Pas son Genre




Ne vous y trompez pas, le nouveau film de Lucas Belvaux n’est pas un film d’Amour ; c’est un film sur l’Amour. Cette nuance est importante car le spectateur n'en ressort pas indemne. Attention pépite en approche!



 
Clément, jeune professeur de philosophie parisien est affecté à Arras pour un an. Loin de Paris et ses lumières, Clément ne sait pas comment occuper son temps libre. C'est alors qu'il rencontre Jennifer, jolie coiffeuse, qui devient sa maîtresse. Si la vie de Clément est régie par Kant ou Proust, celle de Jennifer est rythmée par la lecture de romans populaires, de magazines « people » et de soirées karaoké avec ses copines. Cœurs et corps sont libres pour vivre le plus beau des amours mais cela suffira-t-il à renverser les barrières culturelles et sociales?



Alors bien sûr, au vu du pitch, nous pourrions présager un choc culturel entre deux personnes n'évoluant pas dans le même univers. Et c'est précisément là le tour de force du réalisateur. Jamais il n'enferme longtemps ses personnages dans ce cadre. Il désamorce, rend ses personnages extrêmement lucides et nous surprend. Chapeau l'artiste..



« Pas son genre » est adapté du roman éponyme de l’écrivain français Philippe Vilain , publié en 2011 chez Grasset. C’est en écoutant une chronique que Lucas Belvaux a eu l’envie de le transcrire au cinéma. Et ce, pour notre plus grand plaisir.



Nous le disions d’entrée de jeu, « Pas son genre » parle d’Amour, mais pas seulement. C’est également un film sur les attentes que le sentiment amoureux génère. Cette œuvre retranscrit de façon fine les espoirs que l’Amour porte en lui, ses désillusions et ce sentiment de ne pas toujours être compris. 
Non par manque de communication mais parce que l’autre ne possède pas toujours les clés de lecture. C’est un peu comme si les personnages se situaient à différents niveaux de communication. Et chacun décode la relation avec ses bagages propres et sa vision de l’Amour.



Comment ne pas être déçu lorsque nos attentes sont trop fortes? Comment être heureux lorsqu’on attend de l’Amour qu’il se manifeste tel qu’on l’a toujours désiré. Avec nos attentes, notre vision et nos espoirs?



La réalisation est sans faille: elle est actrice à part entière et ira jusqu’à appuyer la psychologie des personnages pour nous tromper, nous manipuler. Ou du moins nous amener à ressentir les tourments des personnages et à prendre parti. A tort ou à raison ? Brillant.
D'ailleurs, le réalisateur avoue que contrairement au roman où l’histoire est racontée à la première personne; le point de vue parlé ne sera plus uniquement celui de Clément (charismatique prof de philosophie et acteur de talent); mais aussi à Jennifer, la fille dont il tombe amoureux. "J’ai choisi de rééquilibrer les points de vue, afin de regarder les deux personnages à la même distance, de les traiter de la même façon parce que, finalement, malgré leurs différences, je suis aussi proche d’elle que de lui", confiera le réalisateur.



Nous le disions, le rôle de Clément est porté par Loïc Corbery (Adoubé Chevalier dans l'Ordre des Arts et Lettres) en état de grâce. C'est simple, quel que soit le moment où l'acteur est épié par la caméra, sa présence et son jeu flattent notre rétine. 
Quant au personnage de Jennifer (à prononcer à l'anglaise, c'est important!), Emilie Dequenne trouve là un rôle qui semble lui correspondre: belle, vraie et spontanée. Elle apparaît tel un soleil pour évoluer vers plus de noirceur. Les deux acteurs jouent de concert sans fausse note dans cette belle symphonie.



La musique, très présente sert l’intrigue et dessine le personnage d’Emilie Dequenne, coiffeuse spontanée, blasée des histoires sans lendemain et des mecs bidons. Où est celui qui l’aimera comme elle le mérite? Ou plutôt comme elle le veut, comme elle le désire ardemment? Jennifer veut aimer passionnément, avec force. 
Clément aime Jennifer à travers toute sa singularité, sa simplicité qui font qu’elle est touchante et tellement vraie.



La force du film est d’interpeller le spectateur en le mettant devant un miroir. Il le questionnera alors sur l’acte d’Aimer. Et il nous renverra devant notre propre façon d’être à deux, en relation. Très vite, le réalisateur ira plus loin et nous élèvera pour contempler ce tableau cinématographique. Nous serons alors les témoins impuissants de la distanciation progressive du couple; gangrené par les attentes d’un « idéal » de l’un et la mauvaise compréhension du climax qui est en train de se jouer pour l’autre.



Brillant!

Et parce que Kant parle de la passion amoureuse mieux que votre serviteur:


"La passion amoureuse ou un haut degré d'ambition ont changé des gens raisonnables en fous qui déraisonnent." - Emmanuel Kant




Note:

Critique: Stanley

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