Everything Everywhere All at Once

 


Evelyn (Michelle Yeoh) et son mari Waymond (Ke Huy Quan) ont une blanchisserie sur le déclin, une fille rebelle et une facture d'impôts qui semble interminable. Et c'est précisément au moment où tout devient trop difficile que l'univers se déchire en une multitude d'univers distincts. Evelyn n'est alors plus seulement propriétaire d'une laverie automatique, mais aussi star de cinéma internationale, maître de kung-fu, cheffe cuisinière ou peut-être l'héroïne dont tout le monde avait besoin depuis le début. 


 

 

Fort d’un scénario original et sophistiqué ainsi que d’un relativement petit budget (vingt-cinq millions de $, soit une broutille) « Everything Everywhere All at Once » de Dan Kwan et Daniel Scheinert (le tandem derrière « Swiss Army Man ») s’avère être un bijou de derrière les fagots qui relègue les dernières sorties SF (« The Matrix Resurrections » en tête, suivi de près par les derniers films du Marvel Cinematic Universe) au rang de films insipides.

Dramédie absurde mais ô combien visionnaire, « Everything Everywhere All at Once » vous fera pleurer, rire et réfléchir.

Les riches performances mêlées aux brillantes idées font de ce film indé l’une des réalisations les plus créatives de ces dernières années. On dénombre seulement cinq cents effets spéciaux (ce qui est peu dans le domaine) et une multitude d’effets pratiques. Les chorégraphies sont quant à elles très soignées grâce à la présence du trop rare Ke Huy Quan (Demi-Lune dans « Indiana Jones ») qui excelle ici dans le rôle du mari bienveillant et pacifiste sur les bords. Michelle Yeoh (« Crouching Tiger, Hidden Dragon ») tiendrait-elle avec Evelyn Wang le rôle de sa carrière ? On espère que son incroyable prestation lui permettra de mettre la main sur un Oscar. Stephanie Hsu s’en sort admirablement bien dans le rôle franchement complexe de la fille d’Evelyn.

Jamie Lee Curtis - qu’on ne présente désormais plus - se retrouve dans un rôle complètement hallucinant (qui a dit frappadingue ?). On préfère ne pas trop en dire. À noter la présence du compositeur Randy Newman qui prête sa voix à un raton laveur qui n’est pas sans rappeler le rat de Ratatouille !!!

Bien que le nihilisme et l’existentialisme se retrouvent en toile de fond, ce sont véritablement les relations (sociales et familiales) qui sont au cœur de ce récit. La relation d’un couple au bord de la séparation et l’amour d’une mère pour sa fille sont entremêlés dans les différents univers.

Une pluie de références sont présentes. On pense bien sûr à « 2001: A Space Oddyssey » pour la scène avec les primates, « In the Mood for Love » pour les plans rapprochés du couple ou encore « Paprika » lors de l’avant-première au cinéma.

Autre bon point : le titre du film n’est pas racoleur (« Tout, partout, en même temps » en VF). En le regardant, on ne sait plus trop où donner de la tête tant la mise en scène créative donne droit à des plans fourmillant de détails. Bien que les deux cinéastes ne s'encombrent d'aucune explication superfétatoire, le final est plutôt évident. En outre, les sauts d’un univers à un autre sont brillants et rendent hommage au cinéma de Buster Keaton. Les « Daniels » connaissent leurs classiques ! Savamment chaotique, « Everything Everywhere All at Once » vous poussera vers une surcharge sensorielle étrangement plaisante !

Note :

Critique : Goupil


Autre critique, autre point de vue - Everything, Everywhere, All at Once vu par le Professeur Grant :

I. Multiverse of Madness

Oubliez, si ce n’est déjà fait, le deuxième volet de la marvelerie « Doctor Strange ». Le véritable multiverse of madness, c’est lui : « Everything, Everywhere, All at Once », estampillé A24, label qualité s’il en est. Retenez bien ce titre, car cette bobine mérite amplement votre attention, et même le déplacement chez votre exploitant de salles préféré. Alors, ce n’est peut-être pas le meilleur film de l’année, certes, mais c’est sans conteste le plus déluré, le plus inventif, le plus chaotique, le plus WTF aussi. Difficile de conter l’histoire sans trahir le matériau. Même le synopsis officiel est à mille lieues de rendre compte, ne serait-ce qu’un chouïa, de la folie visuelle et scénaristique qu’offre cette œuvre pachydermique. A l’heure où la Mecque du cinéma croule sous les « scénarii » (imaginez-vous des plus gros guillemets que ceux-là) de remake, reboot, soft-reboot, sequel, prequel, spin-off et autres « originalités » (bis repetita) de ce genre, le nouveau métrage des Daniels (Kwan & Scheinert), produit par les Russo (Anthony & Joe), arrive sans crier gare, apportant avec lui un vent de fraîcheur bienvenu dans les salles obscures. Une brise que le cinéphile en manque de pelloches créatives n’osait même plus espérer.

