Quai d'Orsay



Alexandre Taillard de Worms est grand, magnifique, un homme plein de panache qui plait aux femmes et est accessoirement ministre des Affaires Étrangères du pays des Lumières : la France. Sa crinière argentée posée sur son corps d’athlète légèrement halé est partout, de la tribune des Nations Unies à New-York jusque dans la poudrière de l’Oubanga. 

Là, il y apostrophe les puissants et invoque les plus grands esprits afin de ramener la paix, calmer les nerveux de la gâchette et justifier son aura de futur prix Nobel de la paix cosmique. Alexandre Taillard de Vorms est un esprit puissant, guerroyant avec l’appui de la Sainte Trinité des concepts diplomatiques : légitimité, lucidité et efficacité. Il y pourfend les néoconservateurs américains, les russes corrompus et les chinois cupides. Le monde a beau ne pas mériter la grandeur d’âme de la France, son art se sent à l’étroit enfermé dans l’hexagone. 

Le jeune Arthur Vlaminck, jeune diplômé de l’ENA, est embauché en tant que chargé du “langage” au ministère des Affaires Étrangères. En clair, il doit écrire les discours du ministre ! Mais encore faut-il apprendre à composer avec la susceptibilité et l’entourage du prince, se faire une place entre le directeur de cabinet et les conseillers qui gravitent dans un Quai d’Orsay où le stress, l’ambition et les coups fourrés ne sont pas rares... Alors qu’il entrevoit le destin du monde, il est menacé par l’inertie des technocrates.






Adapter une bande dessinée n’est pas chose aisée. D’aucuns s’y sont cassés les dents. Parmi les pires navets: ‘Iznogoud’, ‘Les Profs’, ‘Blueberry’, ‘Michel Vaillant’. Par contre, certains ont réussi la transposition d’une petite case au grand écran comme Alain Chabat et son cultissime ‘Astérix & Obélix: Mission Cléopâtre’ ou, plus récemment, Steven Spielberg avec 'Tintin: Le Secret de la Licorne'.

Pour Bertrand Tavernier, que l’on avait plus aperçu dans les salles obscures depuis l’honorable mais oubliable ‘La Princesse de Montpensier’, le résultat est en demi-teinte. Son ‘Quai d’Orsay’ qui prend pour matériau la bande dessinée éponyme cosignée par le duo Christophe Blain, dessinateur, et le scénariste Abel Lanzac (entendez le diplomate français Antonin Baudry) ne convainc pas entièrement.

On espérait une diatribe corrosive et acérée; surtout pour un film qui était censé écorcher la sphère politique. Au final, le réalisateur de 'Ça commence aujourd'hui' n’orchestre qu’un vaudeville pataud et redondant qui sonne faux par moment. Si l’un ou l’autre sursaut burlesque ou running gags (NDLR: comique de répétition) nous fait rire aux éclats, l’ensemble s’étire et le dernier tiers patine.

Cela dit, le métrage est plaisant car la caricature fonctionne. Deux raisons à cela. D’une part parce qu’il s’en dégage un parfum d’authenticité. Le scénariste Antonin Baudry n’était autre que le conseiller chargé des discours de Dominique de Villepin. Il raconte dans sa bande dessinée ce qu’il avait pu observer auprès de l’ex-ministre lorsque la France s’opposait à la guerre en Irak. Pour rappel, le diplomate avait signé un très beau discours pacifique aux Nations Unies. A tel point que celui-ci fut longuement applaudi, fait extrêmement rare dans l’hémicycle de l’ONU.

L’autre raison qui fait de cette satire une comédie populaire relativement réjouissante: Thierry Lhermitte. Le Bronzé est tout bonnement irrésistible en accro du Stabilo canari. Dans un numéro grand-guignolesque tordant, celui-ci livre toutes les subtilités du fameux fluo pour surligner. Un must! L’acteur s’amuse comme un petit fou à camper un ministre virevoltant dans tous les sens. A ses côtés, Niels Arestrup est formidable en directeur de cabinet complètement las des pitreries du premier.

Verdict: bon mais pouvait mieux faire!

Note:
Critique: Professeur Grant

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