Irrational Man



Un tourmenté professeur de philosophie retrouve la joie de vivre en décidant d'accomplir un acte marquant.     



L'attirance d'une jeune femme envers un quadra expérimenté est un phénomène moult fois transposé sur grand écran. Personnage principal torturé, réflexions philosophiques, concepts explicatifs (la philosophie vue comme une « masturbation verbale »), le film se veut intello, mais l'est-il vraiment ?

Prof de philo à la bedaine doublé d'un écrivain dépressif, Abe – joué par le magistral et ô combien talentueux Joaquin Phoenix ('Inherent Vice', 'Her', 'The Master', 'Walk the Line', 'Gladiator') débarque sur un campus qui lui est étranger. Il y fera la rencontre de deux femmes. Jill - la plus jeune - jouée par la talentueuse Emma Stone ('Birdman', 'Magic in the Moonlight', 'The Amazing Spider-Man', 'The Help'), et Rita, interprétée par une Parker Posey que l'on ne voit que trop peu de nos jours ('You've Got Mail', 'Superman Returns').

Moins simple qu'il n'y paraît, le film est intéressant à plusieurs niveaux. Primo, il offre une vision non stéréotypée de la séduction. L'homme ici repousse les avances des femmes, Abe étant ainsi la proie amoureuse et non le chasseur. Deuzio, le film présente deux intrigues ; une principale qui constitue le trio amoureux, et une secondaire qui a son importance dès la seconde partie du film (mais dont nous tairons ici les grandes lignes). Tertio, le film donne la parole à deux narrateurs, ce qui assure au long-métrage un côté recherché.

Le film emprunte beaucoup à la philosophie, allant même jusqu'à calquer le titre du bouquin de William Barrett, publié en 1958 : « Irrational Man : A Study In Existential Philosophy ». Woody Allen va même plus loin puisque le but avoué de Barrett – ce prof de philo – était d'introduire l’existentialisme au grand public. Tout est là, pas besoin d'aller chercher plus loin. Abe se paie même le luxe de citer les quatre grandes figures de l’existentialisme que sont Kierkegaard, Dostoïevski, Nietzsche et Sartre. Woody fait même adopter à son personnage principal une attitude existentielle. Désorienté et confus, Abe ne sait que faire de son existence face à un monde qu'il trouve absurde (et cela même après avoir œuvré dans l'humanitaire).

Dans la lignée de 'Match Point', 'Crimes & Misdemeanors' et 'Cassandra's Dreams', 'Irrational Man' diffère grandement des romances que sont 'Midnight in Paris', 'To Rome with Love' et 'Vicky Christina Barcelona'.
Entre répliques cyniques et cours de philosophie « 101 », le film peine à émouvoir. On s'attache difficilement à des personnages qui auraient pu être plus travaillés.
Joaquin assure pourtant, même dans un rôle décousu. Pendant le film, il passe de la dépression à la démence (cette scène où – témoignant de son malaise – il affiche un regard de braise après avoir accompli un méfait, est sublime) en passant par l'euphorie.

'Irrational Man' déçoit au final quelque peu. Nonobstant une direction de casting irréprochable et une bande-originale agréable, c'est la fin qui fait pâle figure. Difficile d'apprécier la soi-disant morale (« la vie vaut la peine d'être vécue ») tant la pilule est grosse à avaler. Impossible en effet de ne pas mettre en parallèle l'intrigue du film avec une partie de la vie privée de Woody (la romance qui donna lieu à un mariage avec Soon-Yi Previn - la fille adoptive de son ex-compagne Mia Farrow).
Le film n'est pas tant une fiction auto-justifiante de faits réels qu'un refoulement enrobé dans l'imagerie de son propre cinéma. « Le cœur a ses raisons que la raison ignore ». Chez Woody, ça sonne plutôt comme « le cœur veut ce qu'il veut ! ». Allen – en s’auto-flagellant – se présente lui-même comme le véritable « homme irrationnel »!   

Note: 
Critique: Goupil

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