The Fabelmans

 


Passionné de cinéma, Sammy Fabelman passe son temps à filmer sa famille. S’il est encouragé dans cette voie par sa mère Mitzi, dotée d’un tempérament artistique, son père Burt, scientifique accompli, considère que sa passion est surtout un passe-temps. Au fil des années, Sammy, à force de pointer sa caméra sur ses parents et ses sœurs, est devenu le documentariste de l’histoire familiale ! Il réalise même de petits films amateurs de plus en plus sophistiqués, interprétés par ses amis et ses sœurs. Mais lorsque ses parents décident de déménager dans l’ouest du pays, il découvre une réalité bouleversante sur sa mère qui bouscule ses rapports avec elle et fait basculer son avenir et celui de ses proches. 


 

Lumière...

Dans son trente-quatrième film, Steven Spielberg nous invite à découvrir les coulisses du septième art et, par la même occasion, d’une partie de son enfance. Sans aucun doute le projet le plus personnel du cinéaste, « The Fabelmans » repose sur une idée simple mais extrêmement efficace.

Il est difficile de se dire que Spielberg a véritablement septante-six ans, tant le réalisateur semble avoir conservé son âme d’enfant. Réalisée d’une main de maître, cette ode à la rêverie prouve que le papa de E.T. possède un don pour filmer les personnes. Poussé par une certaine nostalgie, Spielby signe le portrait d’une famille dysfonctionnelle cherchant à tout prix à rester unie.

 

Moteur...

Drame social à la limite du feel-good movie, « The Fabelmans » jouit de la bande son discrète et intimiste d’un certain John Williams. Le scénariste Tony Kushner, ami de longue date de Spielberg, est aussi de la partie. C’est même lui qui aurait poussé Steven à réaliser ce film. On retrouve aussi son fidèle et talentueux directeur de la photographie : Janusz Kaminski.

Il fallait bien toute la finesse du jeu de Michelle Williams pour interpréter la mère de Sammy, le héros de cette histoire. L’actrice originaire du Montana s’envole vers des sommets artistiques rarement atteints !

Gabriel LaBelle (Sammy) est impressionnant de justesse. Il nous tarde de découvrir ses futurs projets. Véritable caméléon, Paul Dano excelle dans ce rôle tout en retenue qui est à mille lieues du personnage qu’il interprétait dernièrement (L’Homme-Mystère dans « The Batman »). Seth Rogen se voit attribuer un rôle bien plus nuancé qu’il n’y paraît. Soulignons l’apparition de Judd Hirsch qui est très convaincante ! Le caméo d’un autre grand réalisateur dont nous tairons le nom est plutôt bien vu !

 

Action !

Spielberg a le cinéma dans le sang et cela se voit. Il manipule une caméra comme vous et moi manions une fourchette. L’homme offre des raccords et autres effets de transition du plus bel effet. Sans tomber dans une recherche d’un esthétisme gratuit, le cinéaste offre de sublimes plans et s’amuse aussi à rendre hommage aux monstres sacrés du grand écran.

Plus qu’une simple histoire de passage à l’âge adulte, « The Fabelmans » questionne sur le rôle du montage dans la représentation de la vérité. Que faut-il garder dans le final cut ? Que convient-il de couper ? Le passage où l'alter ego de Spielberg confronte sa mère sur les agissements de cette dernière est habilement amené et mis en scène. Cette scène reflète la façon dont le jeune Sam cherche à maîtriser le chaos de sa vie sur laquelle plane l’ombre d’une séparation.

 

The greatest director who ever lived

Loin de toute emphase ou de maladresse de sa part, Steven Spielberg signe avec maestria une émouvante presque autobiographie soutenue par des performances immaculées. Le maître de l’entertainment a encore frappé !


Note : ★★★★★

Critique : Goupil


Autre critique, autre point de vue – « The Fabelmans » vu par le Professeur Grant :

Steven par Spielberg

Au crépuscule de sa vie, Steven Spielberg, septante-six printemps au compteur, regarde dans le rétroviseur pour nous livrer son œuvre la plus intime, la plus personnelle aussi, un métrage au parfum autobiographique. Steven raconte Spielberg, en somme. A moins que ce ne soit l’inverse ? Le vieux Spielberg porte un regard attendrissant sur le jeune Steven qui, durant les fifties et sixties, n’avait qu’un désir : filmer ses sœurs et ses camarades dans des pastiches de films de tout genre (western, guerre, épouvante…). Tout cela sous l’œil émerveillé de sa mère, pianiste au tempérament fantasque. Son père, ingénieur pionnier de l’informatique, bien qu’encourageant, y voit lui un doux passe-temps, une sorte de violon d’Ingres. Deux parents, deux visions, deux sensibilités. Si l’amour et le respect mutuel entre les géniteurs sont indéniables, l’union s’avère illusoire. Et le cinéaste en herbe, futur maître de l’illusion justement, captant la moindre scène de vie à travers l’objectif de sa caméra 8 mm, en sera le témoin malheureux. Tiraillé par le conflit conjugal qui s’insinue progressivement dans la sphère familiale, ce dernier est confronté de plein fouet à cette dichotomie entre la raison et la passion : la science, le réel, le sérieux d’une part, l’art, l’imaginaire, la liberté d’autre part. Alors qu’il est incapable de choisir, la famille nucléaire vole en éclats. Un épisode fondateur et formateur pour le jeune Steven Spielberg, ou plutôt son alter ego Samuel « Sammy » Fabelman.

Le film de sa vie

D’une sobriété narrative exemplaire, « The Fabelmans » déroule son récit initiatique en trois temps : la prime jeunesse avec la révélation du pouvoir de l’image, les belles années de tournages entre camarades desquelles jaillissent les premières expressions de son génie artistique et, enfin, l’épisode identitaire du lycée durant lequel l’adolescent complexé de confession juive sera confronté à l’altérité et à l’antisémitisme. Trois époques éloquentes qui vont fortement définir l’illustre metteur en scène que l’on connaît aujourd’hui, son regard, sa singularité et, par-delà, sa virtuosité technique et esthétique. Film-source qui entend offrir l’exégèse de son cheminement personnel, œuvre matricielle pudique dans laquelle il rend un hommage vibrant à sa famille, son trente-quatrième long-métrage prend des accents testamentaires tout en proposant un jeu de miroir fascinant. Quoi de plus normal pour celui qui a fait du travail sur les reflets sa signature. Au soir de sa carrière, Steven Spielberg fend l’armure comme il ne l’a jamais fait auparavant et signe autant une sublime déclaration d’amour au septième art qu’une ode nostalgique au cinéma de son enfance. L’aréopage cinéphilique se souviendra encore longtemps de l’épilogue mémorable qui convoque, sur la pellicule, et sous les traits d’un David Lynch méconnaissable, le monstre sacré John Ford, réalisateur, entre autres, de « The Man Who Shot Liberty Valance », par ailleurs ouvertement cité dans le film.

Du beau monde devant et derrière la caméra

Aux antipodes du délire égotique ou de l’exercice nombriliste redouté par certains, le septuagénaire recherche l’universalité à travers son parcours individuel. Ce dernier sonde les émotions dans un exercice réflexif, cathartique, quasiment psychanalytique. Le résultat est vraiment bouleversant car le natif de Cincinnati conjure le pathos, se refuse toute sensiblerie et évite de recourir aux artifices tire-larme. Les comédiens, tous au diapason, jouent une seule et même partition pour toucher le spectateur en plein cœur. Gabriel LaBelle, Paul Dano, Michelle Williams et Seth Rogen s’illustrent dans des interprétations d’une belle sobriété. Des prestations tout en subtilité qui démontrent à nouveau l’une des grandes qualités du papa d’E.T., sa direction d’acteur. Et pour mettre tout cela en musique, le cinéaste s’entoure de ses fidèles collaborateurs comme le chef opérateur Janusz Kaminski qui se distingue à nouveau via son travail sur la lumière, l’indécrottable compositeur John Williams qui tirera sa révérence après le cinquième Indiana Jones, prévu dans les salles l’été prochain, ou encore le scénariste et dramaturge Tony Kushner (Munich, Lincoln, West Side Story) qui l’a aidé à coucher sur papier ses intentions autobiographiques. Des artisans qui secondent de fort belle manière un Spielberg qui livre, ni plus ni moins, une nouvelle leçon de cinéma (le travail sur la composition des plans, la fluidité du montage, l’efficacité narrative…).

Certes, cet autoportrait n’est pas exempt de tout défaut. On épingle ainsi quelques longueurs, on note une certaine mollesse dans le dernier acte, on se fatigue d’écouter des dialogues prolixes et on regrette un passage teen movie un brin cliché voire naïf. Cependant, « The Fabelmans » ne laisse pas ces peccadilles entraver son visionnage. D’ailleurs, on lui pardonne tout grâce à son plan final, pirouette méta qui fait mouche. Une histoire de ligne d’horizon. On ne vous en dit pas plus. Bref, aficionados de Spielby, courez-y !

Note : 

Critique : Professeur Grant

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