American Made
Avec son insolente démarche chaloupée et sa joie de vivre indécrottable, le pilote de la compagnie TWA Barry Seal faisait figure de héros dans sa petite ville paisible du sud des États-Unis. À la grande surprise de son épouse, Lucy, cet homme d'affaires séducteur et pilote respecté va devenir un acteur majeur de l'un des plus gros scandales de l'histoire contemporaine. Comment aurait-on pu s'imaginer que ce qui avait commencé par le transport clandestin de marchandises allait conduire Barry Seal à participer à la constitution d'une armée et au financement d'une guerre ?
Un seul atterrissage d’urgence, c’est tout ce que le film “American Made” a à offrir en termes de cascade. Il n’y a ni pirouette ni saut périlleux ni même encore de face-à-face au soleil comme Ethan Hunt seul en a le secret. Tout comme dans “War of the Worlds”, Tom Cruise revêt ici les traits d’un homme ordinaire pris au piège dans une situation extraordinaire.
La visée du film est double : d’une part, proposer un divertissement efficient - mélange parfait entre “Catch Me If You Can”, "Blow" et “The Wolf of Wall Street” - et, d’autre part, de procéder à une critique sévère de la CIA et des autres services de renseignement chapeautés par le grand rouleau compresseur qu’est le gouvernement de l’Oncle Sam. Le film nous montre que ledit gouvernement n’a en ligne de mire que des objectifs géopolitiques visant à perpétuer une certaine ingérence mondiale et se préoccupe au final bien peu des vies de ses citoyens.
Pour son troisième film biographique (après “Born on the Fourth of July” et “Valkyrie”), Tom Cruise nous rappelle qu’il n’est pas seulement l'agent secret américain le plus célèbre du septième art (à l’instar de ses rôles dans la saga “Mission : Impossible” et “Knight and Day”). Aucun autre membre du casting ne parvient d'ailleurs à éclipser celui qui a réussi - à grand renfort d’explosions en tout genre - à se propulser en roitelet du box office US. Bien malgré lui, il relègue la critique des “secret services” au second plan. Dommage, le film aurait pourtant gagné en réalisme si la directrice de casting avait fait le pari de choisir un autre acteur dans le premier rôle. Domhnall Gleeson (“Ex Machina”, “About Time”) et Sarah Wright (“The House Bunny”) convainquent sans surjouer.
Doug Liman (“The Wall”, “The Bourne Identity”) signe un long-métrage efficace sans pour autant réinventer le genre. “American Made” est au final une vitrine pour un Tom Cruise cherchant à se diversifier.
Note : ★★★
Critique : Goupil
Autre
critique, autre point de vue – « American Made » vu par le Professeur
Grant :
Tom
Cruise, côté pile
On a quitté Tom Cruise en
mauvais termes, en juin dernier. « La Momie » était censée nous
vendre du rêve, ou plutôt de l’effroi. L’acteur nous avait même vanté un
blockbuster sympa avec son lot de scènes de bravoure et un récit passionnant.
Résultat des courses, une série B qui lorgnait du côté Z de la force
cinématographique, une superproduction de pacotille qui nous a décroché la
mâchoire à force de bâillements intempestifs. Promesse non tenue ! Et le
cinéphile de lui en vouloir et de lui dire de revoir sa copie. L’Américain, en
fâcheuse posture, devait donc se racheter une conduite, mais aussi une
crédibilité. Fort heureusement pour lui, son prochain film, inspiré d’une
édifiante histoire vraie, allait non seulement lui donner l’occasion de se
montrer sous un meilleur jour mais, en sus, lui conférer un rôle à
contre-emploi. Un protagoniste à la hauteur de son talent, qui tranche
radicalement avec les personnages qui ont sillonné sa carrière. Dans
« American Made », Il incarne un narcotrafiquant avec toupet,
insolence et désinvolture. Des yeux malicieux et un sourire narquois Pepsodent
jusqu’aux esgourdes en prime. Ou plutôt un convoyeur de cocaïne, nul autre que le
pilote du cartel de Medellin emmené par Pablo Escobar himself. Son nom : Seal. Prénom : Barry. Une vie bien
rangée aux Etats-Unis qui bascule le jour où la CIA profite de ses talents pour
espionner l’Amérique latine du ciel. Talents réquisitionnés ensuite par El
Patrón et ses sbires, donc. Une vie folle, faste et furieuse dans une chaude
atmosphère seventies.
Doug
Liman, côté face
On a quitté Doug Liman en
très bons termes, en juin dernier. Souvenez-vous, le réalisateur lançait en loucedé dans les salles obscures un
petit film indépendant aussi radical que virtuose : « The Wall ».
Le cinéaste offrait un tour de force expérimental ; une sorte de huis clos
à ciel ouvert sur un marine obligé de rester derrière un muret en plein désert
car pris au piège par un sniper irakien. Mais avant ce thriller psychologique,
le réalisateur avait mis en boîte « American Made » ou en français,
« Barry Seal : American Traffic ». Résultat ? On
retrouve d’emblée l’efficacité du cinéma de Liman. Son sens inné de l’action, du
rythme, et du montage. Le duo Liman/Cruise fait des merveilles comme sur leur
précédente collaboration, l’extraordinaire actionner SF « Edge of
Tomorrow », malheureusement passé inaperçu en salle. Epopée survitaminée
mais aussi tragicomédie, le scénario distille une ironie mordante qui fait
mouche. Tout comme le jeu tout en dérision de Tom Cruise, qui tient là un
personnage de tête brûlée plus ambigu qu’à l’accoutumée, s’aligne parfaitement
sur ce ton. Doug Liman filme à du deux-cent à l’heure, mais embrasse de trop
près la vélocité et sacrifie du coup l’émotion sur l’autel du rythme, tout
comme il laisse sur le bord de la route certains personnages secondaires qui
auraient gagné à plus d’importance dans le récit. On regrette également le
manque de critique et de recul vis-à-vis de la politique américaine en matière
de trafic de drogues. Des incartades relativement mineures au regard de
l’ensemble. « American Made » est un biopic malin, tant dans le fond
que dans la forme (le vernis des seventies
rendu par un beau travail sur les filtres et le grain de l’image), efficace et plein
d’allant qui assume avec ingéniosité son statut de divertissement populaire.
Note : ★★★
Critique : Professeur Grant
Sortie en Belgique & France : 13/09
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