Gemma Bovery


Martin est un ex-bobo parisien reconverti plus ou moins volontairement en boulanger d'un village normand. De ses ambitions de jeunesse, il lui reste une forte capacité d'imagination, et une passion toujours vive pour la grande littérature, celle de Gustave Flaubert en particulier. On devine son émoi lorsqu'un couple d'Anglais, aux noms étrangement familiers, vient s'installer dans une fermette du voisinage. Non seulement les nouveaux venus s'appellent Gemma et Charles Bovery, mais encore leurs comportements semblent être inspirés par les héros de Flaubert. Pour le créateur qui sommeille en Martin, l'occasion est trop belle de pétrir - outre sa farine quotidienne - le destin de personnages en chair et en os. Mais la jolie Gemma Bovery, elle, n'a pas lu ses classiques, et entend bien vivre sa propre vie...






Si nous avons connu une saison estivale bien terne en matière de grosses sorties attendues, la rentrée et l’automne plus particulièrement s’annoncent du même acabit. Mais l’avantage quand l’offre cinématographique semble dérisoire, c’est que le cinévore se tourne encore plus facilement vers des films qu’il aurait sans doute ignoré en cas d’abondance d’événements avec le prétexte tout trouvé: «Je me le ferai en séance de rattrapage en dévédé».


Notre cas: «Gemma Bovery». Si on connaît bien la qualité de la filmographie de la réalisatrice française Anne Fontaine (Entre ses mains, Coco avant Chanel, Mon Pire Cauchemar), son dernier long-métrage ne nous apparaissait pas comme une évidence à ne manquer sous aucun prétexte. Verdict: mal nous en a pris. Heureusement pour nous, la bande-annonce et l’affiche ont su nous convaincre de franchir le pas de la salle obscure.

Au demeurant, cette comédie détient des arguments non négligeables. Le premier, sans forcer, sa distribution. C’est le tandem des plus insolites formé par la divine Gemma Arterton et l’ineffable Fabrice Luchini qui tient le haut de l’affiche. Lui, c’est Martin, un ex-bobo parisien reconverti en boulanger d’un village normand. De ses ambitions de jeunesse, il lui reste une forte capacité d’imagination et une passion toujours vive pour la grande littérature, celle de Gustave Flaubert en particulier. Elle, c’est Gemma Bovery, sa nouvelle voisine anglaise fraîchement installée avec son mari.



Bovery, Bovery… Pour Martin, leur patronyme résonne étrangement comme celui d’un héros bien connu de la littérature française. Plus bizarre encore, leur comportement semble s’aligner sur l’histoire contée naguère par le romancier français. Il n’en faut pas plus pour éveiller la curiosité chez notre boulanger, spectateur improvisé d’une adaptation en direct du roman de Flaubert. La coïncidence est trop importante, il ne peut s’empêcher de lier connaissance avec ses nouveaux voisins, d’épier leurs faits et gestes et de leur imaginer un destin digne de son écrivain favori passant ainsi de spectateur à metteur en scène. Mais la jolie Gemma, elle, n’a pas lu ses classiques, et entend bien vivre sa propre vie…


Gemma Bovery, c’est en quelque sorte la cousine de Tamara Drewe de l’excellent film homonyme de Stephen Frears. La légèreté, la fraîcheur, la sensualité et la séduction naturelle caractérisent ces deux personnages charnels interprétés avec brio par cette bombe de grâce et de talent qu’est Gemma Arterton. Au delà de la similarité du prénom, elle était l’actrice idoine pour jouer ce fantasme masculin. Totalement irrésistible, celle-ci irradie l’écran et se montre bien armée dans ses face-à-face avec ce mangeur de scènes de Fabrice Luchini, lequel, on le sait, aime tirer la couverture à lui. Cela dit, ce dernier a l’élégance et le discernement de ne pas en faire des caisses, laissant la subtilité s’installer. C’est à cette belle rencontre qu’est convié le spectateur où le répondant et le charme de l’Anglaise entre en contact avec la faconde et la verve du Français.

Délicieuse comédie bucolique se jouant des clichés franco-britanniques, cette adaptation réussie du roman graphique éponyme de Posy Simmonds (déjà l’auteure de Tamara Drewe) laisse poindre de jolis moments de fantaisie et de mélancolie bercés d'un humour discret tablant sur les intrications des parallèles et des mises en abymes. Le suspense découle d’ailleurs de l’interrogation du spectateur qui ignore comment le classique de Flaubert viendra interférer dans la vie des protagonistes. Tenu en haleine nonobstant l’une ou l’autre perte de rythme, le cinéphile regrettera seulement les quelques maladresses du dénouement. Hormis ce pas de clerc, le charme opère dès le début et ne quitte à aucun moment le spectateur. Une belle découverte!

A noter: la très belle partition de Bruno Coulais.

Note:
Critique: Professeur Grant

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