II. Hell Yeoh !

Irrésistible et magnétique, Michelle Yeoh trouve le rôle de sa vie dans la peau d’une mère de famille sino-américaine en délicatesse avec sa fille lesbienne, son mari délaissé, son père rigoriste, et même avec le fisc qui lui cherche des poux. Parachutée du jour au lendemain dans le multivers, celle-ci explore toutes les vies qu’elle aurait pu mener. Face à de mystérieuses forces obscures, elle seule peut sauver le monde, mais aussi préserver la chose la plus précieuse : sa famille. Et c’est parti pour deux heures vingt de drame familial, de délire de science-fiction, de comédie potache, d’actionner made in Hong-Kong et d’envolées pseudo-métaphysiques aux accents philosophiques. A l’arrivée, une fiction méta emprunte de cinéphilie, à la fois dense et fouillis. Mené tambour battant, le long-métrage mange à tous les râteliers, fourmille de trouvailles et grouille de détails. Il y a une idée formelle ou narrative toutes les cinq minutes. Quant aux hommages et clins d’œil, il en pleut : cela va de Stanley Kubrick à Wong Kar-Wai en passant par les Wachowski. Sans oublier un petit crochet du côté de l’animation avec Pixar.

III. OTT

Dans cet OFNI (objet filmique non identifié), tous les curseurs sont poussés au maximum, atteignant souvent des degrés paroxysmiques. Que ce soit dans l’action, l’humour, l’émotion, et même sur le plan technique. La mise en scène virevoltante, le montage savant, les effets spéciaux ébouriffants. Tout est OTT. Lisez : over the top ! Mais contrairement à de nombreuses superproductions où les effets de manche parasitent l’essence du récit, ici, cette débauche esthétique vient surtout nourrir le fond : problèmes de communication, clash culturel, fossé générationnel, relation mère-fille compliquée, couple dans le creux de la vague… Avec un budget serré de 25 millions de dollars, le tandem de réalisateurs venus du clip vidéo a dû faire preuve de débrouillardise et surtout de créativité. Et vous savez quoi ? Cette inventivité se voit à l’écran. Mieux, on a l’impression que le film s’est doté d’un chèque trois fois supérieur. Pareil pour le jeu des acteurs, sur le fil du rasoir entre la caricature grotesque et le réalisme indé. Il faut le voir pour le croire. Voir comment l’intime, la bouffonnerie et le spectaculaire se marient de manière improbable et ce, avec une efficacité qui laisse coi.

IV. Plug anal et godemiché

Mais « Everything, Everywhere, All at Once » possède également les défauts de ses qualités. Généreux, le film pèche par sa longueur excessive et injustifiée, étirant une bonne idée jusqu’à la vider de toute substance. Ingénieux dans ses transitions, le récit use et abuse des ruptures de ton. Dotés d’un vrai sens de la comédie, la paire Daniels n’évite pas pour autant les fautes de goût. Semble-t-il fasciné par tout ce qui peut s’immiscer ou s’extraire d’un rectum (souvenez-vous du cadavre flatulent de Daniel « Harry Potter » Radcliffe dans leur premier essai « Swiss Army Man »), le duo vous invite cette fois à découvrir comment des personnages s’illustrent dans des séquences de kung-fu pour être le premier à s’introduire un plug anal afin d’accéder à des pouvoirs. Hallucinant ! Quant au nunchaku, l’arme est revisitée en godemiché. Et mieux vaut ne pas être sensible au bien-être animal, car, ici, il ne fait pas bon être un représentant de la gent canine. Complètement frappadingue, on vous dit ! Servi par un casting quatre étoiles (Jamie Lee Curtis, Ke Huy Quan et Stephanie Hsu s’en donnent à cœur joie), « Tout, partout, tout à la fois » s’avère être la claque – inespérée - de cette saison estivale. N’en déplaise à Brad Pitt et son « Bullet Train ».

Note : 
Critique : Professeur Grant

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