Rim», il a retenu la règle essentielle dictée jadis par Sir Ridley Scott (Alien) et le maître de l'entertainment Steven Spielberg (Jaws): moins t'en dévoiles, plus c'est flippant. Autrement dit: jouer la carte du mystère et non celle de la monstration. Conscient de ce précieux héritage, le metteur en scène rend un hommage appuyé à Spielby en débutant son long-métrage avec un clin d’œil sympa à «Jurassic Park»: l’hélicoptère, les montagnes verdoyantes, les fouilles, des personnages cousins d’Alan Grant et Ellie Sattler etc., le parallèle est flagrant.

Ce dernier évoque le gros lézard - croisement improbable entre un ours et un dragon de Komodo - sans constamment le faire apparaître à l'écran. On sent sa présence, on le devine sans nécessairement le voir. Le metteur en scène s’applique davantage a montré les conséquences de ses agissements. Résultat, le suspense et la tension en sont décuplés. Il y a évidemment une part de frustration due à cette apparition sporadique de l'élément effrayant, mais on préfère nettement plus ce traitement suggestif plutôt que recevoir une débauche d’effets visuels indigestes à la «Transformers» dans la figure. Gareth Edwards offre par ailleurs des séquences sidérantes de beauté comme celle du saut en parachute.

Là où le bat blesse, c’est à propos du scénario, lequel nous laisse circonspects. Les promesses faites durant la promotion - sans fausse note - ne sont pas tenues. Convenu et décousu, le récit pèche par trop de simplisme (fallait-il autant convoquer l'armée dans cette histoire?), de dialogues scientifiques pontifiants, de poncifs bêtifiant comme «la famille, c’est ce qu'il y a de plus important», de personnages trop peu développés. Seul Bryan Cranston (Mister White de la série chef-d’œuvre «Breaking Bad») s’en sort bien. Juliette Binoche joue dans deux scènes, du coup, la seule chose que l’on retient de la Française, c’est que les cheveux courts lui vont bien… Les rôles d’Elizabeth Olsen et Sally Hawkins, apparemment restés à l’état d’ébauche, sont totalement dispensables. Ken Watanabe, très concentré, en devient ridicule à reproduire les mêmes mimiques durant tout le film. Paralysie du faciès? Soit, n’est pas Sam Neill qui veut! Quant à Aaron Taylor-Johnson, il manque cruellement de charisme pour qu’on s’y attache.

Finalement, ce Gojira, tout droit sorti des abysses pour combattre deux tourtereaux préhistoriques à l'allure d'insectes géants (mélange entre le Xénomorphe et les aliens de «Starship Troopers») afin de rétablir l'équilibre menacé de la Terre, n’est pas l’arme de destruction massive que l’on espérait. Reste une superproduction maousse qui assure le spectacle. Si l’on fait fi des lacunes scénaristiques typiques aux divertissements décérébrés ainsi que de l’histoire pas franchement folichonne et que l’on se concentre sur la beauté de la mise en scène, on risque d’y trouver son compte. Notons encore que la confrontation finale vaut sacrément le détour.

Conseillé uniquement aux amateurs du genre. 

Note:
Critique: Professeur Grant

Commentaires

Articles les plus consultés