The Invisible Man
Cecilia Kass est en couple avec un brillant et riche scientifique. Ne supportant plus son comportement violent et tyrannique, elle prend la fuite une nuit et se réfugie auprès de sa sœur, leur ami d'enfance et sa fille adolescente.
Mais quand l'homme se suicide en laissant à Cecilia une part importante de son immense fortune, celle-ci commence à se demander s'il est réellement mort. Tandis qu'une série de coïncidences inquiétantes menace la vie des êtres qu'elle aime, Cecilia cherche désespérément à prouver qu'elle est traquée par un homme que nul ne peut voir. Peu à peu, elle a le sentiment que sa raison vacille…
I. Dark
Universe
Vingt ans après la sortie
du mal-aimé et sous-estimé « Hollow Man » de Paul Verhoeven, voilà
que l’homme invisible signe son come-back. Un retour semé d’embûches. Tout
commence par un énième faux départ. Rétroactes. Juin 2017. « The
Mummy » avec Tom Cruise est un authentique four, tant au box-office
domestique qu’au niveau international. Un piteux reboot qui était déjà la deuxième tentative du studio Universal de
lancer un « Dark Universe », voulant singer par-là la réussite de
Disney avec le « Marvel Cinematic Universe ».
II. Universal
Monsters
En effet, le tout aussi
médiocre « Dracola Untold », sorti en octobre 2014, s’était déjà
cassé les dents, essuyant des critiques cinglantes lancées de concert par la
presse et le public. La family reunion
des monstres Universal façon « Avengers » n’aura pas lieu. Dracula,
Frankenstein et sa fiancée, le loup-garou, la créature du lac noir… et l’homme
invisible (Johnny Depp était même déjà casté !) ne se côtoieront donc pas
dans un monde interrelié. L’idée est définitivement abandonnée. Rassurés, les
cinéphiles dorment depuis sur leurs deux oreilles.
III. Un
film loin d’être transparent
Définitivement ?
C’est bien mal connaître la machine hollywoodienne. Non contente d’avoir
enterré deux figures sacrées du septième art, la major s’acoquine avec Blumhouse,
la société de production de Jason Blum, spécialiste dans l’effroi et réputé
pour ses cartons commerciaux confectionnés à moindre coût (Paranormal Activity).
Objectif: faire renaître le héros imaginé jadis par H.G. Wells. Une bonne
idée ? Sur papier, non. Sur l’écran, oui. « The Invisible Man » est
loin d’être un film transparent. C’est même une belle surprise.
IV. Renverser
le point de vue
L’une des principales
forces de cette nouvelle adaptation : son récit. Plutôt que de suivre
l’homme invisible, le réalisateur et scénariste Leigh Whannell (Upgrade) bascule
la caméra pour adopter le point de vue de la victime. C’est ainsi que nous nous
intéressons à une femme qui réussit à échapper à son mari violent en pleine
nuit. Cette dernière va ensuite découvrir que son compagnon manipulateur et tortionnaire
s’est tué. Si elle y croit dans un premier temps, celle-ci va émettre quelques
doutes lorsque de mystérieux phénomènes commencent à se produire.
V. Allégorie
En jouant sur la
métaphore des luttes féministes contre les violences conjugales et, plus globalement,
contre le patriarcat à l’heure post-MeToo, « The Invisible Man »
parvient à capter quelque chose de l’air du temps qui en fait bien plus qu’un
énième thriller d’épouvante lambda. Si l’on peut regretter des réactions peu
crédibles de certains personnages ainsi qu’un troisième acte inutilement étiré
(le film aurait gagné en efficacité avec un petit quart d’heure en moins), pour
le reste, le scénario se montre plutôt rusé (l’idée derrière l’invisibilité…
bien vu !).
VI. Mise
en scène habile
Tout comme la mise en
scène joue habilement avec le suspense (l’introduction). Préférant la subtilité
aux effets de manche, le silence aux sursauts sonores, l’inquiétante
tranquillité aux jumpscares factices,
la lente progression au sur-découpage tape-à-l’œil, Whannell fait montre d’un indéniable
talent dans l’art de la mise en scène. Une réalisation étudiée qui parvient à
installer le malaise et la tension avec des artifices basiques mais diablement
efficaces : scènes étirées, temps dilaté, décors (a priori) vides, plans
regard mystérieusement autre etc.
VII. Une
scène d’anthologie
La maestria du cinéaste s’affiche
dans plusieurs séquences marquantes, comme celle de la cuisine. Une scène d’anthologie !
Par ailleurs, ce dernier évite soigneusement de tomber dans tous les pièges se
présentant à lui (accumulation de scènes d’action, débauche d’effets
spéciaux, calque des autres adaptations) et confère à sa réalisation une
singularité et à son film une vraie personnalité. C’est que l’auteur a bien
quelque chose à nous raconter (les relations toxiques dans un couple) et ne se
repose pas simplement sur une histoire « prétexte » artificielle.
VIII. Elisabeth
Moss, actrice majeure
Pour donner du corps à
cette femme meurtrie et prise au piège d’un pervers narcissique, le metteur en
scène a jeté son dévolu sur Elisabeth Moss. Un choix des plus judicieux. Star
de la petite lucarne avec des rôles difficiles dans des séries majeures (Mad
Men, The Handmaid’s Tale, Top of the Lake), l’actrice n’a aucun mal à nous
faire croire à ce récit fantastique. Armée d’un solide talent, la Britannico-Américaine
livre une performance fiévreuse et donne de l’authenticité à un personnage plutôt
casse-gueule. Un jeu habité et tout en nuances.
IX. Bien
plus qu’une vulgaire série B horrifique
Récit malin, intrigue
palpitante, rythme soutenu, atmosphère oppressante, interprétation brillante,
mise en scène élégante et, surtout, terriblement efficace dans sa gestion du
suspense, cette nouvelle variation de l’homme invisible s’affiche comme une
véritable réussite et mérite bien mieux que son statut de série B horrifique
vendu par une bande-annonce mal torchée. In fine, Leigh Whannel parvient non
seulement à jeter un regard neuf sur l’un des monstres classiques d’Universal
mais aussi à nous tenir en haleine jusqu’au dénouement.
Note : ★★★
Critique : Professeur Grant
Commentaires
Enregistrer un commentaire