Inside Out


Au Quartier Général, le centre de contrôle situé dans la tête de la petite Riley, 11 ans, cinq Émotions sont au travail. À leur tête, Joie, débordante d’optimisme et de bonne humeur, veille à ce que Riley soit heureuse. Peur se charge de la sécurité,  Colère s’assure que la justice règne, et Dégoût empêche Riley de se faire empoisonner la vie – au sens propre comme au figuré. Quant à Tristesse, elle n’est pas très sûre de son rôle. Les autres non plus, d’ailleurs… Lorsque la famille de Riley emménage dans une grande ville, avec tout ce que cela peut avoir d’effrayant, les Émotions ont fort à faire pour guider la jeune fille durant cette difficile transition. Mais quand Joie et Tristesse se perdent accidentellement dans les recoins les plus éloignés de l’esprit de Riley, emportant avec elles certains souvenirs essentiels, Peur, Colère et Dégoût sont bien obligés de prendre le relais. Joie et Tristesse vont devoir s’aventurer dans des endroits très inhabituels comme la Mémoire à long terme, le Pays de l’Imagination, la Pensée Abstraite, ou la Production des Rêves, pour tenter de retrouver le chemin du Quartier Général afin que Riley puisse passer ce cap et avancer dans la vie…







Pixar n’est jamais aussi bon que lorsqu’il se lance dans des idées originales. Preuve en est encore une fois avec «Inside out» ou «Vice Versa» dans la langue de Molière. Admettons-le sans détour, ce nouveau long métrage est à classer sur la même étagère que les masterpieces «Toy Story», «Monsters Inc.» et «Wall-E». Vous dire le niveau atteint! Une pure merveille d’invention visuelle, un chef-d’œuvre incontestable et instantané qui rompt la malédiction Pixar de ces cinq dernières années.

Après une succession de déconvenues sans inspiration, la firme à la lampe bondissante revient de plus belle avec une inventivité folle retrouvée et une force de frappe qui surclasse d’emblée le tout-venant de l’animation hollywoodienne. Pixar a enfin exhumé sa virtuosité. Une créativité qu’on croyait à tout jamais perdue. C’est que le big boss John Lasseter et ses potes revenaient de loin, de très loin même, eux qui avaient vendu leur âme au diable en acceptant de réaliser des suites alors qu’ils avaient pourtant promis de ne jamais succomber à la facilité.

Rappelez-vous: pour un chef-d’oeuvrissime «Toy Story 3», le cinéphile a dû se taper des «Cars 2», «Brave» et «Monsters University» indignes du label de qualité exigé par toute production Pixar qui se respecte. Conscients du désaveu des fans de la première heure et admettant qu’il fallait absolument retourner aux idées singulières et novatrices, autrement dit reprendre ce qui a toujours fait l’ADN de la maison, les pontes et animateurs du studio se sont alors pris une année sabbatique en 2014 pour revenir en force en 2015. Bref, s’arrêter pour mieux avancer.

Et la formule paye! En effet, cette année, nous n’aurons pas droit à un mais bien à deux longs métrages. C’est Byzance! Ainsi, à Noël sortira dans les salles obscures «The Good Dinosaur», aka «Le Voyage d’Arlo» en version française, une uchronie délirante qui prend pour point de départ le postulat suivant: et si l’astéroïde n'avait pas percuté la Terre? En deux mots, le récit racontera l’histoire d’Arlo, un apatosaure avec un gros cœur qui embarque pour un voyage extraordinaire durant lequel il rencontre un compagnon exceptionnel... un petit garçon! Tout un programme.

Mais avant cela, revenons-en à nos moutons et penchons-nous sur «Inside Out», l’œuvre qui récoltera à coup sûr l’Oscar du meilleur film d’animation en 2016. Pourquoi une telle certitude? Car il n’y a franchement rien à jeter dans cette pépite tant attendue. On y a retrouvé ce petit brin de folie qui faisait défaut aux derniers métrages paraphés Pixar. Rien que l’idée de base des plus futées vaut à elle seule tous les honneurs. En substance, Pete Docter, cinéaste de l’enfance s’il en est avec ses œuvres incontournables comme «Monsters Inc.» et «Up», nous invite à un formidable voyage au centre de la tête. Une incursion hallucinante dans l’esprit de Riley, une petite fille de onze ans. 

Oubliez le cerveau, ici, le réalisateur donne à voir un véritable monde imaginaire, à la fois poétique et burlesque, où cinq émotions guident les pas d’une fillette sur le chemin semé d’embuches de la vie. Ainsi, Joie, Tristesse, Colère, Peur et Dégout forment les personnages principaux de cette incroyable plongée au cœur de la psyché d’un enfant au seuil de la puberté.

