Bilan 2023 - le Top 10 du Professeur Grant

 


Au gui l’an neuf ! Toute l’équipe de Cinephages.com vous souhaite une belle année, une bonne santé, mais surtout d’excellents films histoire d’échapper à la morosité quotidienne. Qui dit janvier dit bilan. Du coup, il est temps pour nous de sacrifier à la tradition. Faites place à la rétrospective du Professeur Grant ! Découvrez ci-dessous les œuvres mises en lumière l’année dernière. Une liste best of the best pour vos soirées cinéma. Showtime !


1. Poor Things



Avec cette fable subversive et détonante sur le destin hors norme, imprévisible et captivant de la drôle et touchante Bella, cousine spirituelle de Frankenstein (merveilleuse Emma Stone dans un pur rôle de composition), Yórgos Lánthimos (le chef-d’œuvre The Favourite) entrecroise à la fois le fantastique, la comédie horrifique et les péripéties pittoresques en embrassant une esthétique démente qui marquera durablement les mirettes des cinéphiles. On pourrait parler de la direction artistique pendant des heures : les décors somptueux, les costumes extravagants, les matte paintings renversants, les effets numériques hallucinants ou encore l’incroyable bestiaire façon foire aux monstres… Aussi excessif dans sa dimension plastique que transgressif dans le fond, Poor Things, c’est surtout du cinéma iconoclaste et anticonformiste qui vient souffler un vent d’air frais dans une production cinématographique contemporaine des plus consensuelles. Ruez-vous chez votre exploitant de salles préféré, il sort cette semaine !


2. Killers of the Flower Moon



Meurtre, trahison, manipulation, complot, racisme, vengeance. Il ne fait aucun doute, on est bien chez Martin Scorsese, lequel s’est entouré des meilleurs commandants. Combinez la rigueur d’un enquêteur zélé (l’auteur David Grann), la maestria d’un cinéaste sis au panthéon du septième art (le maître Marty), la virtuosité d’un scénariste chevronné (Eric Roth, Forrest Gump), le travail d’orfèvre d’une équipe technique travaillant à l’unisson et duquel on épingle le savoir-faire de feu Robbie Robertson à la composition musicale, de Rodrigo Prieto à la photographie et de Jacqueline West aux décors, sans oublier les performances quatre étoiles d’une distribution sans fausse note (Leonardo DiCaprio, Robert De Niro, Lily Gladstone et Jesse Plemons), et vous obtenez une grande fresque crépusculaire d’une densité narrative folle et d’une ampleur visuelle impressionnante. Le cinéphile reste bouche bée. Un futur classique ?


3. Oppenheimer



Tout en ménageant une tension folle (l’explosion d’une bombe, l’implosion d’un homme), Christopher Nolan nous plonge dans un maelström sensoriel puissant qui doit énormément à la force évocatrice des images léchées du chef opérateur Hoyte Van Hoytema, mais aussi au sound design et à la magistrale composition musicale signée Ludwig Göransson. De l’orfèvrerie. Du grand art. Mais aussi une véritable expérience viscérale pour le spectateur, invité à découvrir la naissance d’une ère terrifiante. Le metteur en scène ne se contente pas de suivre la trajectoire du physicien Robert Oppenheimer, des bancs de l’université à son passage sous les fourches caudines des autorités gouvernementales, en plein maccarthysme, il transcende le substrat du biopic plan-plan pour proposer un vrai moment de cinéma qui se décline en plusieurs genres : portrait intimiste, fresque politique, thriller psychologique, chronique judiciaire, drame historique et même quelques accents de western. Film d’auteur, œuvre expérimentale, blockbuster, Oppenheimer, c’est tout cela à la fois. Bref, immanquable.


4. The Fabelmans



The Fabelmans ou quand le vieux Steven raconte le jeune Spielberg. D’une sobriété narrative exemplaire, le film déroule son récit initiatique en trois temps : la prime jeunesse avec la révélation du pouvoir de l’image, les belles années de tournages entre camarades desquelles jaillissent les premières expressions de son génie artistique et, enfin, l’épisode identitaire du lycée durant lequel l’adolescent complexé de confession juive sera confronté à l’altérité et à l’antisémitisme. Trois époques éloquentes qui vont définir l’illustre metteur en scène que l’on connaît aujourd’hui, son regard, sa singularité et, par-delà, sa virtuosité technique et esthétique. Film-source qui entend offrir l’exégèse de son cheminement personnel, œuvre matricielle pudique dans laquelle il rend un hommage vibrant à sa famille, son trente-quatrième long-métrage prend des accents testamentaires tout en proposant un jeu de miroir fascinant. Au soir de sa carrière, Spielberg fend l’armure comme il ne l’a jamais fait et signe autant une sublime déclaration d’amour au septième art qu’une ode nostalgique au cinéma de son enfance.


5. Babylon



Grandeur et décadence dans la Cité des Anges des années folles, tel est le programme de cette fresque-fleuve tragi-comique de plus de trois heures. Giclée diarrhéique, projection urinaire façon douche dorée, jaillissement de liqueur séminale, jet de vomissure, crachat de morve, effusion d’hémoglobine, écrivons-le sans ambages, le magnum opus signé Damien Chazelle (Whiplash) ne vous ménage pas les mirettes. Le Franco-Américain, assoiffé de péloche, lâche sa caméra dans une bacchanale fiévreuse prenant des allures de pandémonium. Ce dernier fait alors montre de son sens inné de l’image et du montage. Au-delà du prologue dantesque qui sert surtout au cinéaste à planter le décorum et à présenter ses protagonistes (la triplette Pitt-Robbie-Calva), l’auteur ambitionne de raconter, par l’image et la musique, cette période charnière qui voit l’avènement du cinéma parlant au détriment des productions muettes. Grisant.


6. The Killer



David Fincher ne fait rien comme tout le monde. Et c’est pour ça qu’on l’aime. Sous ses apparats de série B de luxe anodine, The Killer ne raconte finalement pas grand-chose, le récit décrivant le quotidien austère et millimétré d’un tueur à gages qui se doit soudainement d’improviser. Glaçant, captivant et redoutablement efficace grâce à une mise en scène classieuse et un découpage chirurgical, ce thriller sardonique fait montre d’une maestria technique et narrative qui n’est pas sans rappeler le sous-estimé Panic Room, ce qui, dans la plume de votre humble serviteur, reste une comparaison élogieuse. Il n’y a pas un bout de gras dans ce suspense rondement mené, le réalisateur et son scénariste Andrew Kevin Walker, tous deux déjà à l’œuvre sur le cultissime Se7en, resserrant le récit pour se concentrer sur l’enjeu principal du protagoniste (formidable Michael Fassbender en ouvrier du meurtre froid comme la mort) : chercher, trouver, tuer.


7. Women Talking



On connaissait Douze hommes en colère, voilà que débarquent onze femmes particulièrement remontées. Petite surprise qu’on n’avait pas vu venir, Women Talking évoque un groupe de femmes mennonites dans une communauté religieuse isolée qui se rassemblent pour lutter et concilier leur foi avec une série d’agressions sexuelles systémiques commises par les hommes de la colonie. La Canadienne Sarah Polley (le bancal Take This Waltz) signe une œuvre puissante sur la sororité, la parole des femmes et la condition féminine sublimement interprétée par un casting en état de grâce. Mention spéciale à Claire Foy et Rooney Mara, mais surtout à Jessie Buckley (vue dans les séries Fargo et Chernobyl), révélation britannique de ces cinq dernières années.


8. Empire of Light



Sam Mendes est décidément un metteur en scène passionnant. Tout ce qu’il touche se transforme en or, ou presque. Que ce soit dans ses films à grand spectacle (Skyfall, 1917, Jarhead) ou dans ses œuvres plus intimes (American Beauty, Revolutionary Road, Away We Go), le Britannique manie, avec une virtuosité jamais prise en défaut, densité dramatique et enveloppe esthétique qui marque la rétine. Rebelote avec Empire of Light, sa lettre d’amour passionnée et envoûtante au septième art et à la salle de cinéma. D’une beauté infinie (la photographie à tomber par terre du maître Roger Deakins !) et d’une pudeur mélancolique, cette chronique douce-amère offre en sus un formidable portrait de femme à Olivia Colman, inoubliable en responsable d’un cinéma qui tente de préserver sa santé mentale fragile.


9. Tár



Nonobstant sa durée anormale qui plombe le rythme dans sa dernière partie, Tár reste une passionnante étude de caractère sur le pouvoir et l’autorité qu’exerce une personne plébiscitée. Metteur en scène rare, mais précieux (ses deux précédents métrages, In the bedroom et l’excellent Little Children remontent au début des années 2000), Todd Field signe un drame brillant servi par une Cate Blanchett à la cime de son art dans le rôle d’une chef d’orchestre-démiurge aussi talentueuse qu’imbuvable. On a beau évoquer la beauté formelle de l’ensemble et s’arrêter sur la mise en scène implacable composée de longs plans millimétrés, ce que l’on retient surtout, au sortir de la projection, c’est la performance sidérante de l’Australienne qui rappelle à qui veut bien l’entendre qu’elle trône au sommet.


10. Leave The World Behind



Adoubé par une frange de la critique pour sa série Mr. Robot, Sam Esmail s’est entouré de compagnons de luxe pour le suivre dans son deuxième long-métrage. Produit par le couple Obama et interprété par une distribution rutilante dans laquelle on retrouve des Rolls telles que Julia Roberts, Ethan Hawke, Mahershala Ali ou encore Kevin Bacon, Leave The World Behind est une production dont on n’attendait rien et qui a pu bénéficier d’un bel effet de surprise. Du coup, loin de nous l’idée de vous divulgâcher quoi que ce soit sur l’intrigue, juste ce conseil : foncez fissa découvrir ce thriller d’anticipation shyamalanesque riche en surprises qui mêle différents questionnements sociétaux (hyperconnexion, lutte des classes, préjugés, problèmes de communication…) sur fond d’apocalypse. Cerise sur le gâteau, la mise en scène inventive qui multiplie les effets de style percutants (plans-séquences déments, travellings impossibles et mouvements de caméra renversants).

- Professeur Grant -

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