Killers of the Flower Moon

 


Au début du XXème siècle, le pétrole a apporté la fortune au peuple Osage qui, du jour au lendemain, est devenu l’un des plus riches du monde. La richesse de ces Amérindiens attire aussitôt la convoitise de Blancs peu recommandables qui intriguent, soutirent et volent autant d’argent Osage que possible avant de recourir au meurtre…



True Crime

Tiens, tiens, qui voit-on à l’écran dans le brillant épilogue de Killers of The Flower Moon ? Martin Scorsese en personne ! Le caméo symbolique comme ultime chant du cygne d’un cinéaste désireux de tirer sa révérence ? Que nenni ! C’est que l’ami Marty, pas encore prêt à déposer sa caméra, en a sous le capot. L’octogénaire et son fidèle compagnon Leonardo DiCaprio sont d’ailleurs tous deux rattachés à un nouveau projet : The Wager: A Tale of Shipwreck, Mutiny, and Murder, adaptation du dernier ouvrage signé David Grann, soit le journaliste du quotidien New Yorker qui a enquêté sur les crimes glaçants du peuple amérindien des Osages, devenu riche dans l’Amérique des roaring twenties, grâce aux gisements d’or noir sur leurs terres, et dont parle le film mis en lumière dans cette critique.

L’écrivain de 56 ans a le vent en poupe du côté de la Mecque du cinéma. C’est qu’il attire les auteurs du septième art. Outre notre légendaire vétéran new-yorkais aux sourcils hirsutes, citons James Gray (le petit chef-d’œuvre The Lost City of Z), David Lowery (le mi-figue mi-raisin The Old Man & The Gun avec l’increvable Robert Redford) ou encore Edward Zwick (le remarquable Trial by Fire passé injustement sous les radars). Si la plume du quinquagénaire intéresse autant Hollywood, c’est parce que ses articles et bouquins forment une formidable matière scénaristique pour les réalisateurs motivés à mettre en scène des récits inspirants et inspirés du réel. Avec l’argument promotionnel « Basé sur une histoire vraie », comme le dit la formule consacrée.

Looking for Eric

Cela émis, faut-il encore fournir un laborieux travail d’adaptation. Autrement dit, transposer la littérature en langage cinématographique. Il s’agit de réinventer le texte d’origine à travers un nouvel éclairage : trouver l’angle et le point de vue à adopter, élaguer en distinguant l’utile de l’accessoire, construire une intrigue passionnante, insuffler de la vie dans des dialogues signifiants, etc. Pour ce faire, Scorsese s’est offert les services d’un des meilleurs scénaristes made in USA. Son nom ? Roth. Prénom : Eric. A son actif, les formidables récits de Forrest Gump, The Insider, Munich, The Curious Case of Benjamin Button ou encore Dune. L’homme a œuvré avec les plus grands : Robert Zemeckis, Michael Mann, Steven Spielberg, David Fincher et, plus récemment, Denis Villeneuve.

Ainsi, plutôt que de suivre l’agent du FBI à qui on doit la résolution des meurtres des Indiens Osages, comme dans le livre, ce dernier a décidé de changer la perspective et de se concentrer sur la relation entre la charmante et discrète Amérindienne Mollie Kyle (Lily Gladstone, en pole position pour l’Oscar du meilleur second rôle féminin), dont les membres de la famille disparaissent dans des circonstances interlopes, et le vétéran de guerre roublard Ernest Burkhart (Leo DiCaprio, impérial), acteur d’un mariage arrangé par son oncle, le vil et sournois William Hale (Robert De Niro, génial de noirceur et de cynisme), autoproclamé « roi des collines Osages ». Une idée lumineuse qui fait toute la différence en mettant l’insidieuse conspiration des Blancs dans le massacre des autochtones.

Master and Commander

Meurtre, trahison, manipulation, complot, racisme, vengeance. Il ne fait aucun doute, on est bien chez le maître Scorsese, lequel s’est entouré des meilleurs commandants. Combinez la rigueur d’un enquêteur zélé, la maestria d’un cinéaste sis au panthéon du septième art, la virtuosité d’un scénariste chevronné, le travail d’orfèvre d’une équipe technique travaillant à l’unisson et duquel on épingle le savoir-faire de feu Robbie Robertson à la composition musicale, de Ridrigo Prieto à la photographie et de Jacqueline West aux décors, sans oublier les performances quatre étoiles d’une distribution sans fausse note, et vous obtenez une grande fresque crépusculaire d’une densité narrative folle et d’une ampleur visuelle impressionnante. Le cinéphile reste bouche bée. Un futur classique ?

Quelques accents de western par-ci, des ingrédients du polar par-là, le tout saupoudré de l’une ou l’autre touche de film noir, Killers of The Flower Moon est une proposition magistrale, certes exigeante (3h26), mais diablement rafraîchissante dans un contexte de sorties dominées par les adaptations sans saveur : remake, reboot, sequel et autres anglicismes peu réjouissants pour le féru de péloche. Reste une préoccupation : il est inquiétant de constater que même un illustre réalisateur de la trempe d’un Martin Scorsese peine à trouver des financements pour concevoir ses métrages et doit trouver son salut du côté des plateformes de streaming (après Netflix, voici Apple). Heureusement, ses fictions parviennent, jusqu’à présent, à trouver un chemin vers les salles obscures belges. Scorsese finds a way.

Note : 
Critique : Professeur Grant

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