Si le scripte est déjà une merveille en soi, que dire de sa transformation en images. Car c’est précisément là que se situe la principale gageure pour l’équipe des scénaristes et designers. Comment représenter la psyché d’un être humain sans que ce soit scientifiquement bidon et sans que cela se montre trop ardu pour les enfants, cible principale de cette fiction. 

Mais comme souvent chez Pixar, c’est de la difficulté que naissent les meilleures idées. En somme, l’équipe a retenu deux principes majeurs: simplification et vulgarisation. Et de fait, tout apparait limpide aux yeux des chérubins et rien n’est choquant pour les adultes. En réalité, Pete Docter a imaginé l’intérieur du cerveau humain comme un grand quartier général guidé par cinq émotions à la personnalité exacerbée. 

Et même la personnification de ces protagonistes est astucieuse: Colère est rouge, très carré et quand il se fâche, ce dernier s’embrase; Dégout est d’un vert repoussant mais en même temps très soignée car tout doit être cool à ses yeux; Peur, d’un mauve frigorifié, est une brindille de stress qui se tortille dans tous les sens; Tristesse, bleue, toute en rondeur, est comme une goutte d’eau, une larme qui coule tandis que Joie, elle, est colorée, c’est l’optimiste hyperkinétique qui voit toujours la vie du bon côté. Remarquable! A noter également l’irréprochable casting vocal dans la version française: respectivement Gilles Lellouche, Mélanie Laurent, Pierre Niney, Marilou Berry et Charlotte Le Bon, tous parfaits. 

Une formidable conception graphique, un coup de crayon de génie, une phrase clef pour chaque personnage dans le prologue et le tour est joué. Le spectateur, aussi jeune soit-il, a directement saisi le rôle de chacun. Ce qui permet à notre cinéaste de gagner en rythme ce qu’il aurait pu perdre comme temps en contextualisation. Mais la maestria ne s’arrête pas là. D’ailleurs, elle se trouve à chaque recoin du métrage. L’inventivité y est constante et la richesse visuelle est tout bonnement impressionnante. 

Deux exemples pour le prouver: nos rêves sont en fait des films mis en scène dans une partie de notre cerveau qui ressemble à s’y méprendre à Hollywood. Génial! Ou encore cette usine à abstraction où deux de nos protagonistes s’y perdent et se voient premièrement transformés en personnages tout droit sortis de l’imaginaire tordu de Picasso, puis réduits en deux dimensions, ce qui permet à Pete Docter de s’éclater comme un fou avec différentes techniques d’animation. Juste brillant!

En outre, la mise en scène est particulièrement soignée. Les allers-retours entre ce que vit au jour le jour le personnage de Riley et les mésaventures cérébrales des cinq émotions s’orchestrent avec une fluidité qui force l’admiration. A aucun moment, nous ne sommes gênés par le concept tant il est cohérent en multipliant les points de vue et les perceptions. Ce qui, dans d’autres mains, auraient pu paraître brouillon est ici animé avec une harmonie parfaitement maîtrisée. Rêves, souvenirs, pensées, sentiments, situations de vie quotidienne…, tout cela s’entremêle dans une merveilleuse symphonie composée par un Pete Docter qui assoie encore un peu plus sa suprématie au sein du studio.

D’une justesse psychologique incroyable, le récit, résolument intelligent, possède en outre cette force de pouvoir expliquer aux enfants comment cette caboche fonctionne. Un scénario redoutablement efficace car on y vulgarise la construction de l’identité sans être soporifique et, finalement, sans se prendre trop au sérieux. C’est suffisamment rare que pour être signalé. 

Bien plus qu’un divertissement allègre, «Inside Out» est donc un véritable objet pédagogique qui permet d’apprivoiser le cerveau humain tout en s’amusant. Les «chères têtes blondes» en apprendront davantage sur eux-mêmes, sur la façon dont ils gèrent leurs émotions et se comportent face à autrui. L’emploi d’un humour désopilant (gags à profusion, scènes décapantes, dialogues tordants) ainsi que d’une délirante fantaisie empêchant par ailleurs le film de se montrer trop rébarbatif.

In fine, «Inside Out» signe le retour en grâce des studios Pixar. Un come-back immanquable à découvrir de toute urgence en famille ou entre amis au cinéma. A signaler: la très belle composition de ce stakhanoviste de Michael Giacchino - encore lui! - qui, après avoir apposé sa signature sur les bandes originales de «Jupiter Ascending», «Tomorrowland» et «Jurassic World», redouble d’ingéniosité pour mettre en musique ce grand huit émotionnel. Chapeau bas!

Note: 
Critique: Professeur Grant

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