In the Heart of the Sea


Hiver 1820. Le baleinier Essex quitte la Nouvelle-Angleterre et met le cap sur le Pacifique. Il est alors attaqué par une baleine gigantesque qui provoque le naufrage de l'embarcation. À bord, le capitaine George Pollard, inexpérimenté, et son second plus aguerri, Owen Chase, tentent de maîtriser la situation. Mais face aux éléments déchaînés et à la faim, les hommes se laissent gagner par la panique et le désespoir…






On l’attendait de pied ferme. L’excitation était à son comble en début d’année dernière. Annoncé pour mars 2015, avec des posters pullulant dans les complexes cinématographiques et une bande-annonce diffusée en boucle, «In The Heart of The Sea» promettait monts et merveilles. Et puis, pouf! Parti. Plus d’affiches. Même l’échantillon pelliculaire a déserté des radars. Warner Bros ayant décidé de le repousser à la fin de l’année. Rien de bien sorcier à ce retournement de situation. 



Selon les producteurs dudit long métrage, le film est tellement bon qu’il pourrait glaner çà et là quelques précieux prix afin d’accroitre sa reconnaissance et sa publicité auprès du grand public. Vous comprendrez que le service marketing ne crache pas sur de la promotion gratuite toujours bienvenue en ces temps de disette budgétaire. Et puis, surtout, il s’agissait de bien le positionner dans la course aux Oscar, laquelle commence concrètement au début de l’automne. Le cinéphile, lui, prend son mal en patience, rassuré par tant d’ambitions de la part de la major. 



Un an après l’annonce du report, place au bilan. Au sortir de la projection, on se dit qu’on n’a peut-être pas vu la même œuvre que les pontes surexcités du studio… Mais de quoi s’agit-il réellement ? Deux ans après l’inoubliable «Rush» sur la rivalité légendaire entre les pilotes de Formule 1 Niki Lauda et James Hunt, Ron Howard signe son come-back dans les salles obscures avec un autre récit véridique, celui qui a inspiré le chef-d’œuvre littéraire «Moby Dick». 

Une fois n’est pas coutume, l’ex-enfant star d’Hollywood devenu réalisateur se révèle un excellent conteur d’histoires. Dans «In The Heart of The Sea», ce dernier prend le temps d’exposer les différents éléments et enjeux qui ont conduit, durant l’hiver 1820, des hommes à pourchasser les cachalots. A bord du baleinier Essex, le capitaine George Pollard, inexpérimenté, et son second plus aguerri, Owen Chase, tentent cahin-caha de faire face aux forces de la nature. 

Reconnaissons au réalisateur une certaine virtuosité dans l’art de la mise en scène. Les séquences de chasses à la baleine sont, à ce titre, époustouflantes tandis que la reconstitution est soignée. Avec sa caméra embarquée au plus près des hommes, celui-ci donne à voir la griserie de l’action et l’exaltation de la tâche. A ses côtés, le chef opérateur Anthony Dod Mantle, oscarisé pour «Slumdog Millionaire», livre un formidable travail d’orfèvre avec différentes teintes de luminosité qui font de la pellicule de mirifiques tableaux. De la belle ouvrage accentué par des effets spéciaux saisissants qui mêlent le spectaculaire au merveilleux. Plastiquement, le film est irréprochable. 

Seulement, cette mise en image réussie peine toutefois à dissimuler les grosses tares qui parcourent le métrage. Comme l’interprétation inégale livrée par une distribution bancale. Là où un acharné comme David Fincher est prêt à retourner plusieurs fois la même scène tant qu’il ne capte pas la nuance ou le détail désiré, Ron Howard semble se satisfaire de la première prise. Or, nos comédiens, pas assez aguerris, ne livrent pas d’emblée leur meilleure performance. Du coup, on assiste un brin embarrassé à un Chris Hemsworth qui en fait des caisses durant toute l’introduction, un Tom Holland en roue libre et un Cillian Murphy totalement effacé. Seul le tandem formé par Brendan Gleeson et Ben Whishaw tire son épingle du jeu. 

Ce casting boiteux plombe particulièrement la deuxième partie qui se mue en «survival movie». Comme on a du mal à croire aux protagonistes, on éprouve quelques difficultés à s’émouvoir de leur sort. Pis, vu les atrocités réservées aux cétacés, on se place résolument du côté de ces mammifères et on en vient à se réjouir du malheur des hommes. Il semblerait que les scénaristes aient oublié de dessiner les contours des personnages pour leur donner davantage d’épaisseur. Du coup, plusieurs rôles secondaires passent à la trappe. Et pour ne pas arranger les choses, le récit ne parvient pas à rendre cette épopée épique et encore moins effroyable. La structure en flash-back, plutôt contraignante en termes de rythme, n’aidant pas. 

Enfin, «In The Heart of The Sea» souffre évidemment de la comparaison avec d’autres superproductions maritimes. Ainsi, le méconnu et pourtant inégalable «Master and Commander: The Far Side of The World», injustement boudé à sa sortie et totalement sous-estimé part la critique spécialisée, est une référence qui surclasse toutes les autres fictions navales. On remarque à l’écran que Ron Howard s’en est inspiré, mais n’est pas le prodigieux Peter Weir qui veut. 

Note: 
Critique: Professeur Grant

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