Gladiator II

 


Des années après avoir assisté à la mort du héros vénéré Maximus aux mains de son oncle, Lucius est forcé d'entrer dans le Colisée lorsque son pays est conquis par les empereurs tyranniques qui gouvernent désormais Rome d'une main de fer. La rage au cœur et l'avenir de l'Empire en jeu, Lucius doit se tourner vers son passé pour trouver la force et l'honneur de rendre la gloire de Rome à son peuple.



Gladiator, un quart de siècle après

Vous en rêviez, Ridley Scott l’a fait. Près d’un quart de siècle après le raz-de-marée Gladiator, le réalisateur retourne dans l’arène avec un deuxième volet centré sur les aventures de Lucius, rejeton de Maximus, le héros tragique incarné par Russell Crowe. Vous vouliez être diverti ? L’Imperator barbu vous refile exactement ce que vous attendiez. Pas plus. Pas moins. Et ce, avec une énergie et une efficacité qui montre qu’en matière de superproduction hollywoodienne sous stéroïdes, l’octogénaire reste au-dessus de la mêlée, utilisant sa caméra comme son protagoniste manie le glaive.

Panem et circenses

A l’image des figures politiques romaines, ce dernier donne à l’audience exactement ce qu’elle attend afin de redorer son image de metteur en scène tout-puissant quelque peu écornée suite à une litanie de désillusions artistiques et de déconvenues commerciales. Au programme, panem et circenses, soit du pain et des jeux sans une once de subtilité ou d’ambition à surpasser le long-métrage original. Car ce n’est pas la note d’intention. Ce nouvel opus d’une saga en devenir est une suite qui ne s’excuse pas d’en être, et qui, par ailleurs, se moque bien d’être une relecture excentrique et moderne du genre péplum.

Resucée superflue

En clair, Gladiator II assume pleinement son statut de resucée superflue pillant sans vergogne dans la dramaturgie du film de l’an 2000 tout en camouflant cette paresse intellectuelle derrière des séquences plus folles les unes que les autres. On y revient, Tonton Scotty se prend pour l’intermédiaire entre le public et le divin du septième art, et tente de calmer vos envies de blockbusters qualitatifs et futés avec des scènes épiques et des moments de bravoure qui en mettent plein les mirettes, mais qui sonnent chez le cinéphile intransigeant comme autant de cache-misère scénaristiques.

Amusez-vous !

Ainsi, le cinéaste, en roue libre, craque son slip et se laisse aller à toutes les surenchères et extravagances, même les plus futiles, entre anachronismes abscons et invraisemblances forcées, pour produire de la belle image, du jamais-vu ou a tout du moins du cinéma. On en veut pour preuve les squales dans le Colisée ou encore les terrasses de tavernes accueillant les badauds munis de la presse du jour. Pour l’Anglais, peu importe la véracité historique, tant que vous soyez amusés et que vous deveniez un récepteur acquis à la cause du divertissement bourrin, voire même un laudateur convaincu.

Ridley Scott face aux affres du temps

Cependant, la mécanique du divertissement semble un brin enrayée, reflet d’une production réalisée à la hâte, comme si Ridley Scott prenait soudainement conscience de sa propre mortalité, que le temps joue désormais contre lui, et qu’il reste une myriade de projets à mettre en boîte. Choisir, c’est renoncer, comme le dit l’adage. Mais, à l’instar d’un Clint Eastwood qui semble se complaire dans un pied de nez constant à Dame Nature, le natif de South Shields n’entend pas capituler face à la Grande Faucheuse. Il suffit de voir le nombre incalculable de métrages que celui-ci a réalisés et/ou produits ces quinze dernières années.

Musique pompière et effets numériques bâclés

Quelques éléments nous mettent la puce à l’oreille : la composition musicale pompière signée Harry Gregson-Williams, aux antipodes du lyrisme symphonique de Hans Zimmer sur l’original, ou encore des effets spéciaux bâclés (l’animation de l’eau dans la bataille navale inaugurale, les déplacements des macaques dans l’arène, certains plans aériens…), loin des standards qualitatifs actuels. Cette intransigeance technique propre à un James Cameron par exemple, Scott en est dépourvu, son regard vieillissant s’en remettant aveuglément aux pirouettes numériques qui permettent tout et n’importe quoi.

Sacrifier les émotions sur l’autel de l’action

Même la direction d’acteurs manque d’homogénéité, certains comédiens jouant des partitions différentes, comme s’ils n’évoluaient pas sur le même plateau de tournage. Ceux-ci ne sont pas aidés par le scénario : certains personnages sont grossièrement écrits (les frangins empereurs) tandis que d’autres, prometteurs, passent à la trappe, à l’image du rôle tenu par l’excellent Pedro Pascal qui possède une vraie teneur dramatique. C’est justement là où le bât blesse ; Scott élude la tragédie et préfère le rythme et l’action au détriment des émotions, ce qui a pour conséquence qu’on s’identifie très peu aux hommes et aux femmes du récit.

On venait pour Paul, on repart avec Denzel

Heureusement, les protagonistes sont portés par des acteurs de talent à qui Ridley Scott donne suffisamment d’espace pour maintenir l’intérêt du spectateur. Si la comparaison, superfétatoire mais inévitable, avec Russell Crowe (oscarisé à l’époque) ne joue pas en sa faveur, Paul Mescal possède suffisamment de charisme pour porter le film sur ses épaules. Il n’est pas seul dans cette tâche ; l’impérial Denzel Washington, qui hérite ici du meilleur rôle, le méphistophélique Macrinus, donne une leçon de cabotinage qui sied parfaitement au spectacle décadent dépeint par les scénaristes.

Ce tandem forme un bel argument en faveur d’un film, certes décevant, mais éminemment divertissant, qui remplit son office.

Note :

Critique : Professeur Grant

Commentaires

Articles les plus consultés