Le Sens de la Fête



Max est traiteur depuis trente ans. Des fêtes il en a organisé des centaines, il est même un peu au bout du parcours. Aujourd'hui c'est un sublime mariage dans un château du 17e siècle, un de plus, celui de Pierre et Héléna. Comme d'habitude, Max a tout coordonné : il a recruté sa brigade de serveurs, de cuisiniers, de plongeurs, il a conseillé un photographe, réservé l'orchestre, arrangé la décoration florale, bref tous les ingrédients sont réunis pour que cette fête soit réussie... Mais la loi des séries va venir bouleverser un planning sur le fil où chaque moment de bonheur et d'émotion risque de se transformer en désastre ou en chaos. Des préparatifs jusqu'à l'aube, nous allons vivre les coulisses de cette soirée à travers le regard de ceux qui travaillent et qui devront compter sur leur unique qualité commune : Le sens de la fête.







A ma gauche, Eric Toledano. A ma droite, Olivier Nakache. Les deux côtés d’une même pièce. Avec « Le Sens de la Fête », le tandem corrobore notre intuition née en 2006, au début de leur carrière : et si ce duo uni par l’humour formait ce qui était arrivé de mieux à la farce populaire ces dix dernières années ? Oui. Indubitablement. Sans le vouloir, il redonne ses lettres de noblesse à la comédie française, genre on ne peut plus galvaudé. En seulement quatre longs-métrages (Nos jours heureux, Tellement proches, Intouchables et Samba), la paire est parvenue à redorer le blason d’une institution cinématographique tombée en désuétude.

Ne nous voilons pas la face, sur une année, on ne dénombre plus la quantité phénoménale de calamités censées être désopilantes, mais qui s’avèrent en réalité plutôt affligeantes. En cause ? Une pléiade de pseudo-auteurs-réalisateurs se croit drôle avec des comédies-poubelles qui ne se reposent que sur un simple pitch, délaissant totalement l’étape du scénario. Alors, quand la dream team Toledano & Nakache annonce l’arrivée prochaine de leur nouvelle fiction, on se dit qu’on aura au moins droit à une sortie cinéma qui mettra nos zygomatiques à rude épreuve.

Dès le prologue - un rendez-vous d’organisation de mariage entre de jeunes tourtereaux et un wedding planner -, on épingle d’emblée toutes les qualités propres au tandem. Le sens de la repartie, la direction d’acteurs irréprochable, la mise en scène étudiée, la force de la saillie qui percute, la précision du montage, le travail du rythme… En une scène, les réalisateurs parviennent à définir les contours du protagoniste, un maître de cérémonie dépassé par les événements, interprété par le délectable Jean-Pierre Bacri, lequel obtient là un personnage sur-mesure. Taillé pour le rôle comme tous les autres comédiens pour leur avatar respectif.

Car c’est là l’autre qualité du duo : un sens du casting et un amour inconditionnel pour les hommes et les femmes qui parsèment leur récit, qu’ils soient en première ligne ou secondaires. Tous génialissimes car chacun a quelque chose à défendre devant la caméra. Des protagonistes épais dotés d’une réelle psychologie (des enjeux, des envies, des frustrations). Par ailleurs, chacun aura droit à son petit moment de gloire. Une direction d’acteurs hors pair qui s’appuie sur des talents de haut vol : Jean-Paul Rouve, Gilles Lellouche, Vincent Macaigne, William Lebghil, Hélène Vincent, Sam Karmann, Alban Ivanov… Mention spéciale à Eye Haidara et son langage fleuri ainsi qu’au marié qui pète plus haut que son cul, incarné par un inoubliable Benjamin Lavernhe.

En outre, les metteurs en scène parviennent à éviter tous les pièges qui leur pendaient au nez. Alors que le film de mariage est un genre éculé, par ailleurs bien pourri par Hollywood et ses nombreuses niaiseries – sans parler des téléfilms à la mords-moi le nœud sévissant sur Rtl-Tvi les après-midi, les deux cinéastes ont la bonne idée de retourner le concept en changeant le point de vue. Il n’y est dès lors plus question de suivre les multiples péripéties des mariés, témoins, amants ou invités, mais plutôt de mettre le focus sur les coulisses de la cérémonie et l’organisation folle qu’un événement comme celui-là impose. Ceci permet à Toledano et Nakache d’utiliser les codes du film choral pour évoquer la société d’aujourd’hui, toujours avec cette humanité et cette bienveillance chevillées à la caméra.

En substance, « Le Sens de la Fête » s’apparente à une bulle de fraîcheur dans le paysage cinématographique actuel, un petit bonbon labellisé 100% feel-good qui vous fera passer un excellent moment de détente. Ne vous en privez surtout pas !


Note : 
Critique : Professeur Grant

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