Sicario: Day of the Soldado


Les cartels mexicains font régner la terreur à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Rien ni personne ne semble pouvoir les contrer. L'agent fédéral Matt Graver fait de nouveau appel au mystérieux Alejandro pour enlever la jeune Isabela Reyes, fille du baron d'un des plus gros cartels afin de déclencher une guerre fratricide entre les gangs. Mais la situation dégénère et la jeune fille devient un risque potentiel dont il faut se débarrasser. Face à ce choix infâme, Alejandro en vient à remettre en question tout ce pour quoi il se bat depuis des années…




I. Sicario. Soldado.

S’il n’a ni l’impact ni la puissance du film original, « Sicario : Day of the Soldado » possède néanmoins son efficacité et son implacable immersion grâce à une mise en scène sans concession. Exit Denis Villeneuve, parti réaliser les deux petites merveilles « Arrival » et « Blade Runner 2049 », c’est Stefano Sollima (Suburra) qui s’occupe de mettre en boîte cette suite inattendue. L’Italien peut compter sur le retour du scénariste américain Taylor Sheridan (Hell or High Water) à l’écriture, véritable pièce maîtresse du premier « Sicario ».

II. No Man’s Land

D’emblée, on rentre dans le monde interlope des cartels.  Au cœur du no man’s land de la frontière américano-mexicaine, un Musulman se fait exploser. Peu après, quatre autres se font sauter dans une supérette aux Etats-Unis. Des séquences choquantes faisant remonter à la surface des images réelles vues à la télévision ces dernières années. Les narcotrafiquants se lancent dans une autre affaire lucrative : faire passer des migrants sur le sol des Etats-Unis. Parmi ces immigrés, des terroristes.

III. Hitman

Le ministre de la Défense appelle l’agent fédéral Matt Graver (Josh Brolin, toujours impeccable de roublardise) et lui demande de se salir les mains. C’est tout naturellement que ce dernier se retourne vers le mystérieux et inquiétant hitman Alejandro Gillick (Benicio Del Toro, toujours aussi glaçant). Mais on le sait, à force de tirer les ficelles, le marionnettiste se fait (a)voir. Et notre duo de l’ombre d’être mouillé dans une opération d’exfiltration de la fille d’un baron de la drogue (la révélation Isabela Moner). Une mission qui tourne au fiasco.

IV. Captivant

Et là, on comprend pourquoi les producteurs se sont lancés dans cette suite qui, à l’annonce de sa mise en chantier, nous semblait totalement superfétatoire. Non seulement la sphère médiatique aborde très peu les liens apparemment avérés entre les cartels et ces extrémistes religieux, ce qui en fait un sujet captivant en soi, mais cela permet en outre d’apporter une histoire et des enjeux différents à ce qui est en train de devenir une franchise. Le premier acte est à ce titre particulièrement tendu.

V. Mais…

Malin et cohérent avec le film de Denis Villeneuve, Sheridan n’a pas tenté d’intégrer de manière abracadabrante le personnage d’Emily Blunt. Cette dernière est tout bonnement absente. Logique. Une suite donc, mais qui peut se voir comme une œuvre à part entière. Sauf qu’il y a un « mais »… Plutôt que de privilégier et d’approfondir la thématique des réseaux interconnectés entre les narcotrafiquants et le terrorisme, l’auteur se fourvoie dans une guerre des cartels orchestrée par les Etats-Unis. On ne passe pas à côté d’un sentiment de déjà-vu.

VI. Cojones

A partir de là, tout devient beaucoup trop limpide et sans surprise. L’intrigue n’a plus vraiment d’intérêt, les ficelles du scénario étant trop apparentes. On se désole alors de voir un récit qui enchaîne les facilités. Ainsi, la frontière désertique apparaît tour à tour comme une vaste étendue et puis comme un mouchoir de poche en fonction des besoins narratifs. Et que dire des facultés extraordinaires du sicaire Alejandro ? On notera par ailleurs l’un ou l’autre mauvais choix scénaristique : à ce propos, le final manque de cojones en faisant volte-face.

VII. Dans la lignée

Le récit emprunte également des chemins de traverse avec un réel manque de finesse dans les temporalités. On ne comprend pas pourquoi Taylor Sheridan ne s’est pas tenu à son sujet de départ, autrement plus passionnant. Au fur et à mesure, le scénariste s’écarte de cette thématique pour se rapprocher de l’intrigue du film de 2015. « Soldado » aurait pu être un véritable tour de force, il n’en reste pas moins une excellente sequel, un thriller brutal dans la parfaite lignée de son prédécesseur.

VIII. Un cauchemar éveillé

Atmosphère suffocante, tension extrême, mise en scène au cordeau, « Sicario : Day of the Soldado » est un narco-polar dérangeant qui se vit comme un cauchemar éveillé. Il n’y a pas de bons ou de méchants. Il n’y a ni justice, ni morale. Juste des intérêts économiques et une misère humaine. Comme dans le film de Villeneuve auquel celui-ci répond avec les mêmes codes : séquence anxiogène d’exfiltration, plaines arides, montage sonore oppressant, sursaut de violence… Bref, mission quasiment réussie pour le tandem Sollima/Sheridan.

Note : 

Critique : Professeur Grant

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