Fury


Avril 1945. Les Alliés mènent leur ultime offensive en Europe. À bord d’un tank Sherman, le sergent Wardaddy et ses quatre hommes s’engagent dans une mission à très haut risque bien au-delà des lignes ennemies. Face à un adversaire dont le nombre et la puissance de feu les dépassent, Wardaddy et son équipage vont devoir tout tenter pour frapper l’Allemagne nazie en plein cœur…







On le sait, David Ayer propose un cinéma sans concessions, brut de décoffrage, sanglant, violent, organique, brutal. En témoigne sa filmographie: «Bad Times», «Street Kings» ou encore l’excellent «End Of Watch» sous la casquette de réalisateur ou «The Fast and The Furious» et «Training Day» en tant que scénariste. A peine rétabli de la douloureuse déconvenue de «Sabotage» sorti l’été dernier, hommage aux films d’action old school où Arnold Schwarzenegger donne la réplique à Sam Worthington, le metteur en scène s’est tout de suite remis en selle pour shooter «Fury», du nom d’un tank conduit par des soldats américains à travers l’Allemagne nazie au crépuscule de la Seconde Guerre mondiale.

Raconter l’histoire de militaires claquemurés dans une machine de guerre en tôle, ça le connaît. On lui doit notamment une participation au scénario de «U-571», honnête métrage de sous-marins passé totalement inaperçu à l’orée des années 2000 (le chef-d’œuvre allemand de Wolfgang Petersen «Das Boat» restant l’ultime référence). Qu’on se le dise, Ayer n’a aucune leçon à recevoir pour filmer un habitacle clos et faire ressentir l’impression de claustration vécue par ces Alliés chargés d’une mission à haut risque. Sa mise en scène est tellement efficace que le spectateur devient sujet à la claustrophobie.

L’autre bonne surprise de ce long métrage: le choix de la période décrite, soit un focus sur la fin du conflit. Une phase généralement boudée par les cinéastes. Pourtant, ce moment précis de la Seconde Guerre mondiale est digne d’intérêt. Avril 1945. Adolf Hitler, acculé, déclare la guerre totale. Entendez: les femmes et les enfants sont enrôlés pour prêter main-forte aux troupes nazies en déroute. En perdition, les Allemands mènent leurs ultimes offensives. Des opérations suicides qui coûteront la vie à de nombreux Alliés.

En sus de faire face à l’innommable, Brad Pitt, alias Wardaddy (ça ne s’invente pas!), et son escouade devront combattre, au-delà des lignes ennemies, un adversaire plutôt coriace. Le nombre et la force de frappe les dépassent. Comme lors de cette scène de face-à-face trop courte pour être culte entre le US Sherman et le Tiger allemand, panzer plus moderne. Mise en boîte avec brio, la séquence est un pur régal. 

Entre manœuvres tactiques et puissance de feu, David Ayer nous plonge au cœur du combat et montre la lourdeur et la dureté des affrontements. L'immersion est parfaite. Au moyen d’un réalisme saisissant (hémoglobine, boue, crasse, corps déchiquetés etc.) et au travers de cette épopée suicidaire, le cinéaste dépeint un univers irrationnel sans pitié. Pas de patriotisme à la mords-moi le nœud, pas (trop) de gloriole non plus. Chez lui, les Américains ne sont pas tous des gentils libérateurs.

Cependant, contrairement à de nombreux critiques, on ne partage pas entièrement leur enthousiasme. Car malgré tout, «Fury» souffre de plusieurs défauts. Écrivons-le tout de go, les maladresses sont pléthoriques: sentimentalisme malvenu, kyrielle de balourdises, ribambelle de clichés, myriade d’incohérences, paternalisme gnangnan, dialogues creux ou sonnant faux, musique envahissante, récit un peu court (et du coup un film un chouïa long), effets gores à outrance purement gratuits sans compter des personnages ainsi que des situations qui manquent sensiblement de subtilité.

On retombe ainsi dans les travers de David Ayer, soit l’envie d'offrir un actionner bourrin calibré pour être accessible à tout Américain moyen. Si la guerre, ce n’est pas le fin du fin, il s’agit de ne pas en rajouter une triple couche et de surligner toute la bobine du film au marqueur rouge. On déplore également un manque de précisions techniques sur ces engins de guerre. On aurait aimé en savoir davantage. Cela dit, au final, le cinéaste offre tout de même un spectacle âpre et viscéral qui prend aux tripes dès le début. Le cahier des charges de la Columbia (Sony) est respecté et le divertissement, lui, est sain et sauf. Pour le studio, c’est mission réussie.

A noter: en avril dernier, on vous disait tout le mal qu’on pensait de Logan Lerman à l’occasion de la sortie de «Noah» dans les salles obscures. Force est de constater qu’aujourd’hui, l'acteur s’est racheté une place dans l'estime du cinéphile. C’est indéniable, le jeunot a pris en maturité sur le tournage difficile de «Fury». Toutefois, il ne possède pas encore l’intensité de jeu d’un Brad Pitt (en mode Inglourious Basterd) ou d’un Shia LaBeouf, lequel a opéré le bon choix en voulant absolument s’extraire de «Transformers», la saga débilitante de Michael Bay.

Note:
Critique: Professeur Grant

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