Meg 2: The Trench
Sharkploitation : bis repetita ne placent pas toujours
Le cinéma aime les requins. Deep Blue Sea, The Shallows, 47
Meters Down, Open Water, Bait, mais aussi Shark Attack ou encore Sharknado. Depuis
Jaws de Steven Spielberg, plusieurs réalisateurs se sont frottés au film de
squale… avec des fortunes diverses. De notre côté, on a un petit faible pour le
blockbuster de Renny Harlin, pur plaisir coupable régressif. D’ailleurs, on
ne s’est toujours pas remis du destin funeste de Samuel L. Jackson. Et on
reconnaît volontiers l’efficacité de la tentative de Jaume Collet-Serra avec
Blake Lively réfugiée sur un rocher. Ces séries B, voire Z pour certaines, ont
quasiment toutes été déclinées en sagas avec des suites exclusivement destinées
au marché vidéo et VOD. Et il en va de même pour la superproduction
sino-américaine The Meg, sorti de l’eau en 2018, qui, elle, voit sa sequel débarquée dans les salles
obscures cet été. Pour rappel, Jason Statham relançait sa carrière en
pourchassant un mégalodon particulièrement vénère. Rien que ça !
Du sang, des boyaux, de la rate et du cerveau. Ou pas !
Si le récit est d’une bêtise sans
nom, l’original assume totalement son statut de nanar de luxe décérébré (budget confortable de 130
millions de dollars au bas mot) en donnant au spectateur ce qu’il est venu
chercher : un monster movie avec
une grosse bébête préhistorique affamée. Son atout : son réalisateur,
alias Jon Turteltaub, papa du cultissime Rasta Rockett, de l’excellente série
Jericho et du diptyque Benjamin Gates. Grâce à une certaine maîtrise de l’action,
du suspense, des éléments comiques et des effets spéciaux, ce dernier est
parvenu, ô miracle, à créer du divertissement nonobstant un scénario débile et
un cahier des charges contraignant qui dictait au cinéaste de concevoir une
fiction PG-13. Lisez sans une goutte d’hémoglobine. Le fan hardcore de gore qui
espérait du sang, des boyaux, de la rate et du cerveau a très vite calmé ses
ardeurs. Mais d’un film qui filait droit dans le mur, le sexagénaire a pu toutefois
en tirer une œuvre pas si désagréable à regarder.
Un boulet nommé Weathley
Malheureusement, « The
Trench », ou « En eaux très troubles » en version française
(l’équipe marketing s’est encore surpassée), s’affiche comme la preuve évidente
qu’il faut absolument mettre un metteur en scène un minimum investi aux
manettes pour sauver ce genre de crétinerie du naufrage absolu. Il apparaît
très vite que Ben Weathley n’a rien compris au cinéma bis. Pour ce film de
commande, le boulet assure le minimum syndical et fait montre de toute son incompétence
pour diriger une superproduction qui a besoin d’une mise en scène forte et
inventive pour camoufler son récit absurde. Que ce soit la réalisation
inexistante ou le montage approximatif, le résultat est catastrophique. Le
Britannique ne maîtrise rien : effets de surprise, gestion des espaces,
échelles de grandeur, scènes de dialogues, art de la suggestion et montée de la
peur… Rien. L’encéphalogramme plat ! Une belle erreur de casting qui empêche
le film de s’élever un minimum de sa stupidité abyssale.
Un pétard mouillé qui touche le fond de l’abîme
Fidèle au précepte du cinéma
d’exploitation qui veut que toute bonne suite se doit de verser dans la surenchère,
le pitch de ce deuxième volet affichait de belle promesses : exploration des
fonds marins, pas un mais trois megs et une pieuvre géante relâchés à la
surface du globe et toujours ce bon vieux Jason, plus increvable que jamais, prêt
à distribuer des coups de tatane et à dégoupiller des grenades tout en jouant
les équilibristes sur son jet-ski (!). Malgré les belles possibilités qui lui
sont offertes, le tâcheron échoue lamentablement à donner une dimension
spectaculaire à l’ensemble et à livrer des sensations fortes aux spectateurs,
loin d’être troublés par ces « Eaux très troubles ». Tout ce que
Weathley parvient à faire, in fine, c’est noyer son métrage indigent, fadasse
et beaucoup trop timide dans un océan de médiocrité sans fond. En l’absence de
stars et au regard des sommes astronomiques dépensées, on se demande vraiment où
la production a claqué tout son budget.
Note : ★
Critique : Professeur Grant
BONUS - Critique du format ScreenX : rien à voir !
Plusieurs formats ont accompagné
la sortie de « Meg 2 : The Trench » : 2D, 3D, 4DX, Imax…
Nous, on a opté pour une expérience encore inédite : le ScreenX, lancé en
2020 au Kinepolis d’Anvers (ex-Metropolis). Késako ? En substance, quatre
projecteurs installés de part et d'autre de la salle permettent à l'image de
s'étendre sur des panneaux latéraux lors de certaines scènes. L’argument
promotionnel : les cinéphages peuvent désormais profiter d’une vision
panoramique et mater un long-métrage à 270 degrés. Devant et sur les côtés, en
somme. « Vous êtes au cœur de
l'action », dixit la société belge à l’étoile.
Verdict ? Mouai, pas très
convaincant, tout ça ! Encore un gadget surfacturé (quatre euros vous
seront demandés en supplément) à ranger dans le placard cinématographique où
végète la pénible 4DX. Concrètement, le procédé n’intervient qu’à certains
moments du film. La majorité du temps, l’audience regarde l’écran frontal,
comme dans n’importe quel autre cinéma. Du coup, quand les projecteurs latéraux
réagissent, ils ont tendance à divulgacher
l’intrigue en tuant dans l’œuf tout effet de surprise. Pire, le procédé sort le
tout-regardant de l’histoire, car la luminosité devient beaucoup trop
importante. Résultat : on voit le public. C’est ballot pour une salle qui
se veut… obscure !
Du coup, ce dispositif
attractionnel, qui a plutôt sa place au Futuroscope, ne renforce pas du tout l’immersion
fictionnelle. Au contraire, celui-ci nous fait nous rendre compte de notre
condition de spectateur soumis aux aléas d’une technologie extra-diégétique. Comme
la 4DX, le ScreenX nous rappelle notre propre corps par le biais de la
sollicitation accrue de nos sens. Ce qui est l’effet inverse de « l’oubli
de soi » escompté. La projection imaginaire dans les péripéties qui nous
sont contées devient impossible, car ce procédé beaucoup trop visible et
contraignant nous impose de le considérer comme un gimmick artificiel.
C’est pourquoi nous maintenons
notre préférence pour l’Imax et son écran de 27,6 m x 19,3 m, seul format
capable d’augmenter l’immersion tout en se faisant oublier.
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