Hail, Caesar!

Hollywood, les années 50. Capitol Pictures tourne 'Hail Caesar', un film centré sur la vie du Christ, quand sa star (Clooney) vient à disparaître. Eddie Mannix (Brolin) - un solutionneur de problèmes pour stars - doit le ramener, tout en faisant face à d'autres problèmes de la vie quotidienne.



 
Ave Caesar morituri te salutant. Ici, Il n'est ni question de César ni même de mise à mort. Le dernier film des frères Coen ('Barton Fink', 'The Big Lebowski', 'O'Brother', 'Intolerable Cruelty',  'Ladykillers', etc) revêt-il une cape majestueuse ou un manteau grotesque ? Les frères Coen se sont-ils reposés sur leurs lauriers ? Si hoc credis, erras.

Dans la maison des frères Coen, le duc Lebowski squatte le canapé pendant que Miles et Marylin se disputent dans la cuisine. Le professeur Dorr et sa bande de musiciens pas si innocents répètent à la cave. Quant à Everett, Pete et Delmar, ils se cachent dans le jardin, derrière la haie. Inutile de rappeler que dans la famille des frères Coen, l'univers est très étendu.

Avec 'Hail, Caesar!', les frères Coen tirent leur chapeau aux films qui ont marqué l'industrie du cinéma. Les références pleuvent. Elles commencent en la personne d'E.J. Mannix (Josh Brolin), un célèbre producteur chez MGM qui avait pour réputation de pouvoir faire empêcher n'importe quel scandale. On notera que le nom du studio est le même que celui dans 'Barton Fink' (Capitol Pictures). L'intrigue se passe d'ailleurs à la même époque. Il n'y a qu'un pas à faire pour imaginer que l'action de 'Hail, Caesar!' se passe dans le même univers, soit la « Coenlaxie ».

Enlèvement, mallette pleine d'oseille en guise de rançon (comme dans 'The Big Lebowski'), problèmes existentiels (tout comme 'A Serious Man'), une rançon perdue ('Fargo'). C'est à se demander si les Coen ne donneraient pas dans l'auto-parodie. Mais pas seulement puisque le film multiplie les hommages aux westerns de l'époque de Roy Rogers avec la projection de 'Lazy Ol Moon' et surtout une séquence où Hobie fabrique un lasso à partir des spaghetti de son assiette. Les westerns spaghetti, anyone?
'Shine On Harvest Moon' (1938)
Il y a aussi un peu de 'Quo Vadis', 'Ben-Hur' et 'Spartacus' dans cette épopée qu'est 'Hail ,Caesar!' ; qui soit dit en passant partage le même sous-titre que 'Ben-Hur' ('A Tale of the Christ'). Coincidence ? Ou Coen-incidence ?

La mission de 'Hail, Caesar!' est double : dénoncer les absurdités de l'industrie (à une époque où les réalisateurs ne pouvaient pas choisir leurs acteurs) et se moquer de cet Âge d'Or tout en lui rendant un vibrant hommage. L'intrigue prend place dans une Amérique où le Maccarthysme était sur toutes les lèvres. Ce choix laisse place à une série de gags où l'auto-dérision n'est jamais très loin.

C'est au « raccommodeur » du studio qu'est Eddie Mannix, que revient la lourde tâche de jouer la baby-sitter. Il devra ainsi : retrouver l'acteur kidnappé et par la même occasion sauver le studio de la banqueroute ; trouver un mari à une actrice/vedette enceinte (une femme pas mariée attendant un enfant ? Cela ne faisait guère bon genre à l'époque...); convaincre un directeur (Fiennes) d'engager une star de westerns dans un rôle à contre-emploi ; et enfin s'efforcer de démentir les histoires des journalistes en quête de scoop. Brolin, dans le rôle principal, surjoue très légèrement comme le faisaient les acteurs d'autant. Clooney est quant à lui parfait dans le rôle de la star qui ne se prend pas au sérieux.

Costumes, décors,... rien n'a été négligé. La scène des claquettes, très réussie, fait penser à Gene Kelly. Quant à « l'aqua-chorégraphie » avec Scarlett Johansson en mode sirène, elle n'est pas sans rappeler 'Bathing Beauty' (1944).

Le casting fait la part belle aux grosses pointures pour les rôles principaux (Ralph Fiennes, Tilda Swinton, Frances McDormand et Jonah Hill pour ceux dont nous n'avons pas encore parlé). Au niveau des seconds couteaux, on aperçoit Christopher Lambert en réalisateur et Wayne Knight en figurant (mais oui, Nedry dans 'Jurassic Park'). Alden Ehrenreich (interprétant l'acteur/cowboy Hobie) est sans conteste LA révélation du film.

Malgré toutes ces qualités, un goût de trop peu reste en bouche. La faute à une scénario un poil décousu ? Il est vrai que l'ensemble ressemble plus à une succession de diversions - certes fort plaisantes - plutôt qu'à une aventure à proprement parler. Dommage que les frères C n'ont pas fait planer le mystère autour de l'identité du ravisseur... Cela aurait indéniablement conféré au film plus de suspense.

Bénissez les frères Coen car ils ont péché : ils nous livrent un film en-deçà de ce qu'ils ont pour habitude de réaliser mais qui reste malgré tout au-dessus de la mêlée. « Si seulement c'était aussi simple [pour les autres réalisateurs]. » 

Note : 
Critique : Goupil

Anecdote qui ravira sans conteste les détracteurs de George Clooney (y en a-t-il seulement ?) : pour le besoin d'une scène, l'acteur fut frappé par Josh Brolin et ce, à plusieurs reprises. Gage d'une réaction authentique ?



Autre critique, autre point de vue – «Hail Caesar !» vu par le Professeur Grant : 

Ils sont partout! Quand ils ne se dorent pas la pilule sur la Croisette pour remettre la Palme d’Or, ils écrivent un script (Bridge of Spies) pour Tonton Spielberg. Et quand ils n’essayent pas leur costard pour la soirée de remise des Oscars pour laquelle ils sont nominés pour ledit scénario, ils supervisent le bon déroulement de la série adaptée de leur cultissime «Fargo». Nonobstant ce planning chargé, ils ont quand même dégagé du temps pour tourner une fiction bien barrée et dévoilent aujourd’hui ce fameux long métrage, le fort attendu «Hail, Caesar!».

Vous l’aurez deviné, derrière le «ils» se cachent en réalité Ethan et Joel Coen. Chaque production estampillée «A Coen Brothers Movie» est un événement. Celle-ci ne fait pas exception à la règle. Et pour cause: la paire frangine s’attaque en un coup à tous les genres cinématographiques, ou presque, avec une sorte de film-somme sur le septième art. Ou plus précisément sur l’âge d’or d’Hollywood, durant les années cinquante. Une époque où la machine à rêves turbinait sans relâche pour régaler indifféremment ses spectateurs de longs métrages en tous genres. Tous les styles y passent: péplum biblique, comédie musicale, ballet aquatique, western déjanté, drame romantique, thriller politique… Notre tandem se fait plaisir et ça se voit à l’écran.

«Ave, César!», en latin dans le texte, raconte donc l’histoire d’Eddie Mannix (Josh Brolin, impeccable, comme d’habitude), un «fixer» comme on dit dans le jargon hollywoodien. Une sorte de délégué de production dont le rôle est de superviser le bon déroulement des divers tournages qui ont lieu sur les différents plateaux d’un studio. Un travail qui ne connaît ni les horaires, ni la routine. Caprices de stars, pressions de journalistes, réalisateurs furax, susceptibilités de leaders d’opinion… il doit combiner différents problèmes au quotidien. Mais aujourd’hui, son plus gros souci est l’enlèvement de Baird Whitlock (George Clooney en cabotin), entendez la «big movie star» de son blockbuster au budget exorbitant…   

Le duo de cinéastes, et cinéphiles de surcroît, prend un malin plaisir à rendre hommage au médium cinématographique. Sur le ton de la satire un tantinet grinçante, le tandem dépeint les coulisses de l’industrie californienne en égratignant toutes les professions: du casting à la réalisation en passant par la production ou la presse. Ils tournent en dérision cette machine à rêves en montrant la frivolité, la concupiscence et les autres excès qui y règnent. Dommage toutefois que la caricature soit si légère. L’ensemble manque de mordant, de causticité. En substance, la vacuité du récit est inversement proportionnelle à la richesse visuelle de la mise en scène. Ainsi, les Coen ont d’emblée choisi de réaliser un film à sketches, sans trop se préoccuper du lien scénaristique entre toutes les vignettes présentées, plutôt qu’une véritable œuvre critique sur cette période foisonnante du cinéma américain.

Le spectateur a donc la désagréable impression de suivre différentes scénettes sans queue ni tête. Pour la cohérence ou l’harmonie, on repassera. C’est que le fil rouge est bien maigre. Tellement rachitique qu’on se fout royalement du sort réservé à la vedette jouée par Clooney dans l’intrigue. Néanmoins, malgré le manque d’enjeux, on ne boudera pas longtemps ce parti pris tant l’artisanat dont font preuve les frangins est remarquable. Chaque séquence est filmée tel un tableau rendant hommage à un genre particulier. Les réalisateurs pastichent les codes avec une aisance jubilatoire et une virtuosité indéniable.

C’est résolument kitsch mais sacrément bien usiné. Le ballet nautique avec une Scarlett Johansson en diva qui jure comme un charretier, clop au bec, ou la comédie musicale avec un Channing Tatum fiévreux en mode Gene Kelly sont deux morceaux de bravoure d’une beauté esthétique folle. De la belle ouvrage combinée à de vrais moments de comédie comme ce drame psychologique où un réalisateur pointilleux (l’irrésistible Ralph Fiennes) doit se satisfaire d’un jeune comédien de western au talent quelque peu limité (la révélation Alden Ehrenreich est à mourir de rire).


Qu’on se comprenne, les Coen livrent ici une œuvre mineure à mettre dans le même sac que leurs «Burn After Reading», «The Ladykillers» ou «Intolerable Cruelty». Non dénué de charme, chargé d’esbroufe et particulièrement fastueux dans ses reconstitutions (le travail combiné du chef opérateur et du chef décorateur est dantesque et restitue la grandeur des productions d’antan), «Hail, Caesar !», avec sa galerie de personnages hauts en couleur joués par une distribution de haut vol, finit néanmoins par s’essouffler et même par lasser. 

Note: 
Critique: Professeur Grant

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