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Bilan 2015 - le "Top 10" du Professeur Grant
Bonne
année, meilleurs vœux, excellente santé, blablabla… Trêve de
formalités d’usage et allons droit au but. Coup de projecteur dans
le rétroviseur avec le traditionnel «Top 10» des films qu’il
ne fallait pas louper l’an dernier. On le devine facilement, vous
vous posez cette question cruciale qui va sans aucun doute définir
le reste de votre vie: «Diantre!, mais quelles sont les productions
majeures de 2015 qui trustent les premières places du classement des
meilleurs métrages, enfin?!» Allez, on est sympa, pour vos
étrennes, voici la rétrospective cinématographique du Professeur
Grant. L’occasion ou jamais de vous faire votre petite séance de
rattrapage! Merci qui ?
1.
SAUL FIA
Un
classique instantané. Une référence indiscutable. Dans le septième
art, on appelle ça un tour de force. Pour son premier film, le
réalisateur hongrois László Nemes, tout en ne choisissant pas la
facilité (l’histoire d’un sonderkommando dans l’enfer
labyrinthique d’Auschwitz-Birkenau), réalise ni plus ni moins un
chef-d’œuvre! Avec une mise en scène exigeante, précise et
finalement idoine, le jeune cinéaste de 37 ans parvient à
contourner avec maestria la question du visible et du non montrable
sur grand écran. Ainsi, ce dernier prend le contre-pied de Steven
Spielberg en évitant la dimension spectaculaire d’un «Schindler
List», et choisit plutôt de projeter sans rien montrer. Ce paradoxe
est mis en place par un travail prodigieux sur le montage sonore.
Indiscutablement l’œuvre la plus aboutie de 2015.
2.
BIRDMAN
En
adoptant un point de vue ironique, le réalisateur Alejandro González
Iñárritu propose avec «Birdman» une satire caustique,
féroce et sardonique sur l’industrie cinématographique et
théâtrale américaine mêlant à l’écran réalisme et
fantasmagorie. Ce faisant, on ne pourra pas lui reprocher d’avoir
pris des risques. Là où le Mexicain nous a amenés sur des chemins
attendus lors de son dernier métrage (Biutiful), ici, ce dernier
sort totalement de sa zone de confort. Sa mise en scène est
originale, brillante voire, n’ayons pas peur des grands mots,
stupéfiante. Le quinquagénaire a imaginé son film comme un long
plan-séquence de deux heures - sans la moindre coupure donc. Le
cinéphile appréciera d’ailleurs les nombreuses trouvailles et
autres artifices de réalisation pour fluidifier l’ensemble des
scènes dans un montage cohérent et redoutablement efficace. Du tout
grand cinéma!
3.
INSIDE OUT
Pixar
n’est jamais aussi bon que lorsqu’il se lance dans des idées
originales. Preuve en est encore une fois avec «Inside out» ou
«Vice Versa» dans la langue de Molière. Admettons-le sans détour,
ce nouveau long métrage est à classer sur la même étagère que
«Toy Story». Vous dire le niveau atteint! Concrètement, Pete
Docter, cinéaste de l’enfance s’il en est avec ses œuvres
incontournables comme «Monsters Inc.» et «Up», nous invite à un
formidable voyage au centre de la tête. Une incursion hallucinante
dans l’esprit de Riley, une petite fille de onze ans. Oubliez le
cerveau, ici, le réalisateur donne à voir un véritable monde
imaginaire, à la fois poétique et burlesque, où cinq émotions
guident les pas d’une fillette sur le chemin semé d’embuches de
la vie. Si le scripte est déjà une merveille en soi, que dire de sa
transformation en images. L’inventivité y est constante et la
richesse visuelle est tout bonnement impressionnante.
4.
THE THEORY OF EVERYTHING
Vous
ne le connaissez peut-être pas mais nous, de notre côté, ça fait
un petit temps qu’on le surveille. Car du haut de ses 33 printemps,
Eddie Redmayne possède un potentiel «hénaurme». On l’avait déjà
repéré en assistant-réalisateur dans le très beau «My Week With
Marilyn». Mais cette fois-ci, le jeune Britannique pousse la
performance encore plus loin. Car le jeune homme réussit l’exploit
d’être on ne peut plus juste dans le costume de Stephen Hawking,
brillant astrophysicien atteint de sclérose latérale amyotrophique.
Autrement dit un rôle casse-gueule pour n’importe quel comédien
peu aguerri. Le Londonien n’a pas pris peur et livre une
interprétation impressionnante d’une justesse extraordinaire,
d’une éblouissante pudeur, sans jamais surjouer et en prenant soin
d’éviter l’écueil de la caricature. L’incarnation est à ce
point parfaite qu’on oublie totalement l’acteur qui se cache
derrière le héros. Ce qu’il arrive à produire est tout
simplement prodigieux. Bouleversant.
5.
MAD MAX : FURY ROAD
Plus
fast et nettement plus furious que n’importe quel divertissement
spectaculaire du moment, le nouveau «Mad Max» de George Miller
défonce les autres franchises centrées autour des bolides. Le
messie Vin Diesel et ses apôtres du bitume peuvent définitivement
aller se rhabiller. Le cinéaste les surpasse, repense
l’entertainment, redéfinit le spectaculaire et injecte de la nitro
là où ça manque de punch. Ne cherchez plus, le King de la route,
c’est lui! Son «Fury Road» est résolument contemporain et ne
ressemble pour autant à aucune grosse machine actuelle. Sans trop
s’en rendre compte, le maestro balance un trip visuel halluciné,
survitaminé, sous acide. Il empêche toute comparaison possible.
Avec ses septante balais affichés au compteur kilométrique, le réal
visionnaire, boosté à l’adrénaline, est plus en forme que
jamais. C’est donc avec une joie immense que le cinéphile assiste
à ce qui s’apparente à une véritable cure de jouvence sur le
grand écran.
6.
THE BIG SHORT
Corrosif,
cynique, ambitieux, documenté, provocateur, «The Big Short»
s’affiche comme une sorte de diatribe née de la somme jouissive de
«Margin Call» (pour le réalisme), «The Wolf of Wall Street»
(pour le pamphlet) et «Inside Job» (pour l’enquête). Une œuvre
majeure servie par un casting aux petits oignons duquel dominent deux
performances ahurissantes (Steve Carell doit décrocher l’Oscar,
Christian Bale… aussi!) et qui installe d’emblée le metteur en
scène Adam McKay dans la cour des grands.
7.
SICARIO
Attention,
film coup de poing! Depuis le «Traffic» de Steven Soderbergh, il y
a pile-poil quinze ans, on n’a plus jamais vu un long métrage
aussi maîtrisé sur la thématique des cartels. Avec «Sicario»,
Denis Villeneuve nous plonge dans l’enfer des narcotrafiquants
mexicains. Une immersion sans concession dans les méandres du trafic
de drogue. On se retrouve en apnée, dans une guerre où l’horreur
n’a plus de limite, où la violence monte crescendo jusqu’à un
paroxysme insoutenable. Le spectateur retient son souffle. L’oxygène
vient à lui manquer. La cause? Une mise en scène nerveuse,
implacable, qui fait bouillir l’adrénaline. Avec son sens aiguisé
de la réalisation, le cinéaste fait montre d’une redoutable
efficacité. Il faut voir la séquence d’exfiltration d’un
prisonnier établi dans la cité corrompue de Juarez, l’une des
villes les plus dangereuses du monde. Intense! Une véritable leçon
de mise en scène.
8.
BLACK MASS
D’aucuns
parlent de résurrection. Et ils n’ont pas torts. Tel le phœnix
qui renaît de ses cendres, Johnny Depp tient le haut de l’affiche
dans «Black Mass» avec l’aura magnétique des plus grands.
Enfin débarrassé de ses succédanés de Jack Sparrow (les ersatz
Chapelier fou d’Alice, Tonto de Lone Ranger, Barnabas de Dark
Shadows…), le comédien retrouve enfin un personnage à la
(dé)mesure de son talent. Le regard vif, la calvitie naissante, les
dents jaunies, le look cintré, celui-ci est tout bonnement
méconnaissable et livre un grand numéro d’acting prouvant, s’il
le fallait, que ce dernier est capable du meilleur quand il ne se
repose pas sur ses acquis. Outre une distribution sans accrocs
(Joel Edgerton, Kevin Bacon, Benedict Cumberbatch…), il faut
souligner la texture classique et vintage de ce «Black Mass», servi
par ailleurs par un très bel effort réalisé sur la reconstitution
et l’atmosphère du Boston des seventies. Le metteur en scène
Scott Cooper, aidé d’une équipe technique de chevronnés,
recréent avec minutie les quartiers interlopes peuplés de
personnages tout aussi inquiétants. Pour peu, on s’y croirait!
9.
THE MARTIAN
Au
menu de «The Martian»: humour, disco et pommes de terre. Papy
Ridley (Scott) orchestre ce «space survival» avec une virtuosité
trop longtemps mise en sourdine. C’est que ses dernières
signatures nous avaient laissé une impression mitigée, comme un
arrière-goût amer en bouche: les déconvenues «Cartel» et
«Exodus: Gods and Kings» pour ne pas les nommer. Tel le «Cast
Away» de Robert Zemeckis, «The Martian» ne manque ni de souffle ni
d’efficacité. Si Scott fait fi de toute ambition
philosophique ou métaphysique, au contraire d’Alfonso Cuarón
(Gravity) ou des frangins Nolan (Interstellar), ce dernier aborde
malgré tout des enjeux importants tant sur le plan humain
qu’écologique, ce qui rend cette aventure stellaire passionnante.
Riche, le récit de Drew Goddard (adaptation du best-seller d’Andy
Weir) est, en outre, fortifié par l’aménagement d’un suspense
imparable qui monte crescendo tenant ainsi le spectateur en haleine
nonobstant les deux heures vingt de métrage. Fort!
10.
THE MAN FROM U.N.C.L.E.
Aux
commandes de cette adaptation stylisée d’une série télévisée
des sixties: ce chien fou de Guy Ritchie à qui l’on doit surtout
le cultissime «Lock, Stock and Two Smoking Barrels». Un dingo de la
péloche qui aime redéfinir son art au gré de ses superproductions.
Sans trahir le substrat historique de son scénario, (en pleine
Guerre froide, un espion américain endimanché de la CIA doit faire
équipe avec son homologue russe du KGB, plutôt brute de décoffrage
et sourcilleux) le metteur en scène tente le compromis audacieux
entre une réalisation rythmée et enlevée plutôt d’ordre
contemporain et l’usage de quelques lenteurs propres aux
productions d’antan afin de laisser s’exprimer une atmosphère
sixties rendue palpable grâce au soin tout particulier accordé aux
détails vintage: on pense aux décors, costumes, accessoires,
voitures etc. Ici, la forme prend le pas sur le fond sans toutefois
ternir le plaisir de suivre cette histoire, certes en manque de
suspense, certes déjà vue dans une palanquée d’autres buddy
movies, mais rehaussée par l’une ou l’autre séquence
incontournable. Car, il faut reconnaître à Guy Ritchie de savoir
manier l’humour pince-sans-rire et l’action débridée avec un
dosage très précis du timing pour en faire un pur cocktail de fun.
Professeur
Grant
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