Get Out
Couple mixte, Chris et sa petite amie Rose filent le parfait amour. Le moment est donc venu de rencontrer la belle famille, Missy et Dean lors d’un week-end sur leur domaine dans le nord de l’État. Chris commence par penser que l’atmosphère tendue est liée à leur différence de couleur de peau, mais très vite une série d’incidents de plus en plus inquiétants lui permet de découvrir l’inimaginable.
Un
petit film qui a tout d’un grand
Jordan Peele. Retenez
bien son patronyme. Inconnu au bataillon sur le Vieux Continent, le New-Yorkais
a pourtant réussi à se faire un nom outre-Atlantique, et plus particulièrement sur
la scène humoristique avec le duo Key & Peele (vu par ailleurs dans la
première saison de la génialissime série « Fargo »). Acteur, comique,
producteur, scénariste, ce touche-à-tout ajoute une nouvelle corde à son arc en
passant derrière la caméra. Et pour son premier film en tant qu’auteur-réalisateur,
ce dernier vient tout juste de livrer ce qui s’apparente à une véritable petite bombe cinématographique
de derrière les fagots. Sous des dehors modestes, il signe avec « Get
Out » un petit thriller politico-horrifique qui a vraiment tout d’un
grand. Ni plus, ni moins. Et ça, sans avoir l’air d’y toucher !
Black
Mirror
Son long-métrage se situe
bien au-delà de la mêlée. Là où les traditionnelles séries b d’épouvante, lâchées
à la pelle dans nos salles obscures, se singent les unes les autres et ne font finalement
que recycler une formule éculée voire obsolète, Peele se permet de transcender
le genre par une allégorie puissamment surprenante sur le fait d’être noir
aujourd’hui chez l’Oncle Sam. Son scénario, habilement ficelé, aborde la
question raciale en brocardant le racisme ordinaire sous l’angle de la satire
retorse. Le récit est maitrisé du prologue, particulièrement efficace, à l’épilogue,
plutôt bien vu, lequel se joue de nos attentes de spectateur. Il réussit un
subtil mélange entre le classique « Guess Who’s Coming to Dinner » de
Stanley Kramer avec Sidney Poitier et un épisode paranoïaque de
l’extraordinaire anthologie « Black Mirror » de Charlie Brooker.
Casting
aux petits oignons
Une série dans laquelle
on retrouvait déjà le talentueux Daniel Kaluuya (l’immanquable « 15
Million Merits »). L’Anglais joue ici le rôle de Chris, petit ami de Rose
(excellente Allison Williams) qui se voit invité chez les parents de celle-ci (Bradley
Withford et Catherine Keener, parfaits). « Ne va pas chez les darons
de ta petite-amie blanche », prévient alors son meilleur pote en guise de
semi-boutade. Mais celui-ci souhaite faire bonne figure. Le premier contact est
chaleureux et tout laisse à penser qu’il se trouve dans une famille bourgeoise
tout ce qu’il y a de plus traditionnelle. « J’aurais bien voté une
troisième fois pour Obama », (r)assure même le paternel. Sauf que, bien
vite, des comportements suspects viennent semer le trouble. Surtout ceux venant
des domestiques de la maison (formidables Betty Gabriel et Marcus
Henderson). Deux black, comme lui, qui semblent cacher un mystérieux secret.
L’équation
parfaite
Et le jeu pervers peut
commencer. Avec son histoire tordue sur fond d’hypnose où la pression monte
crescendo, Jordan Peele fait montre non seulement d’un terrible sens de la
narration (et du rythme) mais également d’une maîtrise formelle épatante. Deux
qualités qui se remarquent d’emblée lors de la scène d’ouverture où un jeune
homme se promène dans une allée d’un quartier chic tout ce qu’il y a de plus
rassurant. Sauf quand on est black et que le milieu nous semble étranger. Et
très vite, l’environnement parait bizarre voire hostile. Le réalisateur nous
invite à vivre un cauchemar infernal sous haute tension. Ce dernier réussit
l’équation parfaite entre le divertissement (suspens implacable) et la
réflexion (thématique ethnique). Hyper efficace.
Peur
blanche, humour noir
L’auteur se permet même
quelques sursauts sarcastiques, ce qui rend ce récit imprévisible encore plus
malsain et déroutant, entre peur blanche et humour noir. Bref, il a encore fait
bonne fortune ce bon vieux Jason Blum, producteur attentif et avisé, alias
« Monsieur 5 millions de dollars », dû au fait que ses métrages ne
dépassent pas ce budget riquiqui afin de limiter les risques financiers en cas
de déconfiture et d’apprécier les juteux retours sur investissement lorsque
l’œuvre fait florès comme ici. Aussi inventif dans sa maîtrise narrative que
rigoureux dans sa mise en scène chirurgicale, Peele dirige son film de main de
maître. Malin, acide, grinçant, anxiogène, ironique et même burlesque par
moments, « Get Out » est une réussite imparable qui, s’il ne
renouvelle pas le genre, lui rend en tout cas ses lettres de noblesse.
Note : ★★★★
Critique :
Professeur Grant
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