Barbie
A Barbie Land, vous êtes un être parfait dans un monde parfait. Sauf si vous êtes en crise existentielle, ou si vous êtes Ken.
2023: A Doll Odyssey
Qui n’a pas joué avec une Barbie pendant son enfance ou encore joué à la dînette avec son enfant ou un-e filleul-e ? Les poupées de Mattel sont partout et, après s’être imposées dans une majorité de foyers, elles sautent désormais le pas vers le grand écran. Bonne idée ?
Disons le sans ambages, le quatrième film de Greta Gerwig est une réussite. Côté scénario Greta Gerwig s’offre sans surprise les services de son compagnon, le réalisateur et scénariste Noah Baumbach. Attendez-vous donc à des répliques inspirées, un scénario de derrière les fagots et une pluie de références en tout genre (Stanley Kubrick, Jacques Tati, Steven Spielberg, les sœurs Wachowski, etc.).
Pour l’anecdote, LuckyChap Entertainment – le studio à l’origine de « Barbie » et co-fondé par [roulement de tambours] … Margot Robbie – s’efforce d’assurer une égalité devant et derrière la caméra en offrant plus de chances aux réalisatrices dans ce monde essentiellement masculin. On doit à la boîte de production « I, Tonya », « Birds of Prey » ou encore « Promising Young Women ».
Ken perd la tête
Pour séduire le plus grand nombre, un splendide casting a été assemblé. Dans la team Barbie, on retrouve Margot Robbie, America Ferrera, Emma Mackey, Dame Helen Mirren, ou encore Kate McKinnon. Pour ce qui est des Ken, Ryan Gosling, Ncuti Gatwa, Connor Swindells (le casting de la série « Sex Education » en force !), Michael Cera ou encore Will Ferrell font… ce qu’ils peuvent ! Pendant le tournage, alors que les actrices prenaient soin de leur physique, les « Ken » s’encourageaient virilement sur le banc de musculation. Pas étonnant que la bonne entente soit visible sur la toile !
Life in plastic
Tout sauf une sinécure pour Greta Gerwig, « Barbie » surfe constamment entre le ridicule et le sérieux et s’apparente in fine à une exégèse de ce que c’est d’être une femme aujourd’hui. Si la cinéaste filme avec sa vision féministe, il faut avouer qu’elle n’a pas son pareil pour mettre en scène l’insécurité, la tendresse et la sincérité. Reste la question de la pertinence du propos. Si la diversification de la gamme Barbie ne l’a pas entièrement libérée du cliché de la fashionista ou de la bimbo, environ 40 % des ventes de Barbie aujourd’hui se font sur… les « autres » Barbie. Autrement dit, la Barbie stéréotypée perd peu à peu du terrain.
De l’emballage à l’écran
« Battleship », « G.I.Joe », « Transformers », etc. Nombreuses sont les compagnies de jouets à se servir de leurs créations pour se réserver une place au soleil à Hollywood. Bien que la plupart se vautrent lamentablement (les films de robots en tête), certaines licences parviennent à tirer leur épingle du jeu. On pense à « Lego Movie » ou plus récemment encore « Dungeons & Dragons ». Dans quelle case tombe « Barbie » ?
Plus une satire qu’un pamphlet de ce que devraient être les rôles des femmes et des hommes dans la société, le dernier film de Gerwig essaie de rétablir un brin d’équilibre (à l’instar de Margot Robbie ou encore du studio qui chapeaute cette opération rose bonbon). Si des fascistes comme Ted Cruz partent en guerre contre ce film, alors on se dit que Greta Gerwig a plutôt réussi son pari.
Joie contagieuse
Bien que cette collection de plastique puisse sembler vide de prime abord, le propos de « Barbie » ne sonne aucunement creux. Les plusieurs niveaux de lecture du dernier jouet de Greta Gerwig raviront petit-e-s et grand-e-s ! Pour finir, la poupée imaginée par Ruth Handler a encore de beaux jours devant elle !
Note : ★★★★
Critique : Goupil
Autre critique, autre point de vue – « Barbie » vu par le
Professeur Grant :
Barbenheimer - Part
Two
Barbenheimer - Episode 2 : Barbie Strikes Back.
Dans la confrontation cinématographique estivale qui oppose les poupées
plastiques aux scientifiques (lire notre critique d’Oppenheimer), place
désormais à la gente féminine. A la barre de ce projet haut en couleur, Greta
Gerwig, réalisatrice d’un étonnant « Lady Bird », mais aussi
du moins mémorable « Little Women », remake superfétatoire
du roman signé Louisa May Alcott. Nonobstant les nombreux pièges parsemés sur
le chemin, l’Américaine parvient à éviter les écueils et à déjouer les attentes,
tout en transcendant le pur film de commande au moyen d’un scénario malin et
retors, mais aussi d’une direction artistique ambitieuse qui ne craint ni
l’emphase, ni l’écœurement. La quadragénaire voit la vie en rose et laisse
libre cours à son génie visuel avec des effets pratiques de derrière les fagots
et de jolies idées de mise en scène pour habiller l’univers fantasmagorique de
Barbieland. Un esthétisme kitsch flamboyant duquel on épingle une belle
créativité, surtout du côté des décors et des costumes. Et le spectateur de se
rendre compte que « Life in plastic,
it’s fantastic ! ».
Joyeusement pop et résolument méta
Plus sucrée que véritablement
acide, cette comédie satirique grand public, à la fois bigarrée, joyeusement pop
et résolument méta, a le mérite de pousser quelques réflexions pertinentes et
inspirantes sur le féminisme, le patriarcat, la masculinité et l’estime de soi.
Le tout est cuisiné dans une tambouille plutôt agréable, garnie d’une belle
dose de sincérité dans le propos et rehaussée d’une légère touche de cynisme. Sur
le fil, manquant de peu de verser dans l’exercice parodique un tantinet futile
ou dans le spot publicitaire de luxe à la gloire du géant du jouet Mattel, la
cinéaste s’extirpe de cette périlleuse situation d’équilibriste, non sans
adresse et panache, en misant à fond sur l’humour décalé. Si nous ne sommes pas
totalement convaincus par le bien-fondé de la démarche (la campagne promotionnelle
aussi assourdissante qu’abrutissante et la tonne de produits dérivés qui ont
accompagné la sortie), le long-métrage distille suffisamment de matière intéressante
à becqueter pour se divertir intelligemment.
Kenergy
In fine, ce n’est pas tant sur le
fond que sur l’écriture de l’héroïne que le bât blesse. Contre toute attente, Barbie
est éclipsée du récit sans ménagement, effacée par un Ken un chouïa envahissant.
De personnage secondaire, ce dernier passe au premier plan, accompagné d’un arc
narratif complet et palpitant ainsi que d’une progression dramaturgique
passionnante. D’ailleurs, Greta Gerwig et son coscénariste Noah Baumbach ne
s’en cachent pas, ils s’amusent davantage avec lui. Le duo change brusquement
de point de vue et déforce sans le vouloir la puissance du message. Ken détient
les meilleures scènes ainsi que les répliques les plus drôles. Véritable
protagoniste, il devient le moteur de l’intrigue pendant une grande partie de l’histoire.
Et pour ne rien arranger, c’est cette Rolls-Royce de Ryan Gosling qui endosse
le costume du métrosexuel en plastoc. Irrésistible dans l’autodérision et
parfait dans le timing comique, le Canadien livre une performance mémorable et
fait montre d’une indéniable vis comica.
Une présence qui fait de l’ombre à Barbie, laquelle voit sa trajectoire
émotionnelle passée à la trappe.
Hi, Barbie !
Parasités par les déambulations
de Ken, Barbie et ses questionnements intérieurs passent au second plan. Ses
tourments, dans la seconde partie, paraissent bien fades. Cela plombe la
vitalité du début, le rythme en pâtit et l’intérêt s’évapore malgré l’abatage
d’une Margot Robbie irréprochable dans ce rôle sur-mesure. La fiction pèche
également par quelques choix malheureux, comme la première séquence, trop
appuyée et longuette, avec Ruth Handler, la créatrice de l’iconique poupée
mannequin. De même que le climax prolixe assomme et manque de finesse en
surlignant le discours féministe au fluo rose flashy. Par ailleurs, on regrette
que certains personnages passent à la trappe : il y avait peut-être mieux
à faire avec le patron de Mattel (surtout avec un acteur du calibre de Will
Ferrell) tandis que nous ne nous sommes jamais sentis émotionnellement impliqués
dans la relation mère-fille qui nous est contée. Des maladresses qui n’empêchent
pas de passer un bon moment de cinéma devant cette proposition à la fois
loufoque et jubilatoire offerte par une Greta Gerwig qui confirme son talent de
cinéaste.
Note : ★★★
Critique : Professeur Grant
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