The Killing of a Sacred Deer

 
Steven, brillant chirurgien, est marié à Anna, ophtalmologue respectée. Ils vivent heureux avec leurs deux enfants Kim, 14 ans et Bob, 12 ans. Depuis quelques temps, Steven a pris sous son aile Martin, un jeune garçon qui a perdu son père. Mais ce dernier s'immisce progressivement au sein de la famille et devient de plus en plus menaçant, jusqu'à conduire Steven à un impensable sacrifice.



“The Killing of a Sacred Deer” sort distinctement du lot des sorties automnales. Faut-il dès lors aller voir cette mise à mort du cerf sacré (titre en VF) ?
 
Majestueusement réalisé, savamment pensé, habilement joué, “The Killing of a Sacred Deer” impressionne. Douce violence, choix unique et justicier immoral : ces trois oxymores collent bien à l’intrigue au centre du nouveau long-métrage de Yorgos Lanthimos ; le réalisateur du film “The Lobster”.

Sans trop en dévoiler, le titre du film viendrait d’une tragédie grecque d’Euripide (Iphigénie à Aulis). Dans le texte, la raison du sacrifice d’Iphigénie est explicite. Agamemnon tue accidentellement un cerf sacré appartenant à Artémis. Et la déesse d’exiger du sang en retour. Dans “The Killing of a Sacred Deer”, nous sommes bel et bien en présence d’une histoire de vengeance et de réciprocité de crimes perpétrés.

Dans la narration, le réalisateur est aidé par la musique hypnotique de feu le compositeur hongrois György Ligeti. Le choix de cette sublime et avant-gardiste musique a pour conséquence directe de rendre la vision de cette dramédie (comprenez le mix drame/comédie) relativement éprouvante. Pendant la projection, la torture psychologique ressentie par les personnages principaux guette les spectateur-trice-s. Fort heureusement, certains propos incongrus viennent détendre l'atmosphère.

À la fois choquant et ambitieux, le film est soutenu par une inventivité directoriale saisissante. Tout commence dès l’introduction du film avec le plan d’une vraie opération chirurgicale. Les plans larges renforcent l’idée que les personnages principaux sont distants. Les plongées et contre-plongées renforcent quant à elles le côté dramatique de certaines scènes.

Nicole Kidman est plutôt crédible même si l’actrice semble quelque peu “raide” sur certains plans (merci aux injections de BOTOX ?). Alors que cela semblait impossible, Colin Farrell nous prouve qu'il peut encore élever son jeu. En deux heures, il passe du chirurgien renommé à l’homme accablé et animé par un redoutable instinct d’auto-préservation. Barry Keoghan (vu dans “Dunkirk”) s’en tire à merveille en donnant graduellement dans le malsain. Raffey Cassidy (aperçue dans “Tomorrowland”) et Sunny Suljic complètent le tableau avec justesse.  

Toute la noirceur du récit est révélée au moment où les protagonistes descendent dans la cave, soit après la première moitié du film. Steven et sa femme Anna donnent alors dans l’insanité et tiendront plus tard des paroles dérangeantes. Le point de non-retour est franchi !

“The Killing of a Sacred Deer” est une expérience troublante avec sa vision caustique d’une société au premier abord parfaite. Soirées mondaines, luxe, bâtiments somptueux, maison de rêve etc.; tout cela n’est qu’une façade et les excès ne sont jamais bien loin.

Note(s) : 
★★★★ 
Si vous avez apprécié “The Lobster” et/ou si vous aimez un cinéma tortueux (à l’instar de ceux de Lynch et de Haneke), ce film est fait pour vous !
★★
Pour tou-te-s les autres, réfléchissez-y à deux fois !    


Critique : Goupil


/!\ Spoiler alert /!\ Vous n’avez pas encore vu “The Killing of a Sacred Deer” ? Nous vous conseillons d’arrêter la lecture de cet article.

Tentative d’explication par Goupil :

Le parallèle avec la tragédie d’Euripide est vite établi. Martin demande le sacrifice d’un des proches de Steven en compensation de la mort de son père parce que cet acte se rapproche le plus de sa vision de la justice. Vers les trois-quarts du film, nous apprenons que Steven Murphy avait bu avant d’opérer le père de Martin. A-t-il commis une faute grave ? Il ne l’a jamais avoué et pensait sans doute pouvoir poursuivre sa vie parfaite sans passer par la case “expiation”. C’était sans compter sur le jeune Martin.

Chercher à comprendre le pourquoi du comment est une tout autre histoire. Martin était-il un hypnotiseur naturel ? Un ado capable de mettre les deux enfants de Steven sous son joug et ainsi les forcer à adopter des comportements que la science ne peut expliquer ? Ou bien avait-il trouvé le moyen d’empoisonner à petit feu ses enfants (provoquant ainsi l'impressionnante “haemolacria”) afin de donner du crédit à son plan diabolique ? Difficile de se prononcer avec certitude. Une seule évidence subsiste : le film de Yorgos Lanthimos ne laissera personne indifférent-e !

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