The Hateful Eight
Quelques années après la Guerre de Sécession, le chasseur de primes John Ruth, dit Le Bourreau, fait route vers Red Rock, où il conduit sa prisonnière Daisy Domergue se faire pendre. Sur leur route, ils rencontrent le Major Marquis Warren, un ancien soldat lui aussi devenu chasseur de primes, et Chris Mannix, le nouveau shérif de Red Rock. Surpris par le blizzard, ils trouvent refuge dans une auberge au milieu des montagnes, où ils sont accueillis par quatre personnages énigmatiques : le confédéré, le mexicain, le cowboy et le court-sur-pattes. Alors que la tempête s’abat au-dessus du massif, l’auberge va abriter une série de tromperies et de trahisons. L’un de ces huit salopards n’est pas celui qu’il prétend être ; il y a fort à parier que tout le monde ne sortira pas vivant de l’auberge de Minnie…
«The
Hateful Eight» ou quand Quentin fait son Tarantino
- critique au vitriol d’un Professeur désappointé :
- critique au vitriol d’un Professeur désappointé :
Prologue:
Un soir de semaine
Mercredi 6 janvier.
20h30. Au cœur d’un petit faubourg brabançon wallon. La grisaille est reine et
le froid transperce les doudounes. Les moufles et les bonnets sont de sortie.
L’écharpe, elle, enveloppe les visages ne laissant s’échapper que la vapeur du
souffle. Quant à l’invité surprise, la pluie, elle a brûlé la priorité à sa
concurrente, la neige. Rien de mieux qu’une salle obscure avec trois pelés et
un tondu pour se réchauffer les panards, se dit-on. Mal nous en a pris. Le film
projeté sur la grande toile nous aura tout autant refroidi que le sort réservé
à certains des protagonistes dudit métrage…
Chapitre
1: Huit
Huit, comme le huitième
film de Quentin Tarantino, si du moins on considère le diptyque «Kill Bill»
comme un seul et unique volume. Huit, comme les huit salopards au centre de
cette histoire dans laquelle un bourreau et sa prisonnière vont faire la
connaissance de six personnages mystérieux. Huit, comme le hui(t)s clos, genre
particulier qui tient souvent de l’exercice de style: dans un relais de
diligence, par temps de blizzard, ces «Hateful Eight» vont devoir cohabiter
alors que la Faucheuse vient soudainement leur rendre une petite visite. Huit, enfin,
comme le symbole de l’infini tant les théories et autres possibilités s’avèrent
pléthoriques. Qui est le véritable coupable et qu’est-ce qui se trame derrière
toute cette mise en scène ? Les questions sont posées, le Cluedo peut
commencer.
Chapitre
2: deux heures quarante-huit
Durée du métrage: deux
heures quarante-HUIT. Long ? Effectivement. Très long ? Assurément. Trop
long ? Indubitablement. Vous voilà prévenus. Depuis une petite œuvre
méconnue sortie au beau milieu des années 90, «Pulp Fiction» pour ne pas la
nommer, l’enfant terrible du cinéma américain a réussi à peser dans la
balance lors des signatures de contrats. Vu l’aura quasiment mystique du
bonhomme, on lui a accordé (presque) tous ses caprices de metteur en scène.
Comme la durée excessive de ses fictions.
Ainsi, depuis, le cinéaste
se laisse aller en salle de montage, couronne royale sur la tête et sceptre en
main, oubliant peu à peu l’interrupteur «cut», bouton pourtant indispensable,
même pour un réalisateur devenu éminence papale, histoire d’écrémer la
pellicule des scènes dérisoires et de faire la part des choses entre l’essentiel
et l’accessoire. Si «Django Unchained» et «Death Proof» pouvaient déjà être
rabotés de quelques futiles minutes, que dire de cette nouvelle tarantinade.
Long ? Abusivement!
Chapitre
3: blablabla… blablabla… blablabla…
Long mais pas lent. Car
QT est un scénariste hors pair qui possède cette rare aptitude de savoir maintenir
la tension grâce à des punchlines affûtées et savoureuses. Mais là où le dosage
se montrait particulièrement savant lors de ses derniers métrages, ici, l’auteur
débite des lignes de dialogues à foison en perdant tout sens de la mesure.
Encore et encore et encore et ce, en oubliant totalement la trame principale. Les
joutes verbales prolixes et moins ciselées qu’à l’accoutumée s’enlisent alors
dans l’insignifiante redondance.
D’aucuns soliloquent
pendant que d’autres discoureurs pérorent à qui mieux-mieux. Tarantino, tout en
se regardant dialoguer, se perd dans des palabres filandreuses et livre in fine
un film verbeux qui nous fait, par moment, piquer du nez. On le remarque, son
art prend un tournant de plus en plus littéraire et de moins en moins
cinématographique. Notre homme oublie de servir l’intrigue en affublant une
logorrhée superfétatoire à ses personnages. Crénom, qu’on a envie que ce
verbiage se termine!
Chapitre
4: Ou tout l’art de l’onanisme
Force est de constater
qu’avec les années, le natif de l’Etat des volontaires pratique de plus en plus
l’onanisme, ou l’art du plaisir solitaire. Il s’accorde de joyeuses petites
gâteries en réalisant des films qui satisfont davantage ses péchés mignons et
autres folies extravagantes que les désirs enfouis des cinéphiles à voir du
neuf. Se reposant uniquement sur une formule qui a fait ses preuves durant
toute sa filmographie, le wonderboy d’Hollywood semble se complaire dans la
démesure et l’outrance. Ainsi, les producteurs lui ont accordé toutes ses
toquades.
Outre la durée
susmentionnée, on lui a donné la possibilité de filmer en Ultra Panavision (format
de pellicule cinématographique de 70 mm), soit un procédé pas du tout rentable
à l’heure du tout-numérique. Certes, il faut y voir le geste d’un cinéphile nostalgique
des images surannées de toute beauté d’antan animé, en sus, par l’envie de
renouer avec la gloire révolue des «Ben-Hur» et autres «West Side Story»
Mais, qu’on se le dise, son utilisation n’a rien de militant; on est aux
antipodes d’une action politique virulente envers le numérique. En réalité, elle
ne dépasse pas le stade de la foucade d’un enfant gâté.
Notre matamore
s’octroie, par ailleurs, le luxe de sortir ce bon vieux Ennio (Morricone) de sa
retraite pour lui faire jouer sa bande musicale. Très belle partition, au
passage, sublimant vraiment la pellicule, mais pouvait-il en être autrement
avec un maestro virtuose de cette trempe? Folies des grandeurs, coquetteries
chics, gore à outrance, discussions interminables, étalages ostentatoires,
violence grand-guignolesque etc., le cinéaste ne se refuse rien dans ce qui
s’apparente davantage à une séance masturbatoire. Vu l’égo surdimensionné du faraud,
on ne s’étonnerait pas de le voir jouir, vit tendu en main, devant son propre
long métrage… Paradoxe: plus il prend de plaisir, moins il en donne. Égoïste!
Chapitre
5: L’auto-pastiche selon Quentin
En 2012, nous écrivions
à propos de «Django Unchained»: «Le cinéaste ne propose rien de neuf. Si
ce dernier change effectivement de genre à chaque fois qu’il prend sa caméra,
celui-ci se contente d’appliquer son art de la même manière, ce qui nous donne
la sensation étrange de voir le même film dans des décors différents.
Tarantino, caricature de lui-même, «fait son cinéma» sans s’essayer à de
nouveaux horizons. Ce qui pourrait lasser, à terme. Innover pour ne pas être
prévisible, telle sera la gageure à relever lors de son retour dans les salles
obscures».
Force est de constater
que le défi n’a pas été pris à sa juste valeur. QT s’auto-parodie derechef tant
dans son scénario que dans ses excès de forme. Ou quand Quentin fait son
Tarantino! Ses qualités et défauts apparaissent à l’écran de manière exacerbée
ce qui nous gratifient autant qu’ils nous irritent. Que l’on adhère ou non à ce
qui nous est montré, le sentiment de déjà vu l’emporte. Tel Terrence Malick qui
a tendance à se singer dans ses dernières productions, Tarantino peine à éviter
l’écueil du pastiche de sa propre vision artistique.
Chapitre
6: Cabotinage en règle
Ceux qui babillent,
jacassent, caquettent, philosophent à n’en plus finir, c’est eux: les huit
salopards en question. Avec, à leur tête, ou plutôt celle qui leur tient tête,
la seule et unique femme: Jennifer Jason Leigh, comédienne qu’on ne présente
plus même si, pour le cinévore lambda, cette dernière a disparu des écrans
radar depuis belle lurette. Démente en prisonnière rongée du ciboulot,
l’actrice offre sans aucun doute la prestation la plus subtile du lot, les
autres se contentant de cabotiner à l’envi.
On sait que le metteur
en scène a tendance à appuyer les situations par des jeux, dialogues, accents à
l’extravagance totalement assumée, mais «trop is te veel» comme on dit dans nos
contrées bruxelloises. Là où l’incarnation sonnait juste dans les dernières tarantinades,
ici, notre casting force beaucoup trop le trait et s’illustre comme de grossières
caricatures, pierre d’achoppement à toute identification. Kurt Russell, Samuel
Lee Jackson, Michael Madsen, Demián Bichir, Walton Goggins y vont tour à tour à
l’esbroufe dans des numéros de fla-flas et d’épate. C’est à celui qui
accrochera d’emblée les mirettes et les esgourdes du spectateur.
Par ailleurs, c’est
avec une joie incommensurable qu’on découvre un nouveau membre de la famille de
Hans Landa (le vilain polyglotte d’«Inglourious Basterds»). Après le cousin
lointain, le docteur King Schultz, rencontré dans «Django Unchained», nous
faisons la connaissance de son frère jumeau, Oswaldo Mobray, toujours interprété
par ce bon vieux Christoph Waltz. Non, mais attendez voir… Mille excuses! C’est
Tim Roth qui l’incarne, lequel a sans aucun doute effectué un atelier de
mimétisme dispensé par l’Autrichien. Vous l’aurez compris, derrière l’ironie,
se cache une profonde désillusion. Ou quand QT en vient pratiquement à recycler
ses propres personnages…
Épilogue:
Un peu plus loin des étoiles
Écrivons-le sans
ambages, son nouveau western tire à blanc avec ce cocktail peu (d)éton(n)ant.
La recette a fini par lasser. La mayonnaise ne prend plus. A force de recycler
à tout-va, Quentin Tarantino se pousse du col et ne surprend guère plus le
spectateur. Si on peut audacieusement résumer ce «Hateful Eight» à la somme de
«Reservoir Dogs» (pour le huis clos), «Pulp Fiction» (pour le récit choral
enchevêtré) et «Django Unchained» (pour le western), il n’a cependant ni
l’intensité du premier, ni l’inventivité du second, ni la fulgurance du
troisième.
Tout en grappillant des
éléments clefs de ces trois précédents métrages, le fanfaron ne parvient pas à
faire mieux. Même pas aussi bien. On lui saurait gré de s’infliger une sacrée mandale
pour enfin renouer avec la pluie d’étoiles que desservent d’ordinaire les
critiques à son sujet. Un coup de fouet salvateur car ce dernier gaspille son
talent dans des succédanés de ses chefs-d’œuvre passés. Quelle gabegie! Pour
nous, le résultat est sans appel: deux petites étoiles!
Addendum:
La note - indispensable - de bas de page
Ne vous méprenez pas,
un Tarantino mineur reste une œuvre majeure dans la flopée de sorties proposées
par les exploitants de salles. C’est du beau cinéma (mise en scène singulière,
décors et costumes fignolés, touches humoristiques plaisantes, bande sonore
soignée, divertissement assuré…) qui a le mérite de ne correspondre à aucune autre
catégorie si ce n’est la sienne, et c’est précisément là que se situe ses
limites. Au fil des années, le «film à la Tarantino» est devenu un genre à part
entière régi par ses propres codes. Le hic, c’est que le cinéaste ne
révolutionne plus son propre genre depuis des lustres, vire constamment dans
l’autocitation et finit alors par s’embourber dans l’auto-parodie. En vérité,
on lui sait peu de gré de nous avoir servi un plat cent fois dégusté. A quand
la nouveauté ?
Note: ★★
Critique: Professeur Grant
Critique: Professeur Grant
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