Le Jeune Ahmed
En Belgique, aujourd’hui, le destin du Jeune Ahmed, 13 ans, pris entre les idéaux de pureté de son imam et les appels de la vie.
Vers
une troisième Palme d’or ?
Jarmusch, Tarantino,
Malick, Almodóvar, Loach, Joon-ho, Kechiche, Dolan, Desplechin, Sciamma, c’est
sûr, cette année, il y a du lourd en compétition à Cannes. Parmi ces noms du
septième art, les frères Dardenne viendront pour la huitième fois au festival
afin de défendre « Le jeune Ahmed » et espérer décrocher une
troisième Palme d’or, ce qui serait une première sur la Croisette. Ce nouveau
long-métrage, qui sortira le 22 mai prochain chez nous, conte l’histoire d’un
adolescent qui tombe sous l’emprise d’un imam fondamentaliste prêchant un
islamisme radical. En s’attaquant à ce sujet sensible, brûlant, épineux voire
même casse-gueule, les réalisateurs prennent un risque et sortent de leur zone
de confort. Et ce n’est pas plus mal !
La
force de frappe des Dardenne
Comme à l’accoutumée chez
les frangins, la caméra ne quitte pas le héros d’une semelle. On se souvient de
ce procédé dans « Rosetta », le duo ayant par la suite poussé cette
mise en scène à son paroxysme dans « Le Fils ». En une seule
séquence, la paire nous expose une situation où tout est dit : Ahmed, 13
ans, quitte précipitamment sa classe de devoir sans serrer la main de sa
professeure progressiste et bienveillante. Pourquoi ? Parce que c’est une
femme. Enjeux du récit, caractérisation des personnages, environnement
socio-économique…, en une scène, le spectateur a toutes les clefs en main pour
suivre le parcours du protagoniste. C’est ça la force de frappe de la
réalisation « dardennienne ». Tout est montré subtilement sans
expliquer lourdement les situations.
Sans
emphase cinématographique ni dramaturgie surécrite
Ce qui intéresse les
Liégeois, ce n’est donc pas le processus qui mène à la radicalisation, vu que
le protagoniste l’est déjà, mais bien la manière dont ce jeune musulman fanatique
va évoluer dans cet appel au djihad. On sera donc au plus près de lui, dans son
obstination, dans l’obscurantisme, dans ses relations compliquées avec ses
proches. Comme avec sa sœur à qui il lui reproche de s’habiller « comme
une pute » ou sa mère alcoolique qui lui fait honte. En moins d’une heure
trente et au moyen d’une esthétique documentaire, les Dardenne exposent sans
emphase cinématographique ni dramaturgie surécrite ce qui se passe dans
certains quartiers de notre royaume où les pouvoirs locaux n’ont plus aucune
emprise.
Film
politique
C’est la première fois
que le duo joue la carte politique dans sa filmographie. Pour autant, on est
bien dans son cinéma. « Le jeune Ahmed » s’inscrit dans la continuité
des autres drames sociaux et humanistes dépouillés que les metteurs en scène
ont réalisés. Certes, le film manque de souffle dans son dernier tiers, la
faute à un scénario qui ne va pas au bout de son sujet et notamment une fin qui
laisse trop facilement les personnages en suspens. Le générique intervient bien
trop tôt et la question de la déradicalisation nécessite peut-être plus
d’engagement. Les Dardenne ne se mouillant pas trop. Reste une photographie
sincère et documentée sur un sujet d’actualité encore peu traité dans le
septième art. Enfin, et comme d’habitude dans leur cinéma, on garde en mémoire
la qualité du casting.
Une troisième Palme
d’or ? Verdict le 25 mai prochain.
Note : ★★★
Critique : Professeur Grant
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