Big Eyes
BIG EYES raconte l'histoire vraie de l'une des plus grandes
arnaques artistiques du XXème siècle. Dans les années
'50 et '60, le peintre Walter Keane rencontre un succès exceptionnel
avec ses tableaux représentant des enfants aux yeux surdimensionnés.
La reproduction en masse de ces peintures est une révolution dans la
vulgarisation et la commercialisation de l'art. C'est alors
que la vérité éclate : ce n'est pas Walter Keane, mais sa femme
Margaret qui a peint les tableaux. Un des plus gros mensonges de
l'histoire de l'art est mis à jour.
«Big
Eyes», dix-septième long métrage de Tim Burton (Big Fish), ne
restera pas dans les mémoires. Filmée sans ingéniosité,
l’histoire vraie de cette peintre escroquée par son imposteur de
mari est déroulée platement par un cinéaste qui a perdu sa
maestria. In fine, il y a très peu d’art dans cette réalisation
centrée sur… l’art. Un comble! On dirait que le metteur en scène
à la chevelure hirsute s’est complètement effacé devant son
sujet. Pas de touche singulière, peu de poésie, aucune
personnalité.
A peine
sauverons-nous cette séquence onirique et cauchemardesque à la fois
dans le supermarché où l’héroïne voit des grands yeux partout.
Mais, soyons de bon compte, «Big Eyes» est un téléfilm de luxe.
Quand même! C’est que Burton n’est pas un manche. Et,
admettons-le également, le tout est joliment emballé. Des costumes
vintages aux décors 50-60’s en passant par le beau travail de
composition de Danny Elfman, il n’y a rien à jeter.
Au
final, on retiendra un récit édifiant scénarisé sans génie mais
rehaussé par l’interprétation sans faille d’une délicieuse Amy
Adams dont on ne dira jamais assez de bien. Par contre, là où l’on
émet davantage de réserves, c’est à propos du (sur)jeu de
Christoph Waltz. A force de toujours tirer sur la même ficelle,
l’Autrichien tout grimaçant devient une caricature de lui-même.
En plein recyclage, Waltz fait du Waltz avec la même palette de
jeux, soit toutes les couleurs de l’extravagance avec, en promo, la
panoplie complète de ses simagrées grand-guignolesques préférées.
A l’instar de ce cabot de Johnny Depp qui nous refourgue son Jack
Sparrow à toutes les sauces…
Le
résultat est sans appel: sans âme, sans éclat, sans inventivité,
sans relief, ce biopic bancal d’un classicisme daté sera donc une
œuvre mineure dans la filmographie de Tim Burton. Un drame comme
Hollywood en produit une palanquée et qui rappelle finalement l’un
des thèmes les plus intéressants du film, bien que pas assez
fouillé à notre goût: celui de l’aura d’une œuvre d’art et
de son évaporation lorsqu’on reproduit un objet artistique à
grande échelle. Ce que le philosophe et historien de l'art Walter
Benjamin appelle le «hic et nunc», entendez «l’unique apparition
d’un lointain si proche soit-il», et qui disparaît à l’ère de
la reproductibilité technique. Ou quand le sacro-saint art se
substitue aux lois du marketing…
Note: ★★
Critique:
Professeur Grant